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Le blog d'Alain Boublil

 

Les défis de 2021

Quand on se souvient des projections qui étaient faites il y a un an sur l’économie mondiale, on mesure à quel point l’art de la prévision est difficile. Mais cela ne doit pas nous empêcher de regarder avec lucidité les problèmes auxquels le monde et bien sûr la France seront de toute façon confrontés l’an prochain et d’essayer d’en évaluer les enjeux. Si l’art de gouverner est de savoir prévoir, pour trouver les politiques adaptées et les mettre en oeuvre avec succès, il importe de disposer d’une analyse aussi juste possible des défis auxquels nous devrons faire face demain.

Le premier d’entre eux est naturellement l’épidémie du Covid-19. Il était impossible en 2019 d’imaginer et donc de prévoir qu’une telle catastrophe, car il faut bien appeler les choses par leur nom, allait se produire. Mais si le calendrier était imprévisible, la possibilité d’un tel évènement ne pouvait être écartée. Le monde a connu depuis toujours des épidémies majeures. Les progrès de la recherche pharmaceutique et de la médecine ont permis d’en atténuer les conséquences. Mais l’essor des déplacements ont fait que les épidémies ne pouvaient plus être cantonnées sur le lieu de leur apparition et cette situation est désormais irréversible. Il convient donc de s’adapter et de se préparer. C’est précisément ce qui n’a pas été fait en France comme dans de nombreux autres pays. L’absence d’équipements de protection et de traitement des malades causées par préoccupations budgétaires mal pensées a aggravé les conséquences financières de la crise dans des proportions sans rapport avec les économies réalisées. Elle a aussi introduit un doute pesant et dangereux sur l’efficacité de ces protections. L’année 2021 devra donc être celle où les différentes administrations prendront conscience que de telles erreurs ne doivent pas se reproduire.

Ce sera aussi l’année de la vaccination. Les enjeux pourtant essentiels semblent sous-estimés. Le vaccin, quelque soit sa composition ou la logique scientifique sur laquelle il repose est l’arme absolue. Si son efficacité est établie, cela signifie que l’épidémie aura été vaincue et les économies, à l’instar de ce qui se passe en Chine, repartiront de l’avant et combleront rapidement le déficit de croissance observé en 2020. Mais les Etats sont confrontés à un dilemme. Ils peuvent afficher leur confiance dans les capacités des différents vaccins proposés, mais ils doivent alors renoncer progressivement aux mesures restrictives. Si au contraire, ils persistent dans une logique de précaution, ils accréditent le doute sur la capacité des vaccins à éteindre l’épidémie. Ils entretiennent alors le scepticisme et incitent à la méfiance voire à une certaine réticence déjà largement répandue en France, face à l’intérêt de se faire vacciner.

Le deuxième défi concerne la reconstruction progressive des relations économiques internationales, gravement affectées par l’administration Trump. L’élection de Joe Biden devrait y contribuer mais il ne faut pas surestimer ses capacités car il n’est pas acquis que les Démocrates conquièrent la majorité au Sénat lors de la prochaine élection au mois de janvier en Géorgie. La grande leçon de la seconde moitié du XXème siècle, qui fut une période de paix et de prospérité sans précédent, notamment en Europe, c’est que la suppression progressive des barrières aux échanges et aux investissements entre les Etats y a apporté une contribution décisive. Le Plan Marshall puis les investissements des entreprises américaines, devenues ainsi des « multinationales » ont nourri la croissance. La création de la CECA a constitué le berceau de l’Europe d’aujourd’hui. Les grandes sociétés de commerce japonaises ont joué un rôle clé dans l’essor de l’Asie du Sud-Est et leur action a été relayée par la conversion de la Chine à l’économie de marché. Le pays poursuit dans cette voie avec son initiative puisant ses racines dans l’histoire avec ses références aux Routes de la Soie. Enfin, c’est l’adhésion à l’Union Européenne des pays de l’Est qui leur permet aujourd’hui de combler progressivement leur retard.

La conclusion d’un grand accord commercial en Asie, les négociations entrées dans une phase finale pour les investissements étrangers entre la Chine et l’Europe, la perspective d’un retour des Etats-Unis dans l’accord de Paris constituent un bon départ et 2021 pourrait marquer le début de la reconstruction d’un ordre économique international où tout le monde serait gagnant. Mais il restera beaucoup à faire, notamment une meilleure régulation des géants du numérique. L’enjeu est triple : il porte sur les contenus, dont les conséquences sur la vie démocratique ne peuvent plus être ignorées, sur la concurrence, à propos de laquelle on commence à s’inquiéter aux Etats-Unis et sur la fiscalité. L’évasion est facile puisque par définition, une donnée n’a pas de base territoriale.

Autre facteur d’apaisement des tensions, la conclusion de l’accord sur le Brexit est intervenue au bon moment. Mais il ne faut pas se tromper. Le Brexit est devenu un « faux Brexit » puisque rien ne va changer sur les échanges de marchandises dont la circulation restera libre, sans droits ni quota. C’était d’ailleurs la seule manière de régler la question de la frontière irlandaise. Seules seront affectées les activités de services au grand dam de la City. Il ne sera plus possible pour les non-résidents venant faire leurs achats à Londres de se faire rembourser la Tva, ce qui les incitera à venir les faire en France. Le Royaume-Uni est sorti de l’Union et a retrouvé sa souveraineté mais il reste dans l’Union douanière. La défaite de Donald Trump et le regain de la crise sanitaire à la fin de l’année ne sont pas étrangers aux concessions majeures faites par Boris Johnson. Il y a fort à parier que dans les années à venir, on assiste à d’autres accords qui lèveront de nouvelles restrictions.

2021 sera aussi en France une année pré-électorale et les enjeux politiques seront omniprésents. L’épidémie a eu un avantage pour le gouvernement. Ses conséquences sur l’activité ont complètement occulté ses mauvais résultats économiques : croissance faible, chômage durablement élevé, compétitivité médiocre comme en témoignent la hausse du déficit extérieur. Quant aux finances publiques, il n’est plus question de se fixer comme objectif et donc de parvenir à leur rétablissement puisque, à juste titre, pour atténuer les conséquences de l’épidémie, un déficit massif a été enregistré en 2020, lequel ne devrait pas revenir en 2021 au niveau déjà élevé d’avant. Mais le débat politique sur les choix économiques ne pourra être éludé. Le gouvernement sera déjà critiqué sur ses décisions lors de l’éclatement de l’épidémie et sur ses hésitations à propos des instruments de protection et des mesures restrictives pour en limiter la diffusion dans la population. Le défi qui se présentera à lui sera de choisir entre la reprise de la politique passée et de nouvelles orientations qu’il lui sera facile de justifier en invoquant la prise de conscience qu’aura produite l’épidémie. Rien de doit plus être comme avant. Le « monde d’après » devra ainsi être différent ce qui permettrait de ne pas avoir à se déjuger.

En faisant de l’amélioration du pouvoir d’achat et de la réduction des inégalités les pivots d’une nouvelle politique économique, en élaborant enfin un programme concret d’  investissements avec des incitations efficaces pour améliorer la qualité de l’air et réduire les consommations d’énergies, fossiles ou non, un candidat réconcilierait alors justice sociale et protection de l’environnement.

En France, le grand défi de l’année 2021, à côté de l’extinction de l’épidémie grâce à la vaccination,  va donc être la création d’une offre politique enfin adaptée au nouvel état du monde.                         

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