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Le blog d'Alain Boublil

 

La France et sa dette publique

Comme tous les ans à la même époque, la cour des Comptes a rendu son rapport sur la gestion des finances publiques durant l’année précédente. Ses critiques sont sévères sur le fonctionnement de certains services ou établissements publics et ses conclusions sont alarmistes sur l’évolution du déficit de l’Etat et de son endettement. Mais autant les analyses qui revêtent la forme d’un audit détaillé portant sur un cas précis comme l’école Polytechnique par exemple sont indispensables et convaincantes parce qu’elles attirent l’attention sur des dysfonctionnements et comportent des éléments permettant à l’Etat d’y remédier, autant les considérations macroéconomique sur les finances publiques sont discutables parce que les critères retenus ne sont pas toujours appropriés et surtout les risques sont surestimés.

Les alertes sur le niveau de la dette et des déficits ne sont pas nouvelles. En 2019, ceux-ci ont dépassé à nouveau 3% du PIB du fait du cumul sur le même exercice du crédit d’impôt accordé en 2018 aux entreprises pour réduire leurs charges et de sa transformation en baisse de charges pour l’exercice concerné. Logiquement, l’exercice suivant devrait se retrouver nettement en dessous des 3%, ratio considéré par les règles européennes comme ne devant pas être dépassé. Il demeure qu’année après année le déficit, même en réduction, contribue à l’augmentation de la dette publique et c’est ce que la Cour des Comptes met en avant pour justifier ses critiques sur la politique de l’Etat. La dette publique, en valeur absolue et telle qu’elle est comptabilisée dans les traités européens continuera donc de progresser et devrait dépasser 2 400 milliards d’euros en 2020 et rester proche de 100% du PIB. Cela constituerait un double risque, en cas de remontée des taux et, plus grave encore, du fait des doutes que le niveau de cette dette pourrait faire peser sur la capacité à la rembourser.

Le première critique traduit, volontairement ou non, une analyse insuffisante des marchés obligataires. Sous l’effet cumulé de la politique de la Banque Centrale Européenne, de la montée des risques dans le monde, dont le dernier n’est pas le moindre avec la menace d’une épidémie majeure qui incite les investisseurs à se reporter sur les placements les plus sûrs et enfin du taux d’épargne très élevé des ménages en France, le niveau des taux d’intérêt à moyen et long terme n’a jamais été aussi bas en ce début d’année. Il a varié, pour l’OAT à dix ans autour de -0,10% et a même chuté jusqu’à – 0,30%, le 28 février. L’Etat a ainsi pu émettre en deux mois environ 50 milliards d’euros de dette à moyen et long terme, soit plus du quart des émissions prévues pour l’année entière. La charge d’intérêt de la dette de l'Etat en 2020 se situera autour de 36 milliards d’euros suivant les calculs de l’Agence France Trésor. Elle était supérieure à 40 milliards il y a trois ans. La baisse aurait d’ailleurs pu être plus marquée si l’Agence avait émis moins de titres portant des intérêts supérieurs au taux du marché dans le passé, sous prétexte d’assurer la liquidité des souches anciennes et en encaissant au passage de substantielles primes d’émission.

Le risque souvent mis en avant que ferait peser sur les équilibres financiers du pays une remontée des taux d’intérêt est très largement surestimé pour deux raisons. La dette est à taux fixe et une éventuelle remontée ne porterait que les nouvelles émissions, et cela avec un an de décalage. La maturité moyenne des titres a dépassé en 2019 huit ans. L’effet d’une hausse des taux sur la masse des intérêts versés chaque année serait donc très lent et compensé par l’amortissement année après année des anciens et coûteux emprunts. En 2019 sont venus à échéance deux obligations, l’une de 32,7 milliards portant intérêt de 3,75% et l’autre de 29 milliards portant intérêt de 4,25%. L’économie sur la charge de la dette des années suivantes sera donc supérieure à 2 milliards. A ces raisons comptables et indiscutables s’ajoutent les circonstances qui pourraient être à l’origine d’un changement de la politique monétaire de la BCE ou de l’environnement international provoquant la remontée des taux. Mais dans ce cas une reprise de la croissance et/ou de l’inflation aurait des conséquences sur les recettes budgétaires largement supérieures aux coûts supplémentaires engendrés par une hausse des taux d’intérêt.

En réalité le discours alarmiste sur l’endettement public, qui a pour objet de faire pression sur l’Etat pour qu’il fasse des économies, n’a pas beaucoup de fondement car il s’appuie sur un indicateur inadapté, le rapport entre la dette et le PIB. Mais si, ce qui est bien plus logique, on rapporte cette dette à la richesse des ménages, on se rend compte que le rapport a peu évolué depuis 25 ans. En 1995, la dette nette des administrations publiques calculée par l’INSEE correspondait à 34,4% du patrimoine financier des ménages. En 2018, ce rapport était de 39,2%, malgré la baisse des marchés financiers en fin d’année. Ceci résulte d’un taux d’épargne très élevé qui a atteint en 2019 14,7% du revenu disponible brut, le taux d’épargne financière représentant dans ce total 4,3%.

Ce discours n’a donc pas de véritable fondement. La vraie question, c’est comment se fait-il qu’avec un niveau aussi élevé de dépenses et de transferts publics, le mécontentement des Français qui s’est manifesté avec virulence depuis plus d’un an soit aussi fort. La réponse, qui n’est qu’ébauchée dans le rapport de la Cour des Comptes réside dans le contraste entre la situation des services publics, parmi les meilleurs au monde et sur lesquels on fait peser la pression et qui manquent donc de moyens, et celle des multiples administrations auxquelles on a ajouté au fil des années des dizaines d’organismes en tous genres, Autorités, Agences, Conseils etc… dont le coût de fonctionnement ne cesse de croître. A cela s’ajoute l’empilement des institutions locales sans équivalent en Europe qui ont proliféré à la suite de la décentralisation sans que l’Etat dont les compétences avaient pourtant été transférées réduise ses propres effectifs.

Le véritable labyrinthe administratif qui s’est constitué au fil des années s’est accompagné d’une législation et de réglementations de plus en plus complexes, les services trouvant dans la prolifération des textes (les codes du travail et des impôts comportent des milliers de pages) un motif supplémentaire pour accroître leur emprise sur l’économie et donc leurs coûts de fonctionnement. Cet environnement administratif, dont les résultats sont souvent médiocres et justement dénoncés par la Cour des Comptes, comme quand des centaines de millions ont été dépensés en pure perte pour informatiser la paye des fonctionnaires ou des militaires, fait aussi peser sur les entreprises des contraintes qui constituent un coût supplémentaire et affecte leur compétitivité. La bureaucratisation de la société française résulte ainsi de l’incapacité de l’Etat et des collectivités publiques à assurer de façon efficace les missions qui leur sont confiées. Là  est l’une des principales sinon la principale cause de la persistance des déficits publics et de l’accroissement de la dette.  

La politique conduite depuis plusieurs années, au lieu de remédier à ce défaut majeur de l’organisation de notre société  consiste à faire peser sur ceux qui assurent des missions essentielles de service public la charge du rétablissement des finances publiques, au risque de dégrader la qualité de ces services essentiels tout en protégeant des administrations peu efficaces. Il n’est donc pas surprenant que cette politique fasse l’objet d’un profond rejet de la population française.       

 

 

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