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Le blog d'Alain Boublil

 

Trois idées pour le climat

La lutte conte le réchauffement climatique ne se réduit pas à la transition énergétique et l’Etat n’est pas le seul acteur qui doit s’impliquer. Mais le sujet a pris une telle place dans le débat politique que les effets d’annonce l’emportent sur les décisions appropriées. Cela peut se révéler contre-productif et susciter un phénomène de rejet alors que les ménages comme les entreprises, pour autant qu’on leur propose des solutions efficaces, sont dans l’ensemble prêts à participer à cet effort indispensable. Fixer des objectifs à très long terme comme la part du nucléaire dans la production d’électricité en 2035 (après avoir repoussée cette échéance de dix ans) ou l’interdiction des ventes de véhicules utilisant des carburants fossiles en 2040 est spectaculaire mais ne dispense en aucun cas de prendre des dispositions qui correspondent aux objectifs recherchés et de faire preuve d'imagination. Les trois idées suivantes peuvent ouvrir de nouvelles voies de réflexion.  

La première concerne l’isolation thermique des logements. Depuis des années on explique que ces travaux sont bénéfiques à tous points de vue. Ils créent des emplois et permettent de réduire les consommations d’énergies fossiles importées et les émissions de gaz à effet de serre quand le chauffage est assuré par une chaudière au fuel, au gaz ou au charbon. Cinq millions de logements sont qualifiés de « passoires énergétiques » mais à peine 50 000 logements par an font l’objet des investissements nécessaires malgré un soutien financier et politique affirmé. La raison en est simple : les outils d’incitation ne tiennent pas compte de la diversité des situations. En particulier, quand le logement est loué ou quand il s’agit d’une copropriété, celui qui finance les travaux ne sera pas celui qui en tirera tous les bénéfices. Le bien prendra de la valeur et l’occupant profitera de factures d’énergie en baisse. S’il s’agit d’une copropriété, ceux qui auront financé leur part d’isolation verront le bénéfice de leur investissement réduit du fait des logements non isolés de l’immeuble.

La solution, c’est de créer un nouvel outil juridique, qu’on pourrait appeler un « bail vert » qui fixe une juste répartition entre les différentes parties prenantes des avantages et des charges générés par les travaux d’isolation. Une fois le « bail vert » signé par celles-ci, un financement à taux préférentiel serait accordé de plein droit. Les institutions financières recueillent des fonds importants à travers leurs émissions d’« obligations vertes ». Elles trouveraient là un emploi correspondant parfaitement à ce pour quoi ces ressources ont été recueillies. Un système particulier de garantie pourrait même être mise en place pour sécuriser le crédit quand celui qui prend en charge les travaux ne dispose pas des actifs ou des revenus suffisants. Le « bail vert » s’appliquerait aussi aux relations entre les bailleurs sociaux et leurs locataires et les financements privilégiés profiteraient aux organismes HLM.

Le deuxième exemple concerne la circulation automobile en milieu urbain. La politique suivie jusqu’à présent a comporté deux volets. A court terme, on a réduit la place offerte aux véhicules pour se déplacer. Cela a pris, à Paris, un tour caricatural avec la multiplication des chantiers et la fermeture des voies de circulation. A long terme, on pense que le véhicule électrique constituera la bonne réponse. Seulement la réduction de l’espace a provoqué une congestion du trafic, des embouteillages et davantage de pollution sans compter le temps perdu qui a un coût par ceux qui se déplacent pour des raisons professionnelles. Il y a certes moins de voitures mais les moteurs restent plus longtemps allumés à l’arrêt. Quant à la voiture électrique, elle remporte peu de succès car elle ne correspond pas à la demande des clients. Malgré des aides importantes, ces véhicules n’ont représenté que 1,8% des immatriculations depuis le début de l’année.

Une autre solution en ville est possible : le feu rouge connecté, qui rend le trafic plus fluide et réduit donc les émissions polluantes. On ne fera croire à personne qu’il sera un jour possible d’avoir des voitures autonomes et connectées et qu’on n’est pas capable d’équiper la signalisation de capteurs et d’algorithmes permettant d’optimiser les passages à chaque croisement grâce au réglage, en temps réel de la durée de la couleur du feu. Il n’y a rien de plus absurde que d’être à l’arrêt quand il n’y a ni piéton ni véhicule sur la voie que l’on croise ou autour d’un rond-point. Le système permettrait aussi de mieux synchroniser les feux ce qui contribuerait également à rendre le trafic plus fluide et réduirait les émissions de CO2 comme de particules fines si dangereuses pour la santé. Le coût de tels équipements serait dérisoire si on les compare aux milliards qu’on se promet d’investir dans le secteur automobile ou à ceux déjà dépensés pour construire des ronds-points. Si on confie à des entreprises françaises un programme d’expérimentation de cette nature, nul doute qu’elles acquerront une expérience qui leur permettra d’exporter ce savoir-faire. Il ne faut pourtant pas tarder car il semble que quelques villes chinoises soient en train d’y réfléchir.

