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Le blog d'Alain Boublil

 

La fée Electricité

La réouverture du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, après sa restauration réussie, permet de redécouvrir le chef d’œuvre du peintre Raoul Dufy. Une centaine de toiles réunies comme un puzzle et accrochées dans une vaste salle ovale retrace l’histoire de la science depuis l’Antiquité et les découvertes successives qui permettront l’introduction de l’électricité dans la société moderne. L’œuvre est destinée au Pavillon de l’Exposition Universelle qui doit se tenir à Paris. Nous sommes en 1937. Après l’arrivée au pouvoir du Front populaire, la situation politique en France est tendue. A nos frontières, la guerre civile fait rage en Espagne et le nazisme est à son apogée en Allemagne. De l’autre côté de l’Atlantique, Roosevelt a été réélu mais il n’abandonne pas la politique isolationniste de son prédécesseur. Pourtant, en France, certains veulent croire en l’avenir et à la contribution que le génie humain peut y apporter. Les portrais d’Archimède, de Thalès, d’Edison, de Faraday et de Pierre et Marie Curie, au milieu de beaucoup d’autres sont là pour en témoigner. Cette leçon d’optimisme est d’une étonnante actualité et nos dirigeants politiques, si pénétrés de l’importance de l’environnement, feraient bien d’aller y méditer.   

Il n’y a pas de société moderne sans électricité. Deux milliards d’êtres humains en Afrique et en Asie attendent d’être raccordés à un réseau. Dans les pays développés, les innovations ont débouché ou vont générer une demande croissante. Les téléphones portables nécessiteront des recharges plus fréquentes. Les « data centers » indispensables au stockage des informations et au développement des crypto-monnaies ont besoin d’être refroidis et seront de gros consommateurs. Les maisons connectées seront équipées de système capables d’actionner à chaque instant des équipements ménagers ou des systèmes de sécurité qui seront, en permanence en veille. Enfin le remplacement qui sera pourtant plus lent qu’on l’estime aujourd’hui des moyens de transport par une motorisation électrique sera aussi un facteur d’augmentation de la demande d’électricité et nécessitera une adaptation coûteuse des réseaux pour alimenter les bornes de recharge.

Depuis dix ans, la consommation mondiale d’électricité s’est accrue en moyenne de 2,5% mais la tendance s’accélère depuis trois ans avec une croissance supérieure à 3%. Dans les pays émergents comme la Chine ou l’Inde, le rythme est bien supérieur et va le rester mais ce ne sera pas compensé par les efforts des pays développés du fait des besoins générés par les innovations et par les politiques visant à remplacer les énergies fossiles par des énergies moins émettrices de gaz à effet de serre au premier rang desquels figure l’électricité. Dans certains cas ces efforts peuvent pourtant être contre-productifs si la génération d’électricité est fournie principalement par des combustibles fossiles comme en Chine, en Allemagne, en Pologne ou en Australie.

Le principal enjeu, dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre qui sont à l’origine du réchauffement climatique, est donc l’évolution du mix électrique, à partir du moment où cette source d’énergie est incontournable. Mais la sécurité d’approvisionnement doit être garantie. La réponse la plus souvent invoquée est le recours aux énergies renouvelables. Le nombre de grands sites susceptibles d’accueillir des barrages hydrauliques étant limité, beaucoup d’espoirs ont été mis dans les énergies éoliennes et solaires. Mais le débat est faussé par la diffusion d’informations erronées qui entretiennent  des illusions néfastes pour la résolution des problèmes posés et peuvent aboutir à des résultats contraires aux objectifs.

On s’enthousiasme d’abord devant les chiffres de progression des capacités de production, laissant croire que ces sources peuvent constituer une réponse au défi climatique. Mais si la progression des capacités est impressionnante, c’est bien parce que le niveau de départ est très faible et ne constitue pas en soi un bon indicateur. En outre, la comparaison entre les modes de production d’électricité à partir des capacités disponibles n’est pas significative. Pour produire la même quantité d’électricité pendant une année, il faut des capacités d’éoliennes deux à trois fois plus élevées et solaires six à huit fois plus élevées que pour les centrales nucléaires ou thermiques, suivant le climat de la région où sont exploitées ces unités.

La seconde erreur concerne la comparaison des coûts de production. Pour l’éolien et encore plus pour le solaire, comme pour toute production industrielle, les coûts unitaires baissent en fonction des volumes produits. Mais ces capacités de production sont intermittentes et les Etats doivent assurer la sécurité d’approvisionnement des usagers et donc maintenir en état de fonctionner le parc nucléaire ou thermique, ce qui a un coût qui doit être pris en compte dans les comparaisons. Jusqu’au moment où l’on pourra stocker l’électricité produite dans des proportions suffisantes pour garantir cette sécurité, les énergies renouvelables ne pourront donc être autre chose que des sources de production d’appoint et des capacités non intermittentes devront donc être maintenues en état de fonctionner quand les renouvelables n’en sont pas capables.  

La France se livre régulièrement à un exercice prospectif, la programmation pluriannuelle de l’énergie. Dans sa dernière version, il est prévu que la consommation d’énergie ait baissé en 2028 de 16,5% par rapport à 2012, c'est-à-dire de plus de 14% par rapport à aujourd’hui. C’est complètement irréaliste. Il est aussi prévu de réduire la part de la production nucléaire et d’augmenter les investissements dans les énergies solaires et éoliennes. Mais c’est tout aussi irréaliste. On sait déjà que les effets cumulés de l’arrêt de la centrale de Fessenheim, qui ne sera que très partiellement compensé par la mise en service de l’EPR de Flamanville, et des centrales à charbon devrait mettre le réseau électrique « sous tension » en 2022 et 2023, ce qui est une manière diplomatique de dire qu’il y a un risque de pénurie.

Les projets d’arrêt de réacteurs et les délais pour la construction des nouveaux EPR peuvent  conduire à une situation où la France qui disposait d’une électricité abondante à un coût très compétitif, dont une partie non négligeable était exportée, risque de devoir affronter un contexte de pénurie auquel que les énergies renouvelables sont incapables de remédier puisque les pics de demande interviennent le soir durant l’automne et l’hiver quand il n’y a plus de soleil et pas forcément du vent. La seule solution sera alors de maintenir en activité les centrales à charbon. A cet égard, le cas allemand est instructif. La décision de sortir du nucléaire était prise au nom de considérations relatives à l’environnement. Des investissements massifs furent alors engagés en faveur des renouvelables. Mais pour assurer la sécurité d’approvisionnement, il fut alors décidé de maintenir en activité jusqu’en 2038 les centrales à charbon. L’Allemagne continuera à avoir un niveau d’émission de CO2 plus de deux fois supérieur à celui de la France.    

Les énergies solaires et éoliennes sont utiles et doivent se développer. Mais en faire la principale source de production d’électricité est irréaliste, sauf à renoncer à la sécurité d’approvisionnement ce qui est également impossible quand on sait la place que l’électricité a prise dans notre société. Un équilibre doit être prévu entre les énergies intermittentes et les centrales capables en cas de besoin d’assurer la continuité de la production. Afficher un objectif de réduction de la production nucléaire dans un tel contexte revient, comme en Allemagne à maintenir en activité les centrales utilisant des énergies fossiles. Il est difficile de prétendre alors que l’on mène une politique de l’énergie conforme aux engagements de la France en faveur du climat.       

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