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Le blog d'Alain Boublil

 

La nouvelle inflation

On croyait en avoir fini avec l’inflation, au moins dans les pays développés, laquelle avait été un facteur majeur de déséquilibre jusque dans les années 90. Pour lutter contre elle, les politiques monétaires avaient été poussées jusqu’à l’extrême, comme aux Etats-Unis en 1979. Cela avait été, au moment de la création de l’euro et de la Banque Centrale Européenne, l’inquiétude majeure des pays fondateurs comme l’Allemagne, qui avait encore en mémoire les désastres des Années 20 qui n’avaient pas été étrangers à l’ascension du nazisme. C’est pourquoi dans le mandat de la BCE, la première priorité était d’agir pour que la hausse des prix soit limitée dans la zone euro à un niveau inférieur mais proche de 2%.

Mais depuis plus de dix ans (la dernière hausse des taux en Europe était intervenue à l’été 2008 à la veille de la crise financière), l’évolution des prix n’a cessé de se ralentir. Une quasi-stagnation s’est installée dans la zone euro comme aux Etats-Unis et au Japon, au point que les banques centrales durent adopter au début de la crise sanitaire des politiques expansionnistes pour faire remonter, ce n’est pas le moindre des paradoxes, le niveau de la hausse des prix. L’extinction du risque inflationniste provenait de la conjonction de plusieurs facteurs.

Il y a d’abord eu l’inversion des tendances pour les matières premières, au premier rang desquelles figurent le pétrole et le gaz. Au lieu du pic annoncé de la production, les découvertes massives de pétrole et de gaz et les progrès accomplis pour les transporter, ont largement suffi à répondre à la demande croissante des pays émergents comme la Chine et l’Inde. L’exploitation du pétrole et du gaz de schiste a joué un rôle déterminant. Cela a aussi contribué à réduire la demande de charbon thermique et à stabiliser les prix de l’électricité.

Il y a eu ensuite l’accélération du progrès technique et son application, grâce à l’automation et à la digitalisation. La production de biens et de services a vu ainsi les coûts se réduire pour le plus grand profit des consommateurs qui ont eu ainsi accès à des biens, par exemple dans l’électronique, ou a des services, comme le tourisme dans des conditions, chaque année, plus favorables.

Il y a eu enfin les conséquences de la mondialisation. Elles ont revêtu deux formes. L’ouverture à la concurrence a fait pression sur les prix offerts aux consommateurs. Elle a aussi permis la création de chaines d’approvisionnement avec d’importantes étapes dans les pays, comme la Chine, mais le processus s’est ensuite étendu à toute l’Asie du sud-est, qui avaient des coûts salariaux bien plus bas que dans les pays développés. Elle a été rendue possible grâce aux innovations intervenues dans la logistique avec la création des containers et de navires permettant de les transporter et avec l’automatisation des opérations portuaires.  

Enfin, les entreprises, suivant l’exemple de leur concurrentes japonaises, ont mis au point des procédures de réduction de leurs stocks de fournitures de composants. C’est le principe du « just-in-time » qui allégeait les trésoreries. Les processus étant parfaitement maîtrisés sur le plan technique et financier, personne n’imaginait que cela puisse être un facteur de fragilité  et créer des pénuries avec les hausses de prix qui en résulteraient jusqu’à ce qu’éclate la crise du Covid 19.   

Les derniers chiffres montrent l’ampleur du renversement de tendance. En France, on est au- dessus de 2% pour la première fois depuis plus de dix ans et au Royaume-Uni de 3%. L’inflation est proche de 4% en Allemagne et a dépassé 5% aux Etats-Unis. Cette situation marque-t-elle le retour à une époque que l’on croyait révolue ou n’est-elle que transitoire, comme le pense la plupart des dirigeants politiques et les banques centrales, qui n’ont pas entamé d’action pour freiner cette tendance ? La question est aussi au centre du débat en France avec les craintes sur le pouvoir d’achat des ménages. Trois facteurs, d’importance inégale expliquent ce rebond.

Après la récession historique provoquée par la crise sanitaire, la reprise économique a été partout, sauf peut-être en Allemagne, plus rapide et surtout plus forte que ce qui était prévu. Certains secteurs comme la restauration en ont profité pour relever leurs prix afin de combler les déficits passés. Mais ils constituent une minorité. La remise en route des outils de production industrielle a comporté dans certains cas des délais, ce qui a généré des tensions sur l’offre qui se sont automatiquement répercutées sur les prix. Mais ce phénomène est transitoire et ne comporte pas de facteurs auto-entretenus, qui sont à la base du mécanisme inflationniste.

Plus complexe est la crise logistique. Les entreprises avaient pris l’habitude d’optimiser leurs  approvisionnements. Les armateurs et les transporteurs routiers s’étaient organisés au mieux en fonction des pratiques de leurs clients, basées sur la stabilité et surtout sur la prévisibilité des volumes à transporter et des destinations à desservir. Celles-ci ont été brutalement modifiées durant l’épidémie ce qui a complètement désorganisé les chaines de transport. Cette situation est elle aussi transitoire mais elle mettra plus de temps à retrouver son équilibre et son efficacité que les activités entièrement localisées. Les conséquences sur les coûts d’approvisionnement vont peser sur les prix, mais la situation étant provisoire, par définition, elle n’entrainera pas non plus de hausses continues des charges, qui, sinon, auraient dû être  répercutées sur le client final

La troisième cause du rebond inflationniste et celle qui en France, est la plus apparente, concerne l’évolution des prix de l’énergie car la crise sanitaire n’en est pas la principale raison. C’est la conjonction de plusieurs facteurs qui a provoqué les hausses des prix des énergies fossiles, qui affectent les entreprises et les consommateurs. La reprise économique a joué son rôle, notamment en Chine mais n’explique pas la hausse des cours bien au-delà du niveau qu’ils avaient atteint avant l’épidémie. Des accidents climatiques comme une vague de froid au Texas et dans le nord des Etats-Unis ou des inondations en Chine ont au même moment pesé sur la production et provoqué un surcroit de demande. On pourrait penser qu’il s’agit de phénomènes de circonstance et que les prix retrouveront leur niveau d’avant la crise sanitaire.

Mais c’est loin d’être sûr car cette hausse intervient dans un contexte politique nouveau, la réduction de l’utilisation des énergies fossiles. Or cette réduction ne peut qu’être lente et les Etats se sont fixé des objectifs à très long terme. En même temps l’Agence Internationale de l’Energie a recommandé un arrêt immédiat des recherches de nouveau gisements de pétrole et de gaz. De nombreuses institutions financières ont déclaré qu’elles ne les financeraient plus et des fonds d’investissement se sont créé en s’interdisant de posséder des actions de sociétés qui exploiteraient des gisements d’énergies fossiles ou même qui y aurait recours dans leur activité. Or dans un contexte hostile au nucléaire et face à l’intermittence des énergies renouvelables, les énergies fossiles vont rester longtemps indispensables.

Les marchés de matières premières l’ont compris et les prix ont été poussés à la hausse et celle-ci, à moins d’un revirement peu probable du contexte environnemental, a toutes chances de durer et même d’être amplifiée par les mouvements spéculatifs.

L’évolution du prix de l’énergie a toujours été un facteur déterminant de l’inflation. Durant les crises des années 70, les hausses étaient à mettre sur le compte des pays producteurs. Aujourd’hui et demain, ces hausses résulteront de choix politiques et financiers au sein des pays développés. La nouvelle inflation en sera donc la conséquence.         

      

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