Vous n'êtes pas encore inscrit au service newsletter ?

S'inscrire

Se connecter

Mot de passe oublié? Réinitialiser!

×

AB 2000 Site d'analyse

Le blog d'Alain Boublil

 

Chine-Etats-Unis:Après la guerre commerciale, la guerre monétaire?

Le prochain sommet du G20 qui se tiendra à Osaka à la fin du mois, retiendra davantage l’attention par le rendez-vous prévu entre Donald Trump et Xi-Jinping que par les réunions organisées entre les dirigeants des principales économies du monde. Cette institution créée au milieu des années 2000 avait pour objet de traiter les problèmes économiques internationaux avec une approche multilatérale en dépassant le cadre du G7 limité aux pays les plus riches et en l’ouvrant aux pays émergents. Cette fois, c’est bien une approche bilatérale qui va prévaloir, même si tout sera fait pour sauver les apparences. Mais le communiqué qui sortira de ces discussions a bien peu de chances de faire passer au second plan les résultats ou l’absence de résultats enregistrés après le tête-à-tête entre les dirigeants américains et chinois.

Depuis deux ans, les Etats-Unis cherchent à rééquilibrer leurs échanges extérieurs lourdement déficitaires avec la Chine en adoptant des mesures protectionnistes. Cela va de l’instauration de droits de douanes de 10% sur 200 milliards d’importations, taux porté ensuite à 25% jusqu’à l’interdiction faite aux entreprises américaines de commercer avec le leader chinois des télécommunications Huawei. Ces décisions ont été partout accueillies avec inquiétude car elles étaient de nature à provoquer un ralentissement de la croissance mondiale. En frappant la Chine, qui constitue un acteur essentiel de cette croissance, tous les pays en subiraient les conséquences. L’objectif de la Maison Blanche était aussi d’inciter les entreprises américaines à rapatrier des productions et à créer des emplois à l’intérieur du pays. Il n’a pas été atteint mais le pays a néanmoins conservé un rythme de croissance élevé et a réduit le chômage sans pour autant que l’on assiste à un dérapage inflationniste. Comparés à ceux de l’Europe, les résultats de Donald Trump sont flatteurs et poussent les responsables de plusieurs pays à les citer en exemple. En réalité ils ne sont pas la conséquence de sa politique protectionnistes mais plutôt de la stratégie de relance par l’accroissement du déficit budgétaire. Cela n’a pas empêché le président américain d’annoncer une deuxième vague de droits de douane, portant cette fois sur 300 milliards de dollars de produits importés chinois. La mesure sera ou non mise en application en fonction des résultats de son entrevue avec son homologue chinois en marge du sommet du G20.   

Si elle était finalement décidée, une telle mesure pourrait avoir des conséquences plus graves aux Etats-Unis qu’en Chine. La Réserve Fédérale a estimé que cela coûterait à chaque foyer environ 800$ par an. Les dirigeants de 600 groupes américains ont écrit à Donald Trump pour le mettre en garde. Une nouvelle hausse des droits de douane atteindrait l’économie américaine car les entreprises n’auraient d’autre solution que de les répercuter à leurs clients. Les principaux importateurs ne sont pas les industriels mais la grande distribution qui se fournit en Chine depuis longtemps parce qu’il n’existe pas sur le sol américain d’offre compétitive. Dans une moindre mesure, les industriels ont aussi organisé leurs chaînes d’approvisionnement en sous-traitant la fabrication de composants ou de pièces détachées dans l’Empire du Milieu. Ils ne vont pas, du jour au lendemain les produire chez eux. Jusqu’à présent, ils n’ont même pas étudié cette éventualité. Les investissements seraient coûteux et personne ne croit à un maintien, sur le long terme, de cette politique.

