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Le blog d'Alain Boublil

 

La facture de la crise

Après avoir exposé son plan de relance destiné à soutenir le rebond de l’économie française après la profonde récession causée par l’épidémie du covid-19, le gouvernement, cette semaine a présenté son projet de loi de finances et son projet de loi de financement de la sécurité Sociale pour l’année 2021. Ces deux textes donnent une première estimation, pour l’année 2020, des conséquences sur les finances publiques et sociales de la crise et un chiffrage, susceptible d’être actualisé en cours d’année, des dépenses et des recettes pour l’année prochaine. Ainsi commence-t-on à avoir une idée plus précise du coût pour les finances publiques de la crise sanitaire et de la récession qui en a résulté.  

La crise a eu deux effets pour l’Etat. Elle a d’abord, en raison du recul de l’activité des entreprises et de la consommation des ménages, provoqué une chute des recettes fiscales d’environ 15 milliards pour les huit premiers mois de l’année. En même temps, pour atténuer les conséquences de la récession sur l’emploi et sur la situation des entreprises, l’Etat a dû augmenter ses dépenses. En année pleine, la prise en charge des mesures en faveur du chômage partiel devrait coûter plus de 20 milliards auxquels s’ajouteront les différents dispositifs de soutien direct aux entreprises, pour environ 10 milliards. En outre, l’Etat avait garanti pour 120 milliards d’euros de prêts bancaires aux entreprises. Une bonne part de ces prêts est allé abonder leur trésorerie, signe de leur inquiétude sur la situation à venir. Mais si ces mesures ont permis de réduire la hausse du chômage, elles ne l’ont pas empêchée. A la fin du troisième trimestre, il devrait y avoir près de 700 000 demandeurs d’emplois n’exerçant aucune activité de plus qu’au début de l’année. Le déficit de l’assurance chômage pourrait atteindre  25 milliards d’euros en 2020.

La Sécurité Sociale, pour les mêmes raisons n’a pas été épargnée. Revenu presque à l’équilibre en 2018 et 2019, le régime général devrait connaître un déficit en 2020 de 44 milliards et de 27 milliards en 2021. La baisse de rentrée des cotisations a affecté toutes les branches mais c’est l’assurance maladie et le régime vieillesse (respectivement 30 et 8 milliards de déficits en 2020)  qui ont subi le choc le plus lourd. Les mesures qui entreront en vigueur l’an prochain, avec la revalorisation des traitements dans les hôpitaux et les EPHAD représentent près de 6 milliards à ajouter. Ces estimations ne semblent pas avoir pris en compte le coût de la persistance de l’épidémie avec la deuxième vague annoncée cet automne et ses conséquences sur les taux d’occupations des  établissements de santé.

Confronté à ces déficits, le gouvernement a présenté un « plan de relance » qui devrait en théorie permettre, grâce à la croissance retrouvée, de récupérer des recettes budgétaires et sociales et de générer des créations d’emplois qui contribueront à réduire les coûts pour l’Etat du chômage et procureront des cotisations sociales. Mais ce plan, parce qu’il repose, pour l’essentiel, sur des transformations structurelles et qu’il vise parfois des objectifs contradictoires, ne devrait pas avoir d’effets significatifs à très court terme. Dans ces conditions, les prévisions de déficit budgétaire de 195 milliards (contre 96 en 2019) et de 153 milliards pour 2020 et 2021 pourraient donc être trop optimistes, surtout si de nouvelles mesures de confinement partiel ou total devaient être décidées.

Le taux d’endettement public devrait alors s’approcher de 120% du PIB à la fin de l’année, soit le double du taux maximum inscrit dans le traité de Maastricht, ce qui montre que ses critères sont devenus obsolètes et qu’il y a urgence à les réformer. Mais  la question posée aujourd’hui est de savoir, à la fin qui paiera pour son remboursement. Pour l’instant, les marchés financiers, alimentés en partie par les achats de la Banque Centrale Européenne dans le cadre de son programme de soutien de la croissance décidé par Mario Draghi, confirmé par Christine Lagarde et même amplifié pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, ont absorbé l'augmentation des besoins de financement de la France comme des principaux autres Etats de la zone euro.

En 2020, en ajoutant le remboursement de la dette à moyen et long terme arrivée à échéance (130 milliards) au financement du déficit budgétaire, on dépasse le seuil de 300 milliards. Jusqu’à présent, le programme d’émissions à moyen et long terme révisé en hausse à 260 milliards n’a rencontré aucune difficulté pour trouver des investisseurs, tout comme les émissions à court terme à hauteur de 40 milliards. L’Etat a même grâce aux primes d’émissions résultant d’emprunts placés à des taux supérieurs à ceux du marché, pu accroître sa trésorerie. Pour 2021, le programme prévoit une réduction du déficit d’environ 40 milliards et un niveau d’émissions stable autour de 260 milliards de titres à moyen et long terme mais une forte réduction du recours à des titres à court terme.

La hausse du volume d’emprunt émis n’a pas, au contraire, provoqué de tension sur les taux d’intérêt. Leur niveau est resté négatif (-0,25% en moyenne sur les trois derniers mois pour les échéances à 10 ans) et l’écart avec le Bund allemand s’est même resserré, descendant en dessous de son niveau structurel de 30 points de base, signe supplémentaire de l’absence de doutes des marchés sur la solvabilité de la France. La charge de la dette va donc continuer de baisser, et se situer nettement en dessous de 30 milliards, alors qu’elle était encore supérieure à 40 milliards il y a cinq ans. Elle restera à ce faible niveau pendant de nombreuses années puisque les emprunts émis ont une durée longue et, que pendant toute cette période, ils ne coûteront rien, voire rapporteront. Mais cette situation n’est pas saine, comme le remarquent la plupart des observateurs.

La seule manière de payer la facture de la crise, c’est le retour de la croissance, qui générera de nouvelles recettes et surtout qui mettra un terme à toutes les dépenses (chômage partiel ou total) engagées pour en atténuer à court terme les conséquences. Le Plan de relance de 100 milliards présenté par le gouvernement avait cet objectif pour raison d’être. Malheureusement, et en dépit des effets d’annonce qui ont cherché à le minimiser, ses dépenses seront étalées sur plusieurs années et ses effets à court terme risquent d’être très limités. Surtout, il repose sur une philosophie économique, la politique de l’offre dont l’efficacité n’a pas été démontrée depuis qu’elle a été mise en œuvre il y a près de dix ans, au début du mandat de François Hollande avec notamment le CICE. La croissance est restée faible, le chômage, même en légère baisse jusqu’à l’apparition de la crise sanitaire, trop élevé et le déficit commercial toujours excessif.

Le débat autour de la facture de la crise ne doit donc pas se concentrer sur le niveau des déficits et de la dette publique, pour faire peur et faire adopter des mesures impopulaires comme la libéralisation du marché du travail ou la réforme des retraites. Elles se traduiraient  par une précarité accrue des salariés et des menaces sur le niveau de vie des retraités, ce qui ne contribuera pas, au contraire à rétablir la confiance indispensable au retour de la croissance. C’est l’efficacité des politiques économiques adoptées pour sortir la France de la crise qui est en cause. Ce n’est donc pas le procès de la dette qu’il convient de faire mais celui de la politique de l’offre.      

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