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Le blog d'Alain Boublil

 

La fin de l'inflation : une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

La persistance d’un très faible taux d’inflation inquiète. C’est paradoxal puisque pendant des décennies les gouvernements se sont fixé comme objectif la stabilité des prix et que les banques centrales ont eu pour mission d’agir pour y parvenir. On avait encore, en Europe, en mémoire les conséquences de la crise allemande des années 20 qui n’avait pas été étrangère à la montée du nazisme. Aujourd’hui, on se trouve dans la situation opposée. Les banques centrales ont interprété leurs mandats en sens inverse de ce qui était prévu à l’origine. Au lieu de mener des politiques monétaires ayant pour objectif de faire tomber la hausse des prix à un niveau inférieur mais proche de 2%, dans la zone euro par exemple, elles agissent pour faire remonter l’inflation à ce niveau. Cette très faible inflation s’accompagne d’une croissance économique insuffisante et on cite souvent le cas du Japon et de la menace d’une stagnation séculaire.

Pour l’instant dans la zone euro, cet objectif n’est pas atteint mais cette politique suscite une vive controverse parce qu’elle a conduit à des taux d’intérêt négatifs ou presque nuls pour des maturités allant jusqu’à dix ans. La Banque centrale Européenne est aussi devenue le principal créancier des Etats membres (30% de l’encours pour les Pays-Bas et l’Allemagne, 20% pour la France et l’Italie) en achetant depuis 2015 des obligations à moyen et long terme sur le marché dans le cadre de la politique dite accommodante ou le « quantitative easing ». Les résultats de cette politique sont décevants, l’inflation reste très faible comme la croissance. Ne faudrait-il pas changer de politique monétaire comme l’ont demandé plusieurs anciens banquiers centraux qui ont mis en avant les inconvénients de ces taux d’intérêt pour les banques mais aussi pour les retraités qui ont confié leur épargne à des fonds de pension ? Ne faudrait-il pas aussi, comme l’a souligné l’ancien économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard revenir à une approche plus keynésienne en stimulant la demande, notamment par les dépenses publiques ou encore adapter notre fiscalité ?

Ce débat va forcément s’intensifier dans les années à venir car il y a bien peu de chances que l’inflation fasse sa réapparition. Les raisonnements économiques n’en tiennent pas suffisamment compte et ont été jusqu’à présent incapables d’aboutir à des propositions qui correspondent à cette nouvelle réalité. Les facteurs inflationnistes qui étaient nombreux dans le passé ont presque tous disparus. Il y eut d’abord, dans les années 70 les deux chocs pétroliers et la crainte d’une raréfaction de cette ressource indispensable à la croissance. Le Club de Rome en 1973 annonça même que la production ne dépasserait jamais 85 millions de b/j. Elle a atteint 94,7 millions en 2018 malgré les conflits et les crises qui affectent plusieurs pays producteurs. Le développement des nouvelles techniques de production comme le ralentissement de la demande provoqué par les politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre garantissent qu’il n’y a pas de facteurs structurels conduisant à une hausse des prix des combustibles fossiles. A de très rares exceptions près on peut en dire autant des autres matières premières ou des produits agricoles, mis à part les incidents climatiques ou biologiques, qui peuvent affecter temporairement une plante ou une espèce animale.

L’intensité de la concurrence joue un rôle déterminant pour stabiliser les prix. La France en a fait l’expérience. Jusqu’au milieu des années 80 l’administration contrôlait les prix mais son action avait l’effet inverse du but recherché et le pays était souvent stigmatisé en Europe pour son incapacité à lutter contre l’inflation. Avec les réformes initiées par Pierre Bérégovoy et poursuivies par Edouard Balladur et la libération progressive mais systématique des prix, la concurrence a mis un terme avec une grande efficacité à ce qui apparaissait comme un mal français. Le phénomène a pris une autre échelle avec la mondialisation et pas seulement du fait de l’apparition de producteurs profitant de leurs faibles coûts comme la Chine. La compétition entre les entreprises de tous les pays pour conquérir des parts de marché a profité au consommateur qui a en outre bénéficié d’une offre bien plus étendue de produits.

On a aussi invoqué le facteur démographique et le vieillissement de la population en se fondant sur l‘exemple du Japon pour expliquer la disparition de l’inflation et la faible cropissance. Les personnes âgées épargneraient plus et consommeraient moins ce qui expliquerait la stagnation de la demande et les pressions sur le niveau des prix. Mais cet argument est peu convainquant car des pays aux profils démographiques très différents comme la France et l’Allemagne sont confrontés au même phénomène.

Enfin l’innovation a joué un rôle capital qui est loin d’être arrivé à son terme. Les nouvelles technologies de production ont permis des réductions spectaculaires des coûts de fabrication  et une amélioration des performances, par exemple dans tous les produits électroniques. La digitalisation a ouvert de nouvelles possibilités de réduction de coûts, transmises aux consommateurs sous l’effet de la concurrence. Le phénomène s’est étendue aux services grâce aux multiples plates-formes qui interviennent dans des secteurs allant du tourisme aux moyens de se déplacer en passant par la restauration à domicile ou dans le secteur bancaire avec les possibilités offertes par Internet. Il est bien peu probable que ce mouvement s’inverse.

Pour toutes ces raisons, l’inflation appartient à l’« ancien monde économique » et les politiques qui, sous prétexte de la faire remonter, visent à stimuler la croissance ne sont plus appropriées. Le maintien de taux d’intérêt à un très faible niveau n’est plus suffisant et il n’a pas contribué à réduire le chômage dans les pays qui, du fait de leur profil démographique, connaissaient un niveau élevé. Cette politique trouve aussi ses limites quand elle affecte la stabilité du système bancaire confronté à une courbe de taux plate qui affecte la rentabilité de ses activités.  

L’inflation, par le passé agissait comme un transfert des épargnants mal protégés en faveur de l’Etat. Sa dette était artificiellement réduite et ses recettes budgétaires et sociales tout aussi artificiellement gonflées. Ce n’est pas un hasard si les critères de bonne gestion comportaient des ratios ayant au dénominateur les PIB en valeur. Ils diminuaient d’autant plus vite que les prix s’emballaient. Aujourd’hui, l’Etat profite de la réduction de la charge de sa dette mais la dette elle-même en valeur réelle ne diminue plus comme par le passé. La stagnation économique pèse en revanche lourdement sur ses recettes. Les entreprises voient leurs frais financiers diminuer, mais cela les incite à s’endetter, non pour procéder à des investissements productifs, puisque la demande est insuffisante, mais pour bien rémunérer leurs actionnaires et procéder à des investissements financiers. Les volumes atteints commencent à inquiéter et rappellent les prémices de la crise des sub-primes intervenue en 2007.

La disparition de l’inflation n’est pas une mauvaise nouvelle puisqu’elle a mis un terme à la spoliation de l’épargne des ménages déposée en banque ou sur des livrets. Mais le raisonnement économique traditionnel dans ce contexte conduit à mener des politiques économiques qui ne sont pas sans risques et qui n’ont pas été capables de rétablir un niveau de croissance suffisant pour faire baisser vraiment le chômage. Le vrai défi, c’est de trouver ces nouvelles politiques adaptées à un monde sans inflation. Pour contenir les déficits, une hausse de certains taux de TVA pourrait en faire partie puisqu’elle serait difficile à répercuter sur les ménages.        

          

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