La guerre commerciale initiée par les Etats-Unis, même si les deux dirigeants trouvent une solution qui leur permette à chacun de sauver la face et d’y mettre provisoirement un terme, a contribué à détériorer les relations économiques internationales. Elle pourrait être prolongée dans l’avenir par une guerre monétaire. La Maison Blanche a dénoncé, contre l’analyse de son propre département du Trésor, la manipulation par la Chine de sa monnaie, le Yuan. Pékin l’aurait dévalué pour riposter à l’instauration des droits de douane et maintenir ainsi la compétitivité de ses produits. Au début de l’année, le dollar valait 6,90 yuans. Puis, durant quatre mois, le Yuan est remonté et est resté stable autour de 6,70. Après le relèvement  des droits de douane sur 200 milliards d’importations chinoises annoncées le 5 mai 2019 et la menace de taxer 300 milliards supplémentaires, la monnaie chinoise s’est affaiblie pour dépasser légèrement 6,90 yuans pour un dollar et retrouver le niveau du début de l’année. L’ensemble des analystes s’est alors inquiété à l’idée que la barre symbolique de 7 yuans soit franchie.

Ces commentaires ont été contredits par Pékin qui considère qu’il n’existe aucune valeur symbolique pour le Yuan et pour qui la priorité est la stabilité et la poursuite de sa politique d’internationalisation de sa devise et de libéralisation et d’ouverture de ses marchés financiers. Le développement des liens avec la place de Londres depuis le début de l’année est spectaculaire. Les transactions en yuans ont même dépassé celles entre l’euro et la livre. Mais cela ne signifie pas que la Chine ne dispose pas de moyens pour peser sur les discussions en cours avec la Maison Blanche. La banque centrale chinoise a accumulé de réserves de changes considérables. Elles atteignent 3100 milliards de dollars. Les excédents de paiements courants du pays sont moins importants que par le passé car, par exemple, les dépenses des touristes chinois à l’étranger, se sont fortement accrues. La hausse des réserves a donc ralenti depuis deux ans mais la part des bons du trésor américain reste très élevée, à hauteur de 1100 milliards de dollars. La Chine est ainsi le premier créancier des Etats-Unis. A un moment où les déficits publics américains s’envolent et où les pressions sont fortes sur la Réserve Fédérale pour qu’elle assouplisse sa politique monétaire, Pékin dispose d’une arme redoutable.

La Banque centrale chinoise ne va évidemment pas se mettre à vendre massivement ses titres en dollars. En faisant chuter la monnaie américaine, la Chine en serait la première victime puisqu’elle en détient un montant considérable. Mais elle pourrait beaucoup plus subtilement cesser de souscrire aux émissions de Bons du Trésor et progressivement réduire leur poids dans ses réserves. La conséquence serait une montée des taux d’intérêt payés par l'Etat américain, qui serait d’autant plus gênante qu’elle interviendrait à un moment où les besoins de financements publics s’accroissent. Cette évolution irait à l’encontre des objectifs de Donald Trump et des tensions monétaires s’ajouteraient aux tensions commerciales qui même si un accord est trouvé à Osaka, ne vont pas complètement disparaître.  

Jusqu’à présent, la guerre commerciale entre Pékin et Washington a eu peu de conséquences en dehors des Etats-Unis. Un apaisement serait logique puisqu’il est devenu de plus en plus évident que le peuple américain est la principale victime de ces affrontements et que les entreprises du pays le réclame. Mais l’apparition de tensions monétaires pourrait avoir des conséquences bien plus étendues. Une hausse des taux américains serait inévitable pour attirer les capitaux nécessaires afin de compenser le retrait des financements chinois. Cette hausse provoquerait un rebond du dollar, donc une dépréciation des autres monnaies par rapport à lui et pas seulement de la devise chinoise, ce qui à nouveau déclencherait la fureur de Donald Trump. Il accuserait les pays concernés de manipuler leur monnaie, comme il l’a fait avec la Chine, pour pénétrer plus facilement le marché américain. Dans le contexte d’une campagne électorale qui sera forcément tendue, ces arguments risquent d’être pris au sérieux et cela ne contribuera pas à la détente dans les relations économiques internationales..                   

 

  

Commentaires

Pas de commentaires.

Vous devez vous inscrire pour poster un commentaire : se connecter