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Le blog d'Alain Boublil

 

Energie : bilan 2019 et perspectives pour le "monde d'après"

Au mois de juin, le groupe pétrolier BP publie pour l’année passée les statistiques de production et de consommation d’énergie suivant chaque source et pour chaque pays. Cela permet d’avoir une idée précise et incontestable de la situation dans le monde, des émissions de CO2, de l’évolution de la part des différentes énergies fossiles, des énergies renouvelables et du nucléaire et surtout des tendances qui apparaissent sur le moyen terme. Ils permettent de chasser beaucoup d’idées fausses sur la transition énergétique et de porter un jugement sur les différentes propositions qui circulent dans ce domaine.   

Le premier constat porte sur la consommation d’énergie qui, globalement, ne faiblit pas, même si elle peut osciller en fonction de la situation économique des pays ou des fluctuations de température. Au cours des dix dernières années, elle a cru à un rythme d’environ 1% par an, moyenne qui résulte d’une stagnation dans les pays développés membres de l’OCDE et d’une croissance de 3% dans les autres pays. Dans les pays émergents et à l’exception de certains pays du sud-est asiatique, l’augmentation de la consommation d’énergie est  inférieure à la croissance de l’économie, qui est donc plus sobre qu’on a coutume de l’affirmer. Les cas de la Chine et de l’Inde sont à cet égard révélateurs. Pour des taux de croissance respectivement de 7,5% et de  6,5% sur la période, l’augmentation de la consommation d’énergie primaire chaque année n’a été que de 3,8 et de 5,2%.

Le second constat porte sur l’abondance de l’offre et ses fortes fluctuations selon les régions. Pour le pétrole, le fait dominant est la hausse  de la production américaine avec, à partir de 2012, l’exploitation des gisements de pétrole de schiste. Entre 2009 et 2019, la production américaine est passée de 5,3 à 12,2 millions de barils par jour, faisant du pays le premier producteur mondial devant la Russie et l’Arabie saoudite dont les productions fluctuent autour de 11 et de 10 millions de b/j. La production a aussi augmenté dans les pays du Golfe, ce qui a largement permis de compenser l’épuisement de certains gisements, par exemple en mer du Nord et au Mexique, ou les baisses provoquées par l’instabilité politique comme en Iran, en Libye ou au Venezuela.  

Un constat analogue peut être fait pour le gaz naturel qui est l’énergie fossile qui a connu la croissance la plus forte, sans engendrer de hausse des cours. Sur dix ans la production a cru de 2,5% par an soit deux fois plus vite que la production pétrolière. Le gaz de schiste américain y a contribué, avec aussi la possibilité nouvelle offerte au pays d’exporter grâce à la construction d’usines de liquéfaction. Deux autres facteurs  ont facilité l’ascension du gaz naturel, outre la nouvelle abondance créée par les découvertes américaines. Des investissements en gazoducs et les progrès technologiques effectués dans le transport par méthaniers ont rendu cette énergie plus accessible. Son prix lui a permis d’être compétitif pour produire de l’électricité. La consommation américaine a augmenté de 37% et celle de la Chine a plus que triplé. En revanche, en Europe elle a stagné et elle n’a pas encore progressé en Inde du fait de l’absence d’infrastructures permettant d’accéder à la ressource.

L’ascension du gaz s’est principalement faite au détriment du charbon pour alimenter les centrales thermiques. Elle s’est accompagnée de conséquences géopolitiques qui ne sont pas sans rappeler ce qui s’est passé avec le pétrole durant tout le XXème siècle. L’alimentation de la Chine par des gazoducs sibériens a été un facteur de rapprochement entre les deux pays. Les tensions permanentes à propos de la construction de gazoducs en mer du Nord soit pour avoir accès au gaz russe grâce aux deux Nordstream, soit, au contraire pour s’en passer, comme le feront la Pologne et la Norvège avec le « Baltic Pipe » sont un sujet de contestation avec les Etats-Unis, la Russie et même entre pays européens. L’offensive du président Erdogan en Libye ou en Syrie, ses rapports difficiles avec l’Egypte et la Grèce sont directement liés à la volonté de la Turquie de jouer un rôle stratégique pour l’exploitation des gisements de Méditerranée orientale.

Si la part du charbon a diminué aux Etats-Unis et dans une moindre proportion dans l’Union Européenne, le recours à cette énergie fossile lourdement émettrice de CO2 et de particules, n’augmente plus en Chine depuis 2013. Mais le pays qui a lui seul représente la moitié de la consommation mondiale continue de construire des centrales à charbon ou à en financer la construction à l’étranger et notamment en Serbie. En revanche, en Inde la croissance demeure très forte. Le recours au charbon a cru en dix ans de 60% pour atteindre 12% de la consommation mondiale. Dans tous les pays, le développement des énergies renouvelable a été rapide (1 600 TWh en dix ans) mais il n’a pas compensé la hausse de la consommation d’électricité sur la même période (7 000 TWh) et, du fait du caractère intermittent de la production, ce développement n’a pas eu pour conséquence la mise à l’arrêt d’un nombre significatif d’unités de production polluantes. Enfin, globalement, les productions nucléaire ou hydroélectrique sont restées stables.

L’objectif de stabilisation voire de diminution des émissions de CO2 est donc loin d’être atteint. Si la croissance des rejets ralentit pour ne plus atteindre que de 1,1% par an depuis dix ans, les disparités entre zones sont très fortes. L’Union Européenne, avec 10% des émissions a reculé de 1,5% en moyenne par an ; les Etats-Unis, avec 14,5% des émissions ont diminué leurs rejets de 1,1% par an du fait du transfert du charbon vers le gaz naturel pour la production d’électricité. Mais, par tête d’habitant, le pays reste très au dessus de la moyenne et a donc encore beaucoup d’efforts à faire. La Chine, avec 29% des émissions mondiales a ralenti leur progression mais avec leur croissance de 2,6% par an, le pays contribue encore fortement au réchauffement climatique. Enfin la principale inquiétude vient de l’Inde et de l’Indonésie qui génèrent chaque année des émissions en hausse de plus de 5% et qui ont encore un rattrapage économique majeur à effectuer, fortement consommateur d’énergie. Ils représentent déjà près de 10% des émissions mondiales.

Et la France dans tout cela ? Ses émissions ont baissé de 15% en dix ans et son niveau par habitant est l’un des plus faibles des pays développés, la moitié de l’Allemagne et quatre fois moins que les Etats-Unis. Nous contribuons pour environ 1% au total. Le phénomène climatique étant global, il ne faut donc pas surestimer les conséquences des actions menées dans notre pays. Et quand on regarde chaque source d’émission, on observe que l’utilisation du diesel est la plus importante. Son recours, il ne faut jamais l’oublier, fut encouragé lors du premier « Grenelle de l’environnement » en 2008. Au contraire, celles émises par le transport aérien n’en représentent qu’environ 2%. Stigmatiser ce moyen de transport sous prétexte qu’il contribue pour 2% de 1% au réchauffement climatique ferait sourire s’il n’emportait pas de lourdes conséquences économiques et sociales.

La lutte contre le réchauffement climatique est une affaire trop sérieuse pour être confiée à des amateurs, même s’ils sont de bonne foi. Il serait judicieux que les personnes qui ont été tirées au sort pour faire des propositions dans ce domaine pour le « monde d’après » et que ceux qui vont être chargés de les mettre en pratique fassent l’effort de s’informer.

 

          

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