Le gouvernement vient de présenter ses projets de loi concernant le budget de l’Etat et le financement de la Sécurité Sociale pour l’année 2022. Ils ne constituent pas des engagements définitifs puisque qu’interviendront l’an prochain les élections présidentielles et législatives. Le prochain gouvernement aura donc toute latitude pour reprendre ou modifier en profondeur les dispositions qui vont être adoptées. Mais ces textes comportent des données précises sur la situation actuelle des finances publiques et son évolution prévisible à court terme, sous réserve, bien sûr que l’on n’assiste pas à une nouvelle vague de l’épidémie.
Le budget est présenté sur la base de prévisions de croissance meilleures que ce qui était escompté au printemps pour l’exercice en cours, soit 6% au lieu des 5% estimés initialement, et une poursuite de la croissance en 2022 au rythme de 4%. L’économie devrait donc retrouver à la fin de l’année le niveau observé avant l’épidémie et commencer à rattraper son retard en 2022. Le déficit prévisionnel de l’Etat l’an prochain serait de 143 milliards, en baisse par rapport 2021 où, après avoir été estimé initialement à 220 milliards, il est évalué maintenant à 197 milliards. En 2020, il avait atteint 178 milliards. La baisse du déficit s’explique à la fois par une amélioration des rentrées fiscales, notamment de l’impôt sur le revenu des ménages après avoir atteint 77 milliards en 2021 contre 73 milliards en 2017, et des recettes de TVA qui repartiraient à la hausse du fait d’une reprise de la consommation et par une moindre croissance des dépenses générées par la crise sanitaire.
Le déficit de la Sécurité Sociale est prévu cette année à 34,6 milliards après 38,7 milliards en 2020. Il devrait se réduire en 2022 pour atteindre 21,6 milliards. Aucun retour à l’équilibre n’est envisagé avant longtemps et les projections pour 2025 donnent encore un niveau de déficit supérieur à 15 milliards. Les données démographiques avec le vieillissement de la population et la nécessité constatée durant l’épidémie de revaloriser les rémunérations du personnel soignant expliquent la persistance d’un lourd besoin de financement de l’assurance maladie et d’un déficit structurel qui s’aggrave du système de retraite.
L’augmentation du niveau de la dette publique de la France s’est donc accélérée. Il est passé de 2350 à 2760 milliards d’euros en deux ans. Elle représentera en 2022, suivant les règles de calcul imposées par le Traité de Maastricht, 114% du PIB contre environ 99% en moyenne entre 2016 et 2019. Cependant ce chiffre est trompeur car il est basé sur la dette brute, avant donc que soient soustraits les actifs financiers publics. La dette publique financière nette est en réalité égale à 103% du PIB. Le recours au marché financier en 2022 sera du même ordre qu’en 2021, soit 260 milliards, car le montant des emprunts arrivant à échéance l’an prochain sera inférieur et l’Etat, comme durant les années précédentes n’aura aucun mal à placer ses émissions. Le niveau des intérêts pour les échéances à dix ans restera voisin de zéro, ce qui se traduit en réalité par des intérêts négatifs puisque l’inflation prévue se situera entre 1,5 et 2%.
La charge financière, malgré l’augmentation de l’endettement, n’augmentera pas et restera autour de 38 milliards. Elle dépassait 42 milliards il y a cinq ans. En réalité elle aurait dû continuer à baisser en 2021 et en 2022 mais l’Etat est contraint de rembourser des emprunts indexés auquel s’ajoute la facture de leur indexation, soit près d’un milliard en 2021 et 3 milliards en 2022. A cela s’est ajouté le coût de la reprise d’une partie de la dette de la SNCF. A l’inverse, la persistance de taux très faibles permet de réduire cette charge chaque fois que l’on rembourse un emprunt à taux fixe élevé, parfois supérieur à 3%, par un nouvel emprunt. Cette substitution a permis jusqu’à présent de compenser et au-delà le coût de l’augmentation de la dette publique. Il reste que la pratique passée des primes d’émission a atténué, sans explication valable, cet avantage et que la poursuite d’émissions de titres indexés à un moment où le risque inflationniste, même modéré, existe est incompréhensible puisque ces titres portent un taux d’intérêt peu différent de celui des obligations classiques.
En dépit des discours alarmistes sur le niveau excessif de la dette publique, détenue, il faut le rappeler pour un quart par la BCE, donc indirectement par l’Etat, et sur une éventuelle remontée des taux d’intérêt, la situation financière de la France ne doit pas inquiéter, surtout si on la compare à d’autres pays comme les Etats-Unis, le Japon ou de nombreux pays européens. Le vrai problème est ailleurs. L’Etat et les institutions qui en dépendent ont des niveaux de dépenses parmi les plus élevés des pays développés. Est-ce que ces dépenses donnent les résultats escomptés ? Là, la réponse est loin d’être satisfaisante et l’un des principaux enjeux des prochaines élections va bien être de juger cet aspect de la politique menée et ses conséquences économiques et sociales au regard des propositions alternatives.
Depuis plus de dix ans, la doctrine des gouvernements successifs a été d’accorder sous différentes formes des allègements de charges aux entreprises, depuis le Crédit-impôt-recherche jusqu’à la réduction des charges sociales et même maintenant des impôts « dits de production ». L’objectif était d’améliorer la compétitivité des entreprises. L’échec, que l’on peut constater avec l’évolution de la balance commerciale de la France est cinglant. Le déficit a atteint, malgré la récession de 2020, 65 milliards et la prévision figurant dans le projet de loi de finances pour 2022 le situe cette année-là à 95 milliards.
De la même façon, l’objectif affiché en permanence était de freiner la progression des dépenses publiques. On a alors fait porter l’effort sur les services publics avec les conséquences que l’on peut observer chaque jour sur des secteurs aussi essentiels que l’éducation ou les soins. Pendant ce temps là, on multipliait les institutions régionales et locales, on empilait des structures administratives et politiques les unes sur les autres et on créait à chaque instant des organismes publics. Le coût de cette bureaucratie envahissante est double : elle aggrave les déficits publics qu’on s’était promis de réduire et elle pèse, en permanence, en produisant des textes et des normes sur le mode de fonctionnement des entreprises et sur la vie quotidienne des familles dans leurs rapports avec l’administration.
L’environnement extérieur était jusqu’à présent favorable et a permis grâce à l’euro, à l’action de la BCE et au soutien des gouvernements de traverser aussi bien que possible sur le plan économique cette épreuve sanitaire. Main une fois surmontée cette épreuve, il n’est pas acquis que le consensus européen actuel sur le « quoiqu’il en coûte » perdure, surtout si entre en fonction en Allemagne, un gouvernement moins attaché aux compromis, surtout durant les premières années de son mandat. La France devra alors démontrer que sa politique économique et les déficits massifs, aussi bien sur le plan intérieur qu’extérieur, qu’elle a engendrés, seront progressivement corrigés.
La gestion de la dépense publique ne se réduit pas à régler son niveau. Tout dépend de ce que l’on en fait. Jusqu’à présent, les gouvernements français successifs n’ont pas apporté la preuve que sur le plan économique comme sur le plan social, ces dépenses avaient apporté les effets recherchés. Si cela avait été le cas, la France ne serait pas confrontée aux déficits, au chômage et au mécontentement social qu’elle connait aujourd’hui.
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