La troisième idée concerne le transport routier, qui ne semble pas, depuis la fâcheuse et coûteuse expérience des portiques, figurer parmi les priorités dans la lutte contre le réchauffement climatique et les pollutions. Deux faits majeurs ont affecté ce secteur : le désengagement de la SNCF, dont la part dans le trafic n’a cessé de diminuer depuis vingt ans, et l’essor du transport par conteneur qui profite des nouvelles techniques de numérisation et de l’automatisation de la manutention. Aujourd’hui, dans chaque port, les bateaux sont déchargés par des grues qui transportent les conteneurs sur les lieux de stockage d’où ils seront chargés sur les semi-remorques devant les conduire à leur destination. L’idée consiste à reprendre l’idée de l’aérotrain qui avait été abandonnée au profit du TGV. La voie suspendue serait équipée de tapis roulants sur lesquels seraient déposés les conteneurs. Une première ligne expérimentale pourrait partir du Havre et s’arrêter au nord de Paris dans une aire de stockage d’où les conteneurs seraient alors acheminés vers leur destination finale. Pour la financer, il suffit d’abandonner le projet de canal Nord qui a le même objet et dont le seul intérêt est de renforcer la domination des ports d’Anvers et de Rotterdam au détriment précisément du Havre. A défaut, là aussi, le produit des émissions de « green bonds » pourrait être mis à contribution.

La France a révolutionné le transport ferroviaire de voyageurs avec le réseau TGV. La construction à travers le pays d’un réseau de lignes d’acheminement de conteneurs, dont le coût serait bien inférieur aux lignes de transport traditionnelles, permettrait de réduire significativement et définitivement une bonne part des pollutions issues du transport routier, lequel garderait toute sa pertinence pour les livraisons de proximité une fois accomplis les longs trajets effectués sur les lignes spécialement dévolues à cet effet. Un tel projet est certainement moins coûteux et plus utile à l’environnement que l’idée folle portée par Hyperloop de transporter des voyageurs dans des capsules pressurisées à la vitesse de 1000 km/h.

La lutte contre le réchauffement climatique ne sera couronnée de succès que si les solutions proposées suscitent l’intérêt et correspondent aux besoins des personnes et des entreprises concernées. A défaut on restera dans une logique d’annonce et d’horizons dont on sait que la caractéristique est de reculer au fur et à mesure que l’on avance.

                     

Commentaires

  1. Hugo 11 juil. 2019 17:05:43 #

    Bonjour,
    Votre article apporte, comme toujours, des idées fondées et clairement exposées. L'idée des feux rouges connectés illustre bien le mélange de classicisme et d'originalité que l'on retrouve régulièrement dans vos écrits.

    Je me permets toutefois deux remarques dont vous pardonnerez, j'espère, l'impertinence :
    Première remarque, on parle beaucoup de problèmes climatiques en Europe, et ces questions occupent à mon avis beaucoup de place dans le climat intellectuel français. Qui pourrait y échapper ?
    Pourtant, quelques éléments dont vous avez assurément connaissance devraient nous inciter à remettre chaque élément à sa juste mesure : de nombreux pics de pollution en Europe et en France ne sont-ils pas liés à la direction du vent et aux émissions des centrales à charbon polonaises et est-allemandes ? Ensuite, nous sommes incités à réduire notre consommation (un peu) et à payer plus de taxes (beaucoup) pour lutter contre le réchauffement climatique. Cependant, je me suis laissé dire qu'en admettant que demain tous les français ramènent à zéro leur consommation, l'impact sur le changement climatique serait de... moins de 1% du total. Les poids lourds étant la Chine, l'Inde, les Etats-Unis...
    Pardonnez donc mon esprit retors, populiste et climatosceptique, mais j'ai le sentiment que la politique de lutte contre le changement climatique menée en France a un impact direct et important sur l'industrie et le budget de l'Etat, et un impact ténu si ce n'est inexistant sur le climat.
    Et si vraiment il se met à faire chaud, planter des arbres reste la meilleure des solutions, comme l'illustre la forêt expérimentale qui pousse dans le désert d'Egypte.

    Second point : vous parlez des modes de transport et promouvez l'usage de trains. En effet, cette solution est techniquement de bonne mesure, comme l'illustre l'exemple Suisse. Mais cela reviendrait à dépendre de manière massive d'une corporation organisée pour la défense de ses privilèges et de son idéologie : les cheminots et assimilés. Ce serait donc techniquement et économiquement une excellente mesure, mais politiquement, j'ai des doutes. Je soupçonne un cas identique pour le port du Havre : les importateurs Français évitent fréquemment de faire transiter leur marchandise par le port de Marseille et lui préfèrent le Havre. Cause? Les dockers et leurs petites magouilles. Si on préfère le port du Havre à celui de Marseille, n'y a-t-il pas lieu de préférer le port de Rotterdam à celui du Havre pour les mêmes raisons ? Une fois de plus, j'envisage une hypothèse politique pour expliquer les choix faits par l'Etat en matière d'infrastructures publiques de transports...

    Moralité si j'ai raison : un état, lorsqu'il est faible, se montre faible avec les forts et fort avec les faibles : on crève les yeux des Gilets Jaunes et on laisse perdurer les groupes d'intérêts minoritaires et aux limites de la loi.

    Cordialement

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