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Le blog d'Alain Boublil

 

Le retour des taux d'intérêt négatifs en France

Pour la première fois cette année, si l’on excepte une brève période pendant l’été, le taux d’intérêt des obligations de l’Etat (OAT) à dix ans est repassé le 3 décembre en territoire négatif : -0,03%. Ainsi, contrairement aux prévisions maintes fois énoncées par les économistes et malgré l’accroissement spectaculaire de l’endettement public depuis le début de la crise sanitaire, les conditions de financement de la France restent extrêmement favorables. Ce n’est d’ailleurs pas une exception en Europe. L’Allemagne conserve son écart structurel de 30 à 40 points de bases avec Paris et a émis ces derniers jours avec un taux à dix ans de -0,39%. Aux Etats-Unis, le taux reste stable autour de 1,4% malgré les déclarations souvent contradictoires des autorités monétaires.

Cette évolution est d’autant plus importante que l’on a enregistré depuis plusieurs mois dans tous les pays développés un regain significatif de l’inflation. Elle a dépassé 4% en Allemagne et 6% aux Etats-Unis et est largement au-dessus du seuil des 2% dans la zone euro. Logiquement et malgré la politique des banques centrales de rachat des titres d’Etat sur les marchés, les investisseurs auraient dû être plus exigeants et obtenir des taux plus élevés. Mais le besoin de posséder des actifs sûrs, notamment pour satisfaire aux règles prudentielles, l’a emporté sur les conséquences de la dépréciation de la valeur réelle des actifs à laquelle ils s’exposaient.  

Le retour de l’inflation, après plusieurs décennies de stabilité des prix, a été provoqué par la forte hausse des prix des énergies fossiles qui n’est peut-être que temporaire et par la désorganisation des chaines internationales d’approvisionnement des entreprises en composants industriels qui a créé des pénuries. Ces mouvements ont été amplifiés par le rétablissement du taux normal de la TVA en Allemagne qui avait été abaissé pour soutenir la consommation et par la faible fiscalité sur les carburants aux Etats-Unis qui rend les prix bien plus sensibles qu’en Europe aux fluctuations du marché. Si ces deux derniers facteurs vont disparaître avec l’effet de base, le caractère durable ou non de cette reprise de l’inflation divise les observateurs, les uns l’estimant temporaire et uniquement lié à la sortie de la récession provoquée par l’épidémie et les autres considérant que les coûts importants de la transition environnementale pèseront longtemps sut les prix offerts aux consommateurs et aux entreprises.

Ce qui est sûr, c’est que contrairement aux théories économiques classiques, ce n’est pas l’augmentation très importante de la création monétaire qui en est la cause. Celle-ci a eu, au contraire, un effet déterminant sur le prix des actifs financiers et immobiliers. L’évolution des marchés d’actions est révélatrice. Les cours sont très largement supérieurs à ceux observés avant la crise sanitaire alors que la production a beaucoup de difficultés dans de nombreux pays à retrouver ce niveau. En France, le CAC 40 à la fin du mois de novembre avait gagné 18% en deux ans alors que le PIB à la fin de l’année sera seulement proche de celui atteint en 2019. 

Le retour des taux d’intérêt en France en territoire négatif conduit à un allègement du coût  de la dette d’autant plus durable que l’Etat a réussi à en allonger la maturité. En revanche, l’inflation aggrave la charge des remboursements des titres indexés dont on se demande pourquoi l’Etat persiste à en émettre. L’endettement public est passé de 60% du PIB en 2000 à 85% en 2010 et à 115% prévu en 2021, suivant le mode de calcul prévu dans les accords de Maastricht. Si l’on se réfère à la dette nette, en retranchant la valeur des actifs publics, le taux retombe à 103%.  Mais durant cette période du fait des taux très faibles et de l’amortissement des emprunts passés, remplacés par des emprunts à taux négatifs ou proches de zéro, la charge pour le budget de l’Etat est revenu de 2% du PIB en 2010 à 1,4% en 2020.

Depuis le début de l’année, les émissions des titres français ont connu un très large succès au point que leur montant au mois de décembre, cinq milliards environ pour les échéances à moyen et à long terme a été fortement réduit. Le volume mensuel moyen de cette catégorie d’émission avait été de 22 milliards durant le trimestre précédent. Comme cela avait été le cas au mois d’août, certaines émissions ont été faites avec des taux très supérieurs à celui du marché, 4,50% et 3,50% pour des échéances respectivement en 2041 et 2045, ce qui a permis à l’Etat d’empocher près de 2 milliards de primes d’émission qui vont abonder sa trésorerie. En contrepartie le Trésor public devra payer durant toute la durée de ces obligations des taux d’intérêt bien trop très élevés.

Le niveau de l’endettement de la France n’est donc pas considéré comme alarmant par les marchés financiers pour au moins trois raisons. La première, c’est que cette dette est pour un montant très important, certains disent que cela pourrait atteindre 20% du total, détenue par la Banque Centrale Européenne, donc indirectement par l’Etat à travers la Banque de France. C’est donc de l’argent que l’Etat se prête à lui-même. La deuxième est relative à l’instrument de mesure, le rapport entre cette dette et le PIB. Cet indicateur est discutable car on ne peut pas comparer un stock, la dette, avec un flux, la production annuelle d’un pays. Il vaudrait mieux comparer le PIB au montant des intérêts payés et on a vu que ce rapport était depuis dix ans, malgré la forte hausse de l’endettement, en nette diminution. La baisse des taux a donc plus que compensé les conséquences de l’accumulation des déficits.

La troisième et peut-être la plus importante raison est relative au taux d’épargne financière des ménages. Entre 2000 et 2020, il avait peu varié autour de 5% du revenu disponible brut. Depuis le début de la crise sanitaire, il a plus que doublé pour dépasser 12% en moyenne. Les ménages ont ainsi accumulé plusieurs centaines de milliards d’euros sur leurs comptes bancaires, sur leurs livrets d’épargne et dans leur assurance-vie. L’argument traditionnellement employé pour dénoncer l’excès d’endettement public, à savoir que celui-ci va être légué aux prochaines générations, n’a donc pas de sens puisque si les jeunes générations vont bien hériter de la dette, ils vont aussi hériter de l’argent pour la rembourser.

 Le maintien de taux d’intérêts très faibles et même négatifs au moment où l’inflation dépasse 2% est aussi une bonne nouvelle pour les finances publiques. La hausse des prix profite aux recettes de TVA et elle fait baisser mécaniquement le rapport entre le niveau de la dette et le PIB ce qui, s’il en était besoin conduit à rassurer les marchés financiers. Le véritable enjeu n’est donc pas l’endettement. Ce qui compte, c’est ce que l’on fait de l’argent public et l’indispensable distinction entre trois types de dépenses : le pur gaspillage comme par exemple ces anciens ministères laissés à l’abandon et les hôpitaux qui ont été fermés, les dérives bureaucratiques avec la superposition des autorités locales et la multiplication des organismes publics en tous genres, d’un côté à ne pas confondre avec les dépenses indispensables au bon fonctionnement des services publics auxquels les français sont attachés.

La gestion des finances publiques constituera un sujet important de la prochaine campagne présidentielle. La crédibilité des candidats dans ce domaine va donc dépendre de leur capacité  à réduire les deux premiers types de dépense pour financer l’amélioration indispensable des services publics.  

               

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