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Le blog d'Alain Boublil

 

France : est-ce que cela va si bien?

La politique économique conduite en France par le gouvernement va dans la bonne direction et les résultats en témoignent. Il ne saurait donc être question de changer de cap. Tout au plus faut-il procéder à des réformes institutionnelles et à quelques ajustements de cette politique pour tenir compte du malaise social qui s’exprime à travers le mouvement des « gilets jaunes ». Tel est en substance le message délivré cette semaine par le président de la République. Il s’appuie sur les dernières publications statistiques sur la croissance, les déficits publics, le commerce extérieur et l’emploi. Pourtant, on ne trouve pas dans ces chiffres des motifs de satisfaction suffisants pour valider les choix du gouvernement et s’assurer que cette politique, même avec les ajustements prévus, apporte les réponses appropriées aux inquiétudes des français qui s’expriment dans les sondages d’opinion et, de façon certes marginale dans la rue chaque samedi.

En ce qui concerne la croissance, il n’y a pas lieu d’être enthousiaste. Il y a eu une réelle accélération au deuxième semestre 2017 où le rythme de croissance a frôlé les 3% mais depuis, elle est retombé à un niveau compris entre 1 et 1,5% en rythme annuel et l’année 2019 ne s’annonce pas meilleure si l’on se fie aux dernières prévisions de l’INSEE et de la Banque de France. La relative bonne santé observée à la fin de l’année 2017 a généré une remontée des recettes budgétaires et a permis à la France de repasser en dessous du niveau de 3% de déficit public en 2018. Les comptes ont aussi bénéficié des taux d’intérêt très bas pratiqués depuis plusieurs années, ce qui a allégé la charge de la dette publique. Cette diminution va s’accentuer en 2019 mais pas suffisamment pour que le déficit reste en dessous de 3%. Ces éléments facteurs sont pour une large part la conséquence de l’environnement européen, pour les taux d’intérêt, et international avec la forte mais peut-être éphémère baisse des cours du pétrole. Le gouvernement ne peut pas vraiment s’en prévaloir. Mais les autres résultats sont bien moins satisfaisants, notamment en ce qui concerne le commerce extérieur et l’emploi.

La philosophie qui inspire depuis maintenant six ans la politique économique de la France est fondée sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises à travers une réduction du coût du travail et une remise en cause des acquis sociaux censés peser sur les dépenses publiques. A cela s’ajoute une évolution du droit du travail permettant plus de flexibilité en matière d’emploi. Jusqu’à présent, il est difficile de prétendre que ces dispositions aient favorisé les performances des entreprises françaises sur le marché international. Le commerce extérieur de biens est resté lourdement déficitaire avec sur les douze derniers mois plus de 60 milliards d’euros. Il continue de se dégrader hors énergie. La balance des paiements courants est restée voisine de l’équilibre avec un déficit en 2018 de l’ordre de 1% du PIB, grâce aux excédents dans le secteur des services et aux revenus financiers provenant de l’étranger. Il n’y a donc pas de péril pour la stabilité financière du pays et cela n’a pas d’impact sur le taux de changes puisque nous sommes dans l’euro qui profite des excédents considérables notamment de l’Allemagne et des Pays-Bas. Mais cela a des effets très négatifs sur l’emploi.

La publication des chiffres du 1er trimestre 2019 du nombre de demandeurs d’emploi a été présentée là aussi par le gouvernement comme une preuve de la réussite de sa politique. La baisse de 0,7% soit 54 000 inscrits en moins en un an est indéniable. Elle fait suite à une baisse de 45 000 inscrits au 1er trimestre 2018 par rapport au trimestre correspondant de 2017 auxquels s’ajoute une diminution de 70 000 inscrits par rapport au 1er trimestre 2016. Mais le niveau reste considérable : 3,65 millions sur la France entière. A ce rythme-là, si l’on veut retrouver un nombre de chômeurs de 1,6 million par exemple, il faudrait …quarante ans et il est parfaitement illusoire de croire qu’en 2022 la France sera proche du plein emploi comme certains le prétendent. Par ailleurs si l’on se réfère à l’ensemble des demandeurs d’emploi qui inclut tous ceux qui n’ont qu’un travail à temps partiel et qui souhaitent travailler à plein temps, le chiffre est de 5,6 millions et il évolue peu depuis deux ans, ce qui reste considérable. Un autre facteur, rarement débattu en public, montre qu’en réalité la situation des salariés s’est profondément dégradée depuis dix ans. C’est la montée vertigineuse de la précarité.

L’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale (ACOSS) qui suit de près la situation des salariés vient de publier des chiffres sur les caractéristiques des embauches. Depuis trois ans, on observe une remontée des contrats à durée indéterminée et une relative stabilité des contrats à durée déterminée supérieure à un mois. Ces données sont positives mais les niveaux atteints restent insuffisants pour compenser et au-delà l’écart entre le nombre de jeunes qui arrivent sur le marché du travail et ceux qui partent à la retraite. C’est cela qui explique la persistance d’un chômage de masse. Mais l’ACOSS révèle aussi un phénomène très inquiétant, la véritable explosion du nombre d’embauches au travers de contrats d’une durée inférieure à un mois. Ils sont passés de 1,7 million en 2004 à 3,5 millions en 2014 et à 4,4 millions en 2019. La précarité se généralise dans le monde du travail à un rythme sans précédent. Elle est un facteur pénalisant pour la croissance et n’est pas étrangère au malaise social qui marque la société française. Dans tous les domaines, à commencer par la recherche d’un logement ou l’obtention d’un crédit, le fait d’avoir un emploi stable est essentiel. Une part croissante de la population s’en trouve écarté. La France n’est pas un cas isolé. Les bons chiffres apparents de l’Allemagne et de l’Angleterre en matière d’emploi résultent pour une large part de pratiques analogues. Mais la France cumule une précarisation croissante avec un niveau du chômage très élevé. Il est difficile de s’en satisfaire, surtout quand le gouvernement explique que la solution est de travailler davantage. Les personnes concernées aimeraient bien mais on leur  laisse de moins en moins la possibilité.

Une profession, l’hôtellerie-restauration, y a recours de façon massive. En outre elle a bénéficié à partir de 2009 d’une superbe niche fiscale, l’obtention d’un taux réduit de TVA qui coûte plusieurs milliards à l’Etat chaque année. En plus, la baisse n’a pas été répercutée aux consommateurs. La hausse des prix de cette profession entre janvier 2009 et janvier 2019 a été proche de 20% alors que l’évolution générale de l’indice des prix a été d’environ 10%. A un moment où l’Etat recherche des recettes nouvelles pour financer les dépenses qu’il a annoncées pour calmer le mécontentement, n’y a-t-il pas là une possibilité ?

Un chômage qui reste très élevé et une précarité croissante qui se concentrent sur la jeunesse sont des facteurs qui, en outre, affectent gravement la cohésion sociale d’un pays. Si l’on ajoute l’alourdissement des prélèvements sur les retraites et la perte passée de pouvoir d’achat du fait de leur non-indexation, on constate qu’une part considérable de la population a été affectée par la politique suivie depuis six ans, sans pour autant donner de résultats concrets. C’est pour cela que l’optimisme officiel est excessif et que sa volonté de poursuivre dans la même voie a peu de chances de rassurer et encore moins de convaincre.  

   

 

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