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Le blog d'Alain Boublil

 

Les incertitudes de 2019

2018 a surpris. L’année 2017 s’était achevée dans de bonnes conditions. C’était « l’alignement des planètes » avec un prix du pétrole très bas, des taux d’intérêt proches de zéro et une conjoncture mondiale favorable. La croissance française avait été au plus haut depuis longtemps : lors du deuxième semestre 2017, elle avait approché, en rythme annuel, 3%. Cela n’a pas duré. Les tensions internationales se sont accru tout au long de 2018 avec la promesse d’une guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, une hostilité sans précédent du président américain vis-à-vis de l’Europe et une remontée brutale des cours du pétrole. L’inflation faisait un modeste retour et les banques centrales commençaient à abandonner leurs politiques expansionnistes. La BCE annonçait la fin de sa politique d’achats nets d’obligations, mais elle allait continuer à réinvestir le produit des titres venus à échéance. La Reserve Fédérale augmentait à quatre reprises ses taux d’intérêt directeurs.

L’année s’est très mal terminée. La conjoncture s’est retournée et les incertitudes politiques se sont accrues. La concomitance de ces deux phénomènes a provoqué une chute sévère des marchés financiers durant les dernières semaines. Dans la plupart des pays démocratiques le pouvoir en place a été vivement contesté : en France avec le mouvement des gilets jaunes et au Royaume-Uni à propos du Brexit. Les gouvernements en place ont perdu les élections (Italie, Suède, Etats-Unis avec une majorité démocrate à la Chambre des Représentants) ou en sont ressortis très affaibli (Allemagne). Seul le Japon a connu la stabilité avec la réélection de Shinzo Abe à la tête de son parti au mois d’octobre après avoir gagné des élections anticipées en 2017. Cette instabilité financière va-t-elle s’aggraver en 2019 ? Ou ne provient-elle pas plutôt de la prise de conscience de la durée exceptionnellement longue du cycle de croissance qui a succédé à la crise de 2007-2008 et de la volatilité des marchés financiers qui s’est accrue avec l’utilisation qui se généralise des algorithmes ? En augmentant le volume des transactions ceux-ci amplifient les réactions.

La menace d’une guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine devrait s’éloigner. Le président américain sait qu’il ne peut pas se battre contre tout le monde en même temps. Dans son pays, il va être confronté à des relations tendues avec le Congrès et à la menace que fait peser sur lui l’enquête du procureur Mueller. Le monde des affaires, la chute de Wall Street en témoigne, est hostile au rétablissement de lourds droits de douane sur les importations de produits chinois parce que les entreprises américaines ont depuis longtemps organisé leurs chaines d’approvisionnement en y localisant une partie de leur production. Elles seraient les premières victimes de ce nouveau protectionnisme. L’expérience a montré, notamment lors de la crise avec la Corée du Nord, que Donald Trump est capable de faire des virages à 180°. On peut aussi compter sur Pékin pour trouver un compromis qui lui permette de sauver la face et d’apparaître, contre l’évidence, comme le gagnant dans cette confrontation.

Une crise au Royaume-Uni avec une dissolution du Parlement ou un nouveau référendum est également peu probable à court terme. La stratégie adoptée par les deux parties en présence, Theresa May et Michel Barnier, devrait permettre de l’éviter. Elle consiste à repousser en permanence la conclusion d’un accord quand celui-ci est impossible à trouver. On met alors entre parenthèses le sujet et on déclare que l’on a trouvé un accord sur tout, sauf sur certains points qui restent en suspens et que l’on se promet de régler plus tard. C’est ce qui se passe pour la question de la frontière irlandaise. Cela s’appelle de la procrastination. Reste une question. Est-ce que le Royaume-Uni organisera des élections au mois de mai pour désigner ses représentants au Parlement européen si un véritable accord n’est pas signé ? Ces élections verront, à l’évidence, une poussée des partis populistes et anti-européens. Mais sauf dans les medias où cela occupera le haut de l’affiche, cela n’aura aucune conséquence car la grande coalition qui regroupera, en fonction des textes soumis, les autres partis politiques restera largement majoritaire.

La situation politique en France continuera lentement de se dégrader. Le « grand débat citoyen » permet de gagner du temps durant lequel le mouvement de révolte s’épuisera. A son terme, il n’obtiendra pas de nouvelles satisfactions de la part du gouvernement et il sera l’objet d’une récupération croissante des formations politiques d’extrême droite et d’extrême gauche, ce qui aboutira à sa dislocation. Mais l’actuelle majorité n’en sortira pas indemne. Son unité, notamment à l’Assemblée nationale, apparaîtra de plus en plus artificielle et ses divisions pourraient éclater au grand jour. Une clarification serait alors inévitable. Elle aurait pour conséquence le retour, vers les groupes parlementaires de droite ou de gauche, suivant les choix opérés, d’un nombre significatif d’élus de « La République en marche ».

Ces incertitudes politiques pèseront sur l’activité économique dans tous les pays. 2019 verra donc un ralentissement marqué de la croissance mondiale mais il est peu probable qu’une crise systémique, comme celle de 2007-2008, se reproduise, sauf si l’une des « GAFA » devait s’écrouler provoquant une réaction en chaîne des marchés avec ses conséquences sur l’économie réelle. Les taux d’intérêt réels resteront donc très bas, voire négatifs comme en Europe, du fait du déséquilibre global entre une épargne financière supérieure aux besoins de financement des agents économiques, Etats y compris. Mais les situations seront très différentes suivant les pays. Les marchés financiers seront alors chargés d’orienter les flux des zones excédentaires (zone euro, Chine, Japon) vers les zones déficitaires (Etats-Unis, Royaume-Uni, Amérique latine), ce qui dans un contexte politique incertain accroîtra leur volatilité et provoquera des tensions.

Après leur rebond éphémère à l’automne, les prix des énergies fossiles resteront bas ce qui contribuera au maintien d’une faible inflation dans les pays développés. Le ralentissement de la croissance affectera la demande. Les innovations majeures en matière d’extraction du gaz et de pétrole intervenues depuis dix ans continueront de porter leurs fruits en augmentant l’offre disponible. Ainsi la Chine a développé une technologie nouvelle pour extraire le gaz naturel des couches volcaniques et vient de la mettre en pratique dans la province du Sichuan. La conversion des centrales à charbon vers des centrales à gaz s’accélérera dans ce pays comme aux Etats-Unis et contribuera à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’Europe, du fait de l’entêtement de la Pologne et de l’Allemagne, ne respectera pas plus en 2019 ses engagements climatiques qu’en 2018.

Croissance économique ralentie mais détente prévisible entre les Etats-Unis et la Chine et incertitudes politiques à peu près partout dans le monde, telles seront les caractéristiques de l’année nouvelle. Le maintien de taux d’intérêt très bas assorti d’une volatilité des marchés financiers élevée créera un contexte inédit mais le risque d’une crise globale majeure comme celle qu’on a connue il y a dix ans est faible. En France, cet environnement ne facilitera pas la résolution des difficultés que traverse le pays mais il ne saurait servir d’excuse pour ne pas prendre les décisions qui s’imposent. La philosophie du « en même temps » mène à l’impasse. On ne peut pas faire tout et son contraire. Il va falloir choisir la voie. Encore faut-il en avoir la volonté car comme le dit un jour Lao Tseu : « Là où est la volonté, là est la voie ».                       

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