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Le blog d'Alain Boublil

 

Les trois causes de la crise française

La crise que traverse la France a des racines profondes. Les désordres qui l’accompagnent et qui affectent gravement son image dans le monde sont sans précédent depuis près d’un siècle. L’approbation que ce mouvement recueille dans l’opinion publique, malgré la violence inacceptable qu’il provoque, montre l’ampleur du mécontentement. Les prises de position des responsables politiques, au-delà des déclarations de principe et du soutien aux forces de l’ordre, témoignent de leur désarroi. Le peu de réactions aux premières mesures décidées par le gouvernement confirme que seuls des changements majeurs doivent être proposés si l’on veut mettre un terme la crise. Comment en est-on arrivé là ? Une politique économique fondée sur des idées fausses, une vision punitive et mal fondée de l'écologie et une communication inadaptée ont conduit la France là où elle est aujourd'hui.

La première des causes, et certainement la plus importante, est la politique économique choisie par le président de la République. Elle se situe dans la continuité de celle son prédécesseur. Ce n’est pas surprenant. Il fut son principal conseiller à l’Elysée avant de devenir ministre de l’Economie de 2014 à 2016. Les économistes l’appellent la « politique de l’offre ». Pour relancer la croissance et améliorer la capacité des entreprises à résister à la concurrence étrangère, donc à être plus « compétitif », il fallait provoquer un vaste transfert de ressources en leur faveur à travers des baisses d’impôt. Entre 2013 et 2018, le produit de l’impôt sur les sociétés est passé de 47 milliards à 26 milliards. Pour financer en partie cette mesure l’impôt sur le revenu des ménages s'est alourdi de plus de 10 milliards, à la suite du choc fiscal intervenu en 2013.

Cette politique a été encore accentuée par Emmanuel Macron : hausse de la CSG sur les retraites, baisse de l’APL, désindexation des prestations sociales, gel du SMIC et du taux d’intérêt servi sur le Livret A notamment. Elle s’est accompagnée  de « réformes » visant à réduire les droits des salariés. Ces mesures devaient stimuler les recrutements en supprimant les « barrières à l’embauche ». Cette politique a échoué. L’économie française connait une quasi-stagnation depuis six ans, si l’on met à part un semestre en 2017 qui a bénéficié d’un environnement extérieur favorable. Le chômage n’a pas baissé, la compétitivité des entreprises ne s’est pas redressée et aucune amélioration du commerce extérieur n’a été constatée. Les fonds  qu’elles ont reçus n’ont pas servi à augmenter les salaires, sauf ceux de leurs dirigeants et bien peu à l’investissement. Ils ont été employés à faire des acquisitions à l’étranger, à rémunérer les actionnaires et même, pour les grands groupes à procéder à des rachats de leurs propres actions. Les gouvernements successifs ont demandé aux français des sacrifices financiers et le renoncement à certains de leurs droits sans que cela produise de résultat. Là réside la cause fondamentale du rejet des dirigeants politiques et, à leur tête, du président de la République.  

La hausse des prix des carburants a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Elle résulte de la confusion entre l’origine du réchauffement climatique, les émissions de CO2 et la pollution provenant des émissions de particules par les moteurs diesel, les centrales à charbon et les chaudières à bois. Cette confusion est née lors du « Grenelle de l’Environnement » et a été confortée par la loi de 2015 sur la transition énergétique qui aura été un des textes les plus néfastes à l’économie française jamais adopté. Heureusement, il a été vidé d’une bonne partie de son contenu. Limiter la production nucléaire qui n’émet pas de CO2 est absurde. Cela provoquerait une hausse des prix de l’électricité bien plus lourde sur le pouvoir d’achat que ce qui a été annoncé sur les carburants. La France est l’un des pays développés qui émettent le moins de gaz à effet de serre. Le combat pour le climat est noble et permet à nos hommes et nos femmes politiques de se projeter sur le devant de la scène internationale et satisfaire leur ego. Mais ce combat ne doit pas aggraver la situation économique de notre pays. La fin des énergies fossiles est un mythe impossible à faire accepter aux familles qui se chauffent au gaz et qui ont besoin de leur voiture pour se déplacer quotidiennement. En revanche la sortie progressive du diesel est un impératif de santé publique. Le Grenelle de l’Environnement en 2008 a été à l’origine d’une erreur majeure en baissant les taxes qui le frappaient et en incitant ainsi les ménages à choisir des véhicules utilisant ce carburant. Un abandon de cette politique aurait été compris si cette erreur avait été reconnue et expliquée, si l’alignement sur l’essence avait été progressif et des mesures d’accompagnement adoptées. Au lieu de cela, on a imposé aux français une augmentation générale des taxes sur la consommation d’énergie et notamment sur l’électricité, dont la production n’émet pas en France de CO2 à la différence de l’Allemagne et de la Pologne. Dans un climat social alourdi par l’échec de la politique économique menée depuis 2013 et la baisse générale du pouvoir d’achat, l’instauration d’une écologie punitive devenait insupportable.

La troisième cause de cette crise vient de la priorité accordée à la « communication » et aux effets d’annonce au détriment de l’action politique. Les hausses décidées sur les quatre prochaines années des taxes sur les carburants avaient pour but de frapper l’opinion. L’objectif a été atteint. Mais sur le fond elles n’apportaient rien car de toute façon les mesures fiscales doivent être votées chaque année dans la loi de finances. Si le gouvernement s’était contenté d’annoncer et de faire adopter une hausse pour l’année 2019, conformément au principe de l’annualité budgétaire, la mesure n’aurait certainement pas été aussi mal accueillie. Les décisions favorables au pouvoir d’achat, comme la suppression de la taxe d’habitation ou la défiscalisation de certaines rémunérations, sont présentées avec une large publicité mais ont peu d’impact à court terme. Pour la taxe d’habitation, la suppression est étalée sur quatre ans. Sa perception par ceux qui en bénéficieront n’est pas à la hauteur de la place qu’elle occupe dans le discours officiel. Pour les avantages offerts aux salariés, ceux-ci ne sont pas dupes. Ils savent très bien que leurs employeurs en tiendront compte dans l’évolution de leurs rémunérations pour la limiter et qu’une bonne partie de ces avantages aura, de ce fait, été illusoire.

Pour sortir la France de cette crise, le président de la République n’a qu’une possibilité : faire acte d’humilité et reconnaître qu’il s’est trompé. Cela ne lui sera pas facile. Il devra bâtir une autre politique économique et justifier ses choix clairement en se préoccupant moins de faire de la communication. Les marges de manœuvre existent. Par exemple, il est absurde de peser sur le niveau des retraites avec une telle brutalité alors qu’il y a des réserves de près de 100 milliards d’euros dans les caisses des régimes complémentaires. Une gestion plus active de la dette publique permettrait d’en réduire le coût. L’allègement des charges sociales et fiscales des entreprises pourrait être freiné puisqu’il n’a eu que peu d’effet sur la croissance et sur l’emploi. Il est enfin urgent de mettre un terme à la multiplication des organismes administratifs en tous genres, aux dérives bureaucratiques et réformer le millefeuille territorial dont le fonctionnement est couteux. Les technocrates et les élus locaux ne seront peut-être pas contents mais ils seront bien moins nombreux à protester que les « gilets jaunes ».       

          

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