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Le blog d'Alain Boublil

 

2018 : Un mauvais millésime

Même si aucune crise financière majeure n’est intervenue pendant l’année qui s’achève, elle restera partout comme un mauvais millésime. Les principales places financières ont fait ce constat et ont lourdement chuté durant le dernier trimestre. Depuis plusieurs mois, on s’étonnait de la durée  exceptionnellement longue du cycle économique qui avait succédé à la crise de 2007-2008. De nombreux experts avaient annoncé sa fin et pronostiqué une nouvelle grave crise financière avec les yeux tournés vers la Chine et des répercussions sur toute la planète. Cela ne s’est pas produit mais il y a unanimité pour constater que le monde est devenu plus fragile et que tous les pays, sans exception, ont été confrontés à des difficultés.

L’Empire du Milieu n’aura pas été épargné en 2018, même si la crise maintes fois annoncée ne s’est pas traduite dans les faits. La croissance de 6,7% sur les trois premiers trimestres est restée légèrement supérieure à l’objectif annuel de 6,5% mais le maintien de ce chiffre pour l’année entière par les experts gouvernementaux signifie que le quatrième trimestre aura été nettement plus faible. Sa publication au mois de janvier risque, si cela se confirme, d’être très mal accueillie et interprétée comme la conséquence des tensions commerciales avec les Etats-Unis. Les multiples gestes de bonne volonté du gouvernement, comme l’abaissement de certains droits de douane et l’encouragement apporté aux importations de produits de haute qualité ne fera pas oublier que le pays aura enregistré un excédent commercial de plus de 300 milliards en 2018 et que celui-ci ne devrait pas baisser significativement en 2019. Les trois priorités affichées par le président chinois Xi Jinping pour l’avenir, la réduction des risques financiers, la lutte contre la pauvreté et la diminution de la pollution, illustrent la nécessité de faire évoluer le modèle de croissance chinois qui a atteint ses limites en 2018. Le contraste croissant entre le Nord du pays, confronté à la restructuration de son industrie lourde et à la reconversion des régions qui vivent de l’exploitation du charbon et la « Nouvelle Californie » du Sud, jeune et dynamique pourrait devenir une menace pour la stabilité économique du pays.

 La situation des Etats-Unis est différente mais elle est plus inquiétante car elle rappelle celle observée il y a dix ans, juste avant la grande récession. On s’émerveillait alors devant la croissance américaine mais celle-ci était illusoire et précaire. La production augmentait mais les biens et les services produits n’étaient pas payés. Ils étaient financés, surtout dans l’immobilier, par un endettement massif et excessif des ménages. Aujourd’hui, l’endettement affecte surtout  les étudiants et les acquéreurs de voitures mais il n’est pas suffisant pour générer un risque systémique comme il y a dix ans. Le déséquilibre est ailleurs et réside dans  l’accroissement du déficit budgétaire. Alors que l’économie américaine connaissait déjà une longue période de croissance, l’administration Trump a choisi de la prolonger artificiellement par une augmentation des dépenses publiques et des baisses massives d’impôt. Au même moment, la Réserve fédérale durcissait sa politique monétaire en relevant ses taux d’intérêt. Il est rarissime de constater que les deux composantes de la politique économique agissent en sens inverse. Le décalage entre la croissance américaine et le ralentissement observé partout ailleurs a contribué à l’accroissement du déficit extérieur du pays. Au moment où Donald Trump condamnait le multilatéralisme et engageait une politique protectionniste, son pays devenait de plus en plus dépendant de l’étranger pour financer ses déficits. Les contradictions de la politique américaine apparaissaient au grand jour en même temps que la division du pays. Le durcissement de l’opposition entre le Congrès et la Maison Blanche a provoqué le blocage budgétaire. Tous ces éléments constituent pour l’avenir un facteur majeur d’instabilité pour l’économie mondiale, probablement plus important que l’affrontement commercial avec la Chine.

L’Europe aura aussi connu en 2018 une bien mauvaise année. Il y a eu d’abord l’incapacité à trouver une solution à la sortie du Royaume-Uni. Le problème irlandais semble insoluble. Le maintien en l’état des relations entre les deux parties de l’île pour éviter la création d’une frontière porte atteinte à l’existence même du Royaume-Uni puisqu’en son sein deux territoires seraient soumis à des règles internationales différentes. La solution inverse détruit le laborieux équilibre politique qui avait permis, il y a vingt ans de ramener la paix en Irlande. Aucune solution n’a pu être trouvée qui soit acceptable par les gouvernements concernés. L’Union elle-même est confrontée à une crise de confiance sans précédent. Chaque élection a donné lieu à une progression des partis politiques qui en contestent le mode de fonctionnement voire l’existence quand ils ne s’affichent pas ouvertement en opposition avec les valeurs qui ont présidé à sa fondation. Les grandes économies de la zone euro ne sont plus en mesure de fixer une direction. L’Italie s’est dotée  d’un gouvernement formé autour de deux parties dont le seul point commun est l’hostilité au projet européen. L’Allemagne au contraire a conservé-de justesse- des dirigeants attachés au projet mais sa majorité est affaiblie et chaque élection locale confirme cette tendance. Quant à la France qui constituait le principal moteur vers un renforcement de l’Europe, la crise qui la frappe depuis près de deux mois a affaibli sa position et ne lui permet plus dans l’immédiat pas de prétendre jouer ce rôle. Le seul facteur positif a été en 2018 la confirmation du rétablissement de deux des pays qui avaient été à l’origine de la crise de l’euro, le Portugal et l’Espagne. Mais ce ne sera pas suffisant. Si, partout, pour expliquer les difficultés traversées, les responsables politiques incriminent Bruxelles, il ne faut pas s’étonner si le mouvement de désaffection  qui se répand dans chaque pays progresse. Il n’est pourtant pas sans motifs.

A la différence de la Chine et des Etats-Unis, et malgré les incertitudes qui planent sur leurs économies, les pays européens n’ont jamais retrouvé un rythme de croissance suffisamment élevé et durable pour désarmer les critiques et prévenir le mécontentement des peuples. Mise à part l’année 2017, la croissance n’a jamais dépassé au total 2%, soit deux à trois fois moins qu’en Chine et qu’aux Etats-Unis et cette situation s'est aggravée en 2018. La politique ultra-accommodante de la BCE n’a pas été suffisante. Le respect des critères de Maastricht a empêché plusieurs pays de soutenir l’activité intérieure. Le cas de la France est exemplaire. Depuis cinq ans l’axe de la politique économique a été d’accroître, au travers d’allègement de charges et d’impôts, les marges des entreprises. Mais pour compenser les pertes de recettes afin de se conformer aux Traités européens, le pays a du augmenter les prélèvements sur les ménages et peser sur les prestations sociales et les salaires. La demande intérieure et la croissance ont été freinés ce qui a empêché toute amélioration significative de l’emploi. Le profond mécontentement qui s’est manifesté cet automne en France et qui va avoir de lourdes conséquences sur l’activité économique n’y est pas étranger. Les élections européennes qui se tiendront au printemps devraient donc, là encore, voir une poussée des formations politiques anti-européennes.

Inquiétudes sur la stabilité de la croissance chinoise, déséquilibres et contradictions de la politique américaine, affaiblissement du projet européen et crise politique en France, tels ont les faits marquants de l’année qui s’achève. Il n’est pas surprenant que les marchés financiers en aient tiré les conséquences, d’autant qu’aucune réponse crédible ne se dessine pour 2019.    

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