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Le blog d'Alain Boublil

 

L'écologie et la crise des carburants

Le profond mécontentement provoqué par le relèvement passé et à venir de la taxation des carburants est un signe supplémentaire de l’incapacité des responsables politiques à établir un diagnostic juste sur les situations qu’ils proposent de corriger, à élaborer les politiques appropriées et à les faire accepter par leurs concitoyens. Le relèvement des taxes sur les carburants et la convergence par le haut des prix de l’essence et du diesel vise à favoriser la « transition énergétique ». Mais cette politique, animée par de louables intentions, fait suite à une confusion qui a été à l’origine de lourdes erreurs.

Le réchauffement climatique est causé par l’accumulation de gaz à effet de serre dans l’atmosphère résultant de la production et de la consommation d’énergie par les habitants de la planète. Ce phénomène est global. Si un pays fait des efforts alors que les autres sont indifférents, sa contribution sera marginale si son poids dans l’économie mondiale est faible et il n’en tirera aucun avantage. C’est bien l’enseignement de l’Accord de Paris. Tout le monde doit s’impliquer, et notamment les plus gros émetteurs de CO2, les Etats-Unis, la Chine depuis peu et demain l’Inde dont la consommation de pétrole devrait passer de 4,5 millions de barils par jour aujourd’hui à 10 millions entre 2035 et 2040. Les pays émergents affirment qu’ils ne sont pas responsables du stock accumulé depuis les débuts de la révolution industrielle et qu’il serait injuste de faire peser sur eux tout l’effort. Les pays développés, jusqu’à ce que Donald Trump décide de retirer les Etats-Unis de cet Accord, leur avait reconnu ce droit lors de la COP 21.

La pollution est au contraire un phénomène local qui affecte la qualité de l’air que l’on respire et qui porte atteinte immédiatement à la santé de ceux qui en sont victimes. Le phénomène n’est pas nouveau. Si l’on a parlé en Angleterre du « Smog », contraction entre brouillard (Fog) et fumée (Smoke), c’est bien à cause des centrales à charbon qui entouraient Londres. Les deux principaux facteurs de pollution de l’air sont les émissions liées à la combustion du charbon, dans les centrales comme dans les chaudières domestiques, et au fonctionnement des moteurs diesel. Mais ces derniers, puisque leur consommation au kilomètre parcouru a été longtemps inférieure à celle des moteurs à essence, émettent certes des particules fines qui affectent les capacités respiratoires, mais moins de CO2. C’est la méconnaissance de cette distinction entre les causes globales du réchauffement climatique et les conséquences locales de la pollution due au charbon et au diesel qui est à l’origine des erreurs commises en France par nos dirigeants politiques et de la crise déclenchée par les hausses de tarifs annoncées.  .

A la veille de la grande crise financière, en juillet 2008, alors que le prix du baril est au plus haut, le litre d’essence SP95 coûtait 1,49€  et le litre de diesel, 1,44€, soit bien plus qu’aujourd’hui si l’on tient compte de l’inflation qui a été d’environ 10%. Durant l’été 2013, le litre d’essence valait un peu plus cher, 1,53€ mais le litre de diesel avait commencé sa chute (1,33€). La cause de cette divergence provient des décisions prises par le Grenelle de l’Environnement en 2008. Pour réduire les émissions de CO2, il était décidé d’alléger la fiscalité sur le diesel à la suite de la création du bonus-malus écologique. La baisse du prix du diesel s’accentuera en 2015 (1,20 euro) au moment où les cours du pétrole amorcent leur chute pour toucher son plancher en 2016 (1,15€). Sur cette période, les cours de l’essence ne baissent que légèrement, atteignant leur plancher à l’été 2016 (1,33€) avant de remonter brutalement sous l’effet de la reprise des cours du pétrole pour attendre 1,53€ aujourd’hui, soit à peine plus qu’il y a dix ans. La hausse est plus violente pour le diesel et atteint près de 30 centimes du fait de la volonté d’aligner les prix des deux carburants à l’opposé de ce qui avait été décidé dix ans plus tôt. C’est la brutalité de cette hausse qui provoque l’indignation et le rejet.   

Les conséquences de ces erreurs politiques sont lourdes. La première, passée inaperçue, a été la fermeture de 40% des capacités de raffinage de la France entre 2007 et 2017 ramenées de 1,97 à 1,25 million de barils par jour. Si la priorité des pouvoirs publics est d’encourager le diesel, alors que les raffineries sont conçues pour produire de l’essence, celles-ci deviennent sur-capacitaires et non rentable. Il n’est économiquement pas possible d’importer du pétrole pour le raffiner et le réexporter ensuite. La seconde conséquence a touché l’industrie automobile qui avait investi pour produire ce type de moteurs. Elle doit se reconvertir rapidement aujourd’hui.

Le revirement politique à l’égard du diesel a eu une double cause. Devant les dommages causés en ville par les rejets de particules, il a bien fallu admettre que ceux-ci étaient beaucoup plus graves que les avantages procurées par une réduction, au demeurant insignifiante à l’échelle de la planète, des émissions de CO2. Le scandale des moteurs truqués en Allemagne a amplifié le mouvement et fait prendre conscience de la nocivité de cette technologie. Mais la réponse en France a été bien trop brutale. Le choix parfaitement justifié de faire cesser cette absurdité consistant à encourager une forme de consommation d’énergie aussi polluante, est intervenu au moment où les cours du pétrole remontaient et où les mesures adoptées par le gouvernement affectaient le pouvoir d’achat de la majorité des français. En 2018, à la fin du mois de septembre, les recettes de la taxe sur les consommations d’énergie (TICPE) avaient progressé de 18% et rapporté à l’Etat 1,4 milliard d’euros de plus que l’an dernier.

L’augmentation depuis deux ans et les hausses programmées pour les prochaines années pèsent sur le budget des ménages. Ils avaient été encouragés par les précédents gouvernements à choisir ce type de véhicules. Leur part des immatriculations avait atteint 70% en 2011. Depuis le début de l’année elle est retombée en dessous de 40%. Leur valeur de revente va donc baisser puisqu’ils ne présentent plus le même intérêt économique que par le passé. Les primes offertes par l’Etat pour éliminer les véhicules les plus anciens et les plus polluants sont utiles mais elles ne concernent qu’une petite minorité de foyers face aux millions de véhicule roulant au diesel immatriculés depuis dix ans. Dans cette affaire, les ménages auront perdu sur tous les tableaux. L’erreur des gouvernements successifs aura été d’abord d’inciter, au nom de l’environnement d’acheter ce type de véhicules puis de revenir en arrière au moment où les prix du pétrole repartaient à la hausse.

Le discours futuriste sur la transition énergétique, sur la fin des énergies fossiles et sur les véhicules électriques n’est pas la bonne réponse car il n’est pas crédible. Personne ne peut être sûr que ces véhicules susciteront l’intérêt des clients. Ce n’est pas le cas aujourd’hui malgré de lourdes incitations financières. L’incertitude règne sur leur autonomie et sur l’équipement  en borne de recharges disponibles et rapides. En outre, on ne peut pas à la fois vouloir accroître la consommation d’électricité dans les déplacements, réduire la part du nucléaire et abandonner les énergies fossiles. Il vaudrait mieux cibler les actions, la fin du diesel en est une mais elle doit être gérée suffisamment bien pour être acceptée. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.            

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