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Le blog d'Alain Boublil

 

Une semaine chargée pour la Chine

Elle a commencé avec l’annonce par l’administration Trump de l’instauration de droits de douane frappant 200 milliards de dollars d’exportations chinoises. Le taux est modeste (10%) mais pourrait être relevé l’an prochain jusqu’à 25%. Le 18 septembre s’est ouvert à Tianjin le Davos de l’été qui réunit les responsables des 2000 entreprises venus de plus de 100 pays. Pékin y développera ses analyses sur la IVème révolution industrielle et comment adapter les sociétés pour profiter des progrès de la robotique et de l’intelligence artificielle. Le Forum intervient juste après les Rencontres de Vladivostok qui ont vu les économies chinoises et russes  afficher leur volonté de coopérer. Des  partenariats profitables ont été conclus comme celui portant sur l’approvisionnement en gaz naturel de la Chine à partir de la Sibérie. Le même jour, dans tout le pays, on se recueillait pour commémorer l’invasion du pays par le Japon en 1931. L’avenir peut se construire sans oublier le passé.

La semaine précédente, le président Xi Jinping adressait un message à son homologue du Kazakhstan pour célébrer le 5ème anniversaire du lancement, annoncé à l’issue d’une rencontre entre les deux dirigeants, du programme des Nouvelles Routes de la Soie rebaptisé la « Belt and Road Initiative ». Ce message intervenait juste après le Forum consacré à la coopération sino-africaine. Il rassembla les représentants de 53 Etats membres de l’Union Africaine. Sur la scène économique mondiale, la Chine est donc omniprésente. Son action en faveur de la coopération internationale et du multilatéralisme contraste avec la stratégie de l’administration américaine qui se réfugie dans l’isolationnisme et entretient de mauvaises relations avec la quasi-totalité de la planète.

Cette activité diplomatique intense suscite naturellement en Occident de nombreuses critiques. La « BRI » conduirait les pays qui acceptent les investissements chinois à un endettement excessif et fragiliserait leurs économies. Venant de pays qui depuis des décennies ont mis en place des politiques d’aide au développement dont les résultats n’ont pas été convaincants, ces critiques sont mal placées, surtout à propos de l’Afrique. L’autre argument invoqué est encore plus fallacieux. La Chine doperait artificiellement sa croissance avec ces programmes financés par emprunt pour masquer le ralentissement de son économie. La réalité est très différente. Le président chinois considère que son pays ne saurait avoir une croissance forte si le reste du monde et notamment ses voisins ont des économies qui stagnent. En aidant ceux-ci à se développer, Pékin trouvera de nouveaux clients pour ses produits. Dans l’intervalle, la construction des infrastructures nécessaires à leur décollage  profite aux entreprises chinoises qui ont acquis les compétences techniques en participant durant ces trente dernières années à la modernisation de leur propre pays.

Cette politique est-elle suffisante pour parer aux risques auxquels est confrontée l’économie chinoise ? On pense même, en Occident que la Chine pourrait  être à l’origine de la prochaine grande crise financière. La première menace à laquelle le pays doit faire face est la guerre commerciale avec les Etats-Unis qui prend de l’ampleur. Mais cette menace est surestimée. La majeure partie des exportations chinoises vers les Etats-Unis dépend des chaînes d’approvisionnement des entreprises américaines. Or celles-ci ne vont pas du jour au lendemain changer de fournisseurs car bien souvent il n’y en a pas d’autres Elles vont donc comprimer leurs marges, ce qui ne sera pas très douloureux pour Apple, et répercuter la hausse des droits de douane sur leurs clients. Les mesures de rétorsion que vient d’annoncer Pékin sont symboliques : elles ne portent que sur 60 milliards de dollars d’importations. Déclencher une escalade est inutile, car il est clair que la perspective des élections au début du mois de novembre n’est pas étrangère aux récentes annonces de Washington. Pékin patientera jusque là avant d’engager de véritables mesures de rétorsion. Dans l’immédiat les conséquences sur l’économie chinoise seront donc modestes et pas de nature à plonger le pays dans la crise.

L’autre menace est celle de l’endettement excessif et croissant des entreprises publiques et des collectivités locales. Pékin en a pris conscience et des mesures strictes viennent d’être prises pour encadrer le recours au crédit. Les ratios d’endettement des entreprises publiques devront baisser de deux points d’ici la fin de l’année 2020. Il était de 59,4% au mois de juillet soit 5% de plus que le secteur privé. Des règles aussi strictes viennent d’être édictées pour les collectivités locales avec l’interdiction du recours à des circuits de financement non bancaires. Le troisième procès qui est fait aux dirigeants chinois vise la manipulation de leur monnaie. En dévaluant, cela compenserait la hausse des droits de douane et cela porterait atteinte à toutes les devises des pays émergents au risque de déclencher une crise financière.

Ces critiques sont tout aussi injustifiées que les précédentes. Le Yuan a certes perdu depuis le début de l’année entre 5 et 8% de sa valeur face au dollar. Mais cette fluctuation résulte de la politique monétaire américaine, avec des taux d’intérêt en hausse et de la méfiance suscitée par plusieurs économies émergentes, l’Argentine, la Turquie notamment, ce qui incite à se reporter sur la devise américaine. La Chine s’est fixé depuis près de dix ans comme objectif de faire de sa devise une monnaie de réserve. Cette Longue Marche ne va certainement pas s’interrompre. La vraie riposte à la politique américaine, telle qu’elle vient d’être énoncée par l’ancien gouverneur de la banque centrale chinoise, Zhou Xiaochuan, est plutôt de rediriger les exportations chinoises vers d’autres pays et de réduire les importations américaines.

Pendant ce temps-là, la croissance chinoise ne faiblit pas. Elle a atteint en rythme annuel sur le premier semestre 6,8% et l’objectif autour de 6,5% fixé pour 2018 sera atteint. Le taux de chômage est de l’ordre de 5% et l’inflation un peu supérieure à 2%. Sur les huit premiers mois de l’année, les échanges extérieurs ont cru de 16% et le solde excédentaire a été proche de 200 milliards de dollars. Mais les risques de ralentissement ne sont pas sous-estimés. Des injections de liquidité par la banque centrale à hauteur de 38 milliards de dollars ont donc été opérées cet été et la croissance de la masse monétaire reste supérieure à 8%. Cette politique accommodante a été complétée par des allègements fiscaux pour soutenir la consommation avec une baisse de 1% du taux de TVA et un relèvement de la première tranche de l’impôt sur le revenu de 3500 à 5000 Yuans.

Le gouvernement a identifié trois chantiers prioritaires à l’échéance 2020 : maintenir la stabilité financière, réduire la pauvreté et lutter contre la pollution. Les mesures annoncées correspondent bien aux deux premiers objectifs. L’évolution de la production d’électricité traduit aussi les progrès en cours pour le troisième. Depuis le début de l’année, la production est en hausse de 7,7%. Le transfert vers des sources moins polluantes s’accélère. En août, le nucléaire et le solaire sont en hausse de 16,9% et 12,9% sur un an ce qui a permis de compenser la stagnation de la production des éoliennes due à des conditions climatiques défavorables. Et le remplacement du charbon par le gaz naturel s’accélère au fur et à mesure que l’approvisionnement du pays le permet.

La Chine, cette semaine, affirme de plus en plus son influence sur l’économie mondiale. Ses dirigeants montrent qu’ils sont conscients des risques extérieurs et intérieurs auxquels ils sont confrontés. Dans un monde de plus en plus volatil avec des responsables imprévisibles, c’est plutôt rassurant.  

      

 

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