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Le blog d'Alain Boublil

 

Pétrole : la nouvelle abondance

Les tensions au Moyen-Orient avaient provoqué, à la fin de l’année dernière, une remontée brutale des cours du pétrole, atteignant près de 70$ par baril. Alors que ces tensions sont loin d’avoir disparu, avec l’attaque américaine contre le chef de l’armée iranienne et le tir de missile qui a abattu le Boeing ukrainien faisant 176 morts, les cours sont retombés en dessous de 65$, le marché semblant ignorer les risques politiques qui pèsent sur la première zone de production et d’exportation de l’or noir. Ceci marque une rupture avec le passé. Les deux premiers chocs pétroliers, dans les années 70 avaient coïncidé avec la guerre du Kippour puis avec la révolution iranienne. L’invasion du Koweït puis celle de l’Irak et enfin le printemps arabe avaient chaque fois provoqué l’envolée des cours qui atteignirent leur niveau record avec plus de 100 dollars le baril en moyenne entre 2011 et 2014.     

La réaction des marchés ne signifie pas qu’on croit à un apaisement de la situation mais qu’ils sont devenus beaucoup moins sensibles aux risques géopolitiques, même si ceux-ci affectent encore les coûts de transports. Relier le golfe Persique à l’Asie coûte cinq fois plus cher qu’il y a un an, signe de la persistance des tensions qui affectent cette région. C’est le nouvel équilibre entre l’offre et la demande qui est à l’origine de cette stabilité. Régulièrement on prévoit un pic des capacités de production, le « peak oil », et notamment à l’Agence Internationale de l’Energie. La réalité a été tout autre puisque la production qui ne devait pas dépasser 85 voire 90 millions de barils par jour s’établira en 2019 à environ 95 millions. On a ensuite évoqué, en raison de la prise de conscience des risques associés au réchauffement climatique, l’idée d’un pic de demande. Il est loin de s’être produit. La consommation est passée en dix ans de 85 à 95 millions de barils par jour. La modération de la consommation des pays développés a été plus que compensée par la forte hausse des besoins des pays émergents, la Chine et l’Inde au premier plan.

L’idée d’une raréfaction des réserves disponibles s’est aussi largement répandue. Entre 2013 et 2015, si l’on inclut le gaz naturel, les nouvelles découvertes, s’établissaient en moyenne à 17 milliards de barils d’équivalent pétrole. Depuis, ce chiffre a été divisé par deux, ce qui pourrait laisser penser que l’on a de plus en plus de mal à trouver des énergies fossiles et que finalement la prédiction d’un pic pourrait bien se réaliser. Mais c’est le contraire. Si l’on trouve moins de pétrole, c’est que depuis trois ans, on en cherche moins car il est surabondant, ce qui explique, malgré les tensions géopolitiques affectant les zones de production, tant au Moyen-Orient qu’en Amérique Latine, la stabilité des prix. Le facteur le plus spectaculaire a été la hausse de la production américaine dont les effets sur le marché mondial ont été renforcés par la décision de l’administration Obama d’autoriser les compagnies à l’exporter quand elle n’en trouvait pas l’utilisation sur leur territoire du fait notamment de la saturation des capacités de raffinage.

La production américaine est ainsi passée de 5,7 millions de barils/jour à plus de 12 millions entre 2010 et 2019, année durant laquelle les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial. Cette nouvelle technologie d’extraction, qui s’applique aussi au gaz naturel, a, dans un premier temps, été vivement critiquée, notamment par l’intermédiaire d’un film où l’on voyait du gaz sortant des robinets d’eau exploser. On a compris rapidement que derrière ces campagnes agissaient les producteurs de charbon dont la compétitivité pour produire de l’électricité allait être affectée. Leurs inquiétudes étaient fondées puisque la part du gaz naturel dans les centrales électriques américaines a doublé en moins de dix ans, contribuant ainsi à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ces techniques d’extraction ne sont évidemment pas adaptées à des zones fortement urbanisées ou à des terres agricoles. Mais il existe d’immenses territoires en Sibérie, en Asie centrale ou en Amérique du Sud où des gisements peuvent être exploités.

L’abondance des ressources pétrolières ne s’est pourtant pas limitée aux gisements non conventionnels. En Norvège, le champ de Sverdrup vient d’être mis en exploitation et sa production devrait rapidement atteindre 600 000 barils/jour. Au Guyana comme en Angola d’importants champs pétrolifères off-shore ont été découverts et sont progressivement mis en exploitation. Au Brésil, en haute mer, en face de Sao-Paolo et de Rio, les gisements « pre-salt » entrent aussi en pleine activité ce qui confèrera bientôt au pays son indépendance énergétique. La production s’est accrue de 30% en dix ans et atteindra 3 millions de barils par jour d'ici peu de temps, couvrant ainsi 90% des besoins du pays. Le gouvernement avait lancé un appel d’offre l’an dernier pour un nouveau champ dans cette zone mais demandait un minimum de 24 milliards de dollars en échange de la concession d’exploitation. Il n’a eu aucun succès, les compagnies candidates trouvant ce montant trop élevé, signe supplémentaire du retournement du marché qui est devenu et devrait le rester longtemps encore sur-capacitaire.

Cette situation qui n’avait pas été prévue intervient dans un contexte où les préoccupations environnementales deviennent partout plus fortes, même si certains dirigeants politiques sont dans le déni, comme aux Etats-Unis ou au Brésil. Les comportements vont donc changer en pesant sur les consommations d’énergie, au premier rang desquelles figurent le charbon mais aussi le pétrole. Le recours aux moyens de transport électriques progressera, même si cette mutation sera beaucoup plus lente que ce qui est annoncé aujourd’hui. On peut en dire autant des modes de chauffage et des progrès dans l'isolement qui finiront là aussi plus lentement qu’espéré à produire leurs effets. Jusqu’à présent, en accroissant l’offre disponible, l’innovation technologique a plutôt favorisé les énergies carbonées, le gaz naturel et le pétrole, que les autres outils permettant de répondre aux défis environnementaux. Les responsables politiques doivent prendre en considération cette réalité quand ils se fixent des objectifs.

Ainsi l’engagement de « neutralité carbone » de l’Union européenne à l’horizon 2050 relève de l’utopie. D’abord, employer le terme d’ « horizon » pour fixer une échéance est paradoxal quand on sait que la caractéristique d’un horizon est de reculer chaque fois qu’on s’approche de lui. C’est un procédé de communication et rien de plus mais il est contre-productif. L’objectif est tellement au dessus de ce qu’il est possible d’atteindre qu’il engendrera, tôt ou tard, une fâcheuse démobilisation. La durée de vie moyenne d’une voiture particulière est supérieure à 20 ans. Dans le parc automobile, même si l’on compte les véhicules de transport routier et de livraison, la part des moteurs électriques est inférieure à 1% et mettra bien plus que trente ans à atteindre 50% puisque la pénétration des voitures électriques dans les immatriculations est encore en moyenne inférieure à 5% en Europe. Le raisonnement s’applique tout autant aux moyens de chauffage et à la production industrielle laquelle, dans certains domaines ne peut se passer d’énergies carbonées.

Pour convaincre et obtenir des résultats, il faut être crédible. Parler d’ « horizon » et citer des chiffres qui font rêver permet à ceux qui les prononcent d’occuper le devant de la scène. Mais la question est trop grave pour être traitée comme si on était au spectacle. Plutôt que de parler d’un monde sans carbone, devenons un monde sans charbon, ce sera bien plus efficace.      

      

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