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Le blog d'Alain Boublil

 

Las Vegas, capitale du nouveau monde ?

Le Consumer Electronic Show qui vient de se tenir à Las Vegas attire chaque année plus d’entreprises, et pas seulement des « start-up », et l’attention des médias. On y expose les nouveaux produits qui seront mis à la disposition des consommateurs et qui feront la fortune de ceux qui les ont inventés. Les pays y recherchent aussi une vitrine de leur dynamisme. La France n’est pas la dernière puisque nous nous vantons d’être un pays innovant : le nombre de nos entreprises qui font le déplacement, nous place au deuxième rang, derrière les Etats-Unis. La France serait ainsi devenue une « start-up nation ». L’Etat soutient ce mouvement et finance généreusement, au travers des multiples institutions qu’il contrôle, un bon nombre de celles qui sont présentes dans la capitale mondiale du jeu.

Les enjeux financiers ne sont pas négligeables. Même si rares sont les stars du Nasdaq qui ont fait leurs débuts au C.E.S., la mécanique est bien rodée. Une innovation peut bénéficier d’une levée de fonds si sa notoriété est suffisante puis d’une introduction en bourse et, suivant la crédulité des investisseurs, peut voir son cours prospérer pendant des années sans réaliser de profits et même connaître de lourdes pertes, comme Tesla. Le marché de l’innovation est-il devenu un casino, ce qui justifierait le choix de Las Vegas pour abriter cette manifestation ?

A la roulette, le résultat est imprévisible. Chaque coup est indépendant. Au poker ou au Black Jack, une bonne maîtrise du calcul des probabilités permet d’accroître ses chances de gagner contre ses partenaires ou contre la banque. Le marché de l’innovation se situe entre ces deux logiques. Le partenaire ou l’adversaire, c’est le client. Est-ce qu’au moment où l’innovation apparait, celle-ci correspond à un véritable besoin, ce qui créera des débouchés ? Est-ce qu’ensuite, en cas de succès, le modèle de production du bien ou du service permettra de couvrir ses coûts, de rembourser les banques ou le marché qui a financé l’activité, et devenir rentable pour rémunérer enfin les actionnaires ? Les exemples passés montrent que c’est possible et parfois à très grande échelle. Les rêves de fortune rapide grâce à des innovations couronnées de succès exercent une réelle fascination mais ils se concrétisent rarement. Il est très difficile de prévoir le succès d’une innovation. C’est pour ces raisons que l’on s’approche d’une logique de casino.

Dans les années 70 et plus encore dans les années 80, c’est l’espace qui avait monopolisé l’attention et les financements. Il y avait de la part des Etats, l’expression d’une volonté de puissance mais elle passait au second plan derrière la fascination, voire le rêve que l’espace suscitait. On pensait y délocaliser des productions car la précision atteinte en dehors de l’atmosphère allait révolutionner les produits, comme aujourd'hui l'intelligence artificielle pourrait transformer le cerveau des hommes. On avait imaginé construire des centrales solaires qui réfléchiraient sur la terre l’énergie captée et la transformerait à bon compte en électricité. On croyait pouvoir exploiter des ressources naturelles sur la lune pour le jour où celles présentes sur terre seraient épuisées. Bien sûr, rien de tout cela ne s’est produit. La seule application majeure, mais elle est venue beaucoup plus tard quand le besoin s’en est fait sentir, ce sont les satellites de télécommunication qui ont permis de traiter des volumes de données dont personne jusque là n’avait imaginé l’importance et l’intérêt.

Pendant ce temps là deux hommes, qui se connaissaient mais qui étaient devenus des rivaux, Bill Gates et Steve Jobs, dans l’indifférence générale et parfois l’incrédulité, allaient révolutionner le monde. Bill Gates avait compris qu’il était possible d’inventer un logiciel qui permettrait au grand public de se servir d’un ordinateur. Avec le Fortran, c’était trop difficile. Il inventa Windows, Microsoft était né. Steve Jobs avait fait la même analyse. Il conçut des ordinateurs dont le prix lui permettait d’être accessible au grand public. Apple était né. Ils avaient vu juste tous les deux. Il y avait un besoin universel d’accès à la connaissance et à la communication. Le succès d’une innovation n’est assuré que s’il répond à une demande. S’il intervient trop tôt, c’est l’échec. Le Japon est fasciné par les robots depuis quarante ans, peut-être parce que sa situation démographique et son refus d’ouvrir ses frontières à des étrangers, lui faisait craindre d’être confronté à une pénurie de main d’œuvre. Les robots-danseurs ou les assistants automatiques dans les maisons de retraite n’ont eu aucun succès. Ce n’est que depuis les progrès faits en matière d’intelligence artificielle que l’on note une accélération de leur utilisation, en priorité dans l’industrie.

Mais l’innovation a toujours laissé une certaine part à l’imaginaire. Depuis des décennies, on rêve de voitures qui se déplacent dans l’air ou de moyens de transport rapides comme des fusées. Cela s’appelle la science-fiction. Sa capitale n’est pas Las Vegas mais Hollywood. Mais ces projets n’ont jamais vu le jour, bien que techniquement possibles, car ils ne répondaient à aucune demande. L’échec du Concorde ne fut pas seulement causé par l’hostilité des autorités américaines mais surtout par les coûts croissants d'exploitation et de maintenance auxquels étaient confrontés Air France et British Airways et qu'il était difficile de répercuter sur la clientèle. Le peu d’enthousiasme, sauf en Chine, que rencontrent les voitures électriques et demain, que susciteront les véhicules autonomes, à n’en pas douter, correspond au doute des consommateurs sur leur intérêt, compte tenu de leurs coûts et des incertitudes légales sur la question des responsabilités. A l’inverse, les moyens de paiements et les pratiques bancaires ont été bouleversées par les cartes munies de puces et l’accès par internet aux comptes et aux opérations de la vie quotidienne. Visa est entré dans le Dow Jones quand General Motors et Ford en sortaient. Quant à IBM, sa capitalisation boursière est inférieure à celle de LVMH et six fois moindre que celle d'Apple.

La maison connectée est un beau projet comme la numérisation du contrôle et de la gestion des consommations d’énergie. Après l’argent, est-ce que la vie domestique va être gérée depuis son téléphone portable ?  En théorie, c’est possible. Dans la pratique, cela nécessiterait un effort de formation et surtout le rééquipement des habitations. Pour l’instant, on n’a pas trouvé le moyen, du fait de la grande diversité des situations, d’inciter les ménages à y avoir recours. Les plates-formes de partage de moyens de transport, au contraire, ont connu un succès immédiat. Elles étaient faciles à mettre en place et correspondaient à un réel besoin. Mais elles se sont révélées difficiles à gérer sur le plan financier parce que les utilisateurs ne se sentaient pas responsables de l’état d’objets qui ne leur appartenaient pas. Leur dégradation a vite pesé sur les coûts. L’état dans lequel au bout de quelques années se trouvaient les véhicules électriques offerts par Autolib est révélateur. Les plates-formes de services ne trouvent aussi leur équilibre financier que le temps d’exploiter les failles fiscales (locations touristiques) ou réglementaires (voitures avec chauffeur). Mais rapidement les Etats rétablissent des règles qui font perdre au modèle économique sur lesquelles elles ont été créées sa rentabilité..

L’innovation et son succès relèvent à la fois de la logique du jeu de hasard et du rêve, de Las Vegas et de Hollywood. C’est bien pourquoi la prudence s’impose quand il s’agit de porter un jugement et surtout de faire des prévisions et s’emballer. La vie des start-up est souvent éphémère. C’est pourquoi la France n’en est pas une.

         

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