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Le blog d'Alain Boublil

 

Economie française : des chiffres trompeurs

La publication d’une révision en hausse de la croissance du PIB de la France au 2ème trimestre, passée de 0.9 à 1.1%, la confirmation des prévisions pour 2021 comprises entre 5 et 6% tout comme le retour du nombre de demandeurs d’emplois n’ayant aucune activité au niveau observé avant l’épidémie du Covid-19 a été accueillie avec satisfaction et a été accompagnée de commentaires résolument optimistes. Il en a été de même pour les enquêtes sur l’amélioration du climat des affaires dans différentes activités. Mais c’est excessif car ces données reposent sur des chiffres largement influencés par des « effets de base ».

Quand on mesure une évolution par rapport à un point de départ anormalement faible, il n’est pas étonnant que l‘on trouve une forte progression mais on ne saurait en conclure que celle-ci est significative et encore moins durable. L’économie française était en situation de quasi-stagnation en 2019, après un fort 1er trimestre. La crise sanitaire l’a plongé dans une récession sans précédent. Le PIB a reculé de 5,8% puis de 13,5% durant les deux premiers trimestres de l’année 2020. Elle a connu un rebond technique spectaculaire (+ 18%) après la levée des principales mesures restrictives durant le 3ème trimestre mais pendant les trois trimestres suivant, elle est retombée à nouveau en quasi-stagnation avec une baisse du PIB de 1% au dernier trimestre 2020, une croissance nulle au 1er trimestre 2021 et égale à 1,1% au 2ème trimestre. La France est donc loin d’avoir retrouvé le niveau d’activité atteint à la veille de la crise sanitaire.

Les mesures de soutien à l’économie mises en place par le gouvernement, au prix d’un accroissement très important des déficits budgétaires des années 2020 et 2021, exercice où il devrait encore dépasser 9% du PIB, et d’une augmentation du taux d’endettement public qui devrait atteindre 120% du PIB à la fin de cette année, ont permis, comme dans les autres pays d’éviter le pire, à savoir une vague de faillites et une hausse massive du chômage. Le nombre de demandeurs d’emplois n’exerçant aucune activité était d’environ 3,5 millions au mois de juillet. C’est une nette amélioration par rapport à 2020 où il avait atteint 3,95 millions mais ce n’est que le retour à la situation qui prévalait de 2017 à 2019, considérée alors comme un niveau tout à fait excessif. L’objectif de faire retomber le taux de chômage autour de 7% qui avait été fixé lors du quinquennat précédent n’avait pas été atteint et les chiffres actuels montrent qu’aucun progrès n’a été accompli depuis.

Ces résultats, malgré une apparence satisfaisante, sont donc décevants alors que l’économie française a bénéficié de mesures de soutien, qui ont permis d’éviter le pire, mais aussi des plans de relance européen et national d’un montant de plus de 100 milliards d’euros et dont on ne voit pas pour l’instant les effets sur l’activité économique. Tout s’est passé comme si les agents économiques, les ménages comme les entreprises, peu convaincus par les perspectives d’une reprise de la croissance et d’une amélioration de la situation de l’emploi, ont encaissé les aides offertes par l’Etat pour traverser la crise, mais se sont bien gardé de les dépenser.

En particulier, si l’on excepte les dépenses obligatoires comme l’énergie et les loyers, la consommation de biens, après avoir chuté en 2020 de 8,4%, a encore baissé de 4% depuis le début de l’année Le taux d’épargne financière des ménages a bondi : il est passé en quelques mois de 4% de leur revenu disponible brut à plus de 11%, ce qui s’est traduit par un gonflement sans précédent du niveau des dépôts bancaires et une poursuite des versements sur les différents plans d’épargne et d’assurance-vie. Les acquisitions immobilières ont été importantes du fait du niveau très faible des taux d’intérêt, ce qui a entrainé une augmentation de l’encours des prêts, mais cela a surtout porté sur des biens existants, le niveau des mises en chantier de logements et surtout le nombre de permis de construire délivrés étant resté à un niveau nettement inférieur à celui observé en 2019. Si l’on fait abstraction de l’effet de rattrapage sur les délivrances de permis, après les retards provoqués par les différents confinements, la progression récente du nombre de lancement de nouveaux chantiers est bien plus modeste.

Les investissements des entreprises sont tout aussi décevants, et cela malgré le plan de relance, qui semble mettre beaucoup de temps à produire ses effets. C’est particulièrement le cas dans l’industrie où après le très fort rebond du 3ème trimestre 2020, on observe une stagnation sur les trois derniers trimestres, malgré les efforts fait par l’Etat pour susciter une reprise et faciliter le financement des projets de relocalisation. Alors qu’il est en général compris entre 75 et 80%, le taux d’autofinancement des entreprises a dépassé 100% depuis le début de l’année. Comme les ménages, elles ont encaissé les aides publiques mais ont attendu que la situation économique d’ensemble s’améliore pour lancer d’éventuels projets d’investissements.

Enfin, et c’est le seul domaine où les chiffres ne sont pas trompeurs, nos échanges extérieurs n’ont cessé de se dégrader depuis le début de la crise sanitaire et cela, malgré la chute de la consommation des ménages, considérés traditionnellement et souvent à tort, comme les responsables de ces déficits. La contribution des échanges à la croissance a été négative depuis le début de l’année (-0,4% et -0,2% pour les1er et 2ème trimestres). Le déficit qui était déjà de 58 milliards en 2019 est passé pour les quatre derniers trimestres à 67,4 milliards principalement du fait des produits manufacturés. Contrairement à ce que l’on entend souvent, la première zone de déficit est l’Union Européenne avec 13,8 milliards, alors que les échanges étaient équilibrés en 2000, devant l’Asie (10 milliards).

Les conséquences économiques de la crise sanitaire ne doivent donc pas masquer les problèmes structurels auxquels reste confrontée l’économie française. Une croissance toujours faible (hors effets du rattrapage), un chômage qui n’a pas reculé depuis cinq ans et une compétitivité des entreprises qui ne cesse de s’affaiblir malgré les soutiens permanents dont elles ont bénéficié avec les allègements de charges sociales et fiscales et les aides massives reçues pour leur permettre de faire face aussi bien que possible aux conséquences de l’épidémie.

La publication de chiffres apparemment satisfaisants puisque calculés avec des effets de base favorables, ne doit donc pas occulter la réalité. Si les mesures mises en place pour permettre aux entreprises et aux salariés de traverser la crise ont effectivement été efficaces et couronnées de succès, il ne faut pas en tirer les conclusions que tous les problèmes auxquels est confrontée l’économie française ont été réglés. Bien au contraire, ils ont été aggravés comme en témoignent la perspective d’une faible croissance, la persistance d’un chômage très élevé et la dégradation continuelle de nos échanges extérieurs.

Le redressement économique de la France devra donc constituer l’un des enjeux majeurs de la prochaine élection présidentielle. Mais tant que le choc des personnalités des candidats l’emportera sur la scène médiatique sur les débats de fond et si leurs programmes se limitent à des effets d’annonce avec des horizons lointains, à des généralités ou à des dispositions séduisantes mais dont la mise en pratique se heurtera nécessairement à des obstacles insurmontables, il ne faudra pas s’étonner si les électeurs sont peu motivés pour se rendre dans leurs bureaux de vote. On parlera alors non plus de crise économique mais de crise politique.

Commentaires

  1. Hugo 7 sep. 2021 10:38:38 #

    Merci, un point très éclairant sur la situation actuelle. Au moins, on ne se fera pas d'illusions...

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