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Le blog d'Alain Boublil

 

Diabolicum perseverare

Le gouvernement, par la voix du Premier ministre, relayée par le ministre de l’Economie, vient d’annoncer les grandes lignes de la politique économique des dix-huit prochains mois telle qu’elle sera proposée au Parlement et sans aucun doute approuvée : l’allègement des charges des entreprises sera poursuivi et pour contenir les déficits de l’Etat et des régimes sociaux, les prestations sociales ne seront que symboliquement relevées de 0,3% pour les retraites, les allocations familiales et les aides aux locataires (APL). Seuls le minimum-vieillesse (moins de 3% des retraités) et les allocations aux adultes handicapées seront relevées d’environ 3%. Parallèlement, les salariés effectuant des heures supplémentaires seront dispensés de cotisations sociales pour la fraction de leur salaire correspondant à ces heures.

Mais cette présentation est très incomplète : il faut ajouter la hausse de la fiscalité sur le gazole et l’essence, le gel probable du barème de l’impôt sur le revenu alors que l’inflation en 2018 aura été de 2% et la poursuite de la baisse de l’impôt sur les sociétés qui profitera d'abord aux grandes entreprises puisque pour la fraction des bénéfices supérieure à 500 000€ son taux passera de 33,33% à 31%. Cette politique s’inscrit dans le prolongement de celle poursuivie durant le précédent quinquennat : soutenir la croissance en donnant plus de moyens aux entreprises et en encourageant le travail. Malheureusement elle n’a pas donné les résultats escomptés, si l’on excepte les derniers trimestres de l’année 2017.   

 Les chiffres du premier semestre 2018 sont, à cet égard, révélateurs. Le rétablissement de la compétitivité de nos entreprises aurait du se traduire par une amélioration de notre commerce extérieur : il s’est passé exactement le contraire. Le solde de produits manufacturés, principal enjeu de cette action n’a cessé de se dégrader et la contribution des  échanges extérieurs à la croissance a été une fois de plus négative (-0,3%) au deuxième trimestre de cette année. La consommation des ménages du fait des incertitudes sur l’avenir et de la stagnation du pouvoir d’achat, s’accroit trop peu pour constituer un stimulant efficace. La baisse historique des taux d’intérêt a relancé la construction de logements neufs mais celle-ci plafonne désormais. Quant aux investissements des entreprises, ils s’orientent vers le secteur tertiaire, la construction de bureaux ou de centres commerciaux et la rénovation des hôtels de luxe et fort peu vers l’augmentation des capacités de production. En réalité, le redressement des marges des entreprises a surtout profité aux dirigeants de celles-ci et à leurs actionnaires : marchés financiers, dividendes et rachats d’actions sont en forte hausse.

L’embellie que l’économie française a connue en 2017 s’est révélé épisodique et n’était pas le résultat de la politique suivie : l’effondrement des prix du pétrole et des taux d’intérêt historiquement bas avaient soutenu la croissance. La remontée des cours des énergies fossiles a mis un terme à ce qui apparaîtra plus comme une parenthèse que comme la démonstration que les choix qui avaient été faits étaient les bons. Ce qui est préoccupant, c’est qu’aucune leçon n’est tirée du ralentissement, pour ne pas parler de  la stagnation que la France connait depuis le début de l’année : l’action annoncée pour les années à venir va donc aggraver la situation. L’origine de ces décisions n’est pas idéologique ni même politique. Il ne s’agit pas, dans un réflexe de classe, d’encourager le patronat et d’enrichir encore plus ceux qui le sont déjà. Le gouvernement croit sincèrement qu’il a trouvé la solution au chômage persistant, à la dégradation de la position concurrentielle des entreprises françaises et à la croissance trop faible qui affecte le pays depuis la crise de 2007-2008. Mais il se trompe et ne peut supporter cette idée. C’était déjà arrivé dans les années 30 aux Etats-Unis : le président Hoover avait, par son action, aggravé la crise de 1929.

Les mesures à l’égard des retraités sont incompréhensibles. Les différents systèmes de retraite ont accumulé un magot de 130 milliards d’euros auxquels il faut ajouter les 36 milliards du Fonds de Réserve des Retraites. Le régime des retraites complémentaires des salariés du privé, AGIRC-ARCCO, détient à lui seul 71 milliards et celui des professions libérales 22 milliards. Quant aux retraités de la Banque de France, ils n’ont pas de souci à se faire : leur caisse est assise sur plus de 5 milliards soit 10 ans de prestations. Une partie de ces sommes accumulées devra servir à rembourser la dette sociale, ce qui permettra de réduire, sinon de supprimer le prélèvement (CRDS) qui s’ajoute à la CSG. Mais il restera des montants considérables. Au moment où la croissance patine, il est donc absurde de peser sur le niveau de vie des retraités et sur la consommation des ménages quand on dispose de telles réserves  qui pourraient contribuer à soutenir le pouvoir d’achat, pour ne pas parler de justice sociale.

Le projet de supprimer les cotisations sociales pesant sur les heures supplémentaires est tout aussi malvenu. Il rappelle l’erreur historique faite par Nicolas Sarkozy quand il décida leur défiscalisation à la veille de la crise de 2007-2008 : favoriser ceux qui ont un emploi au détriment des chômeurs en dissuadant les entreprises de recruter. L’Allemagne, si souvent citée en exemple, fit à l’époque le choix inverse en subventionnant le chômage partiel. A la veille de la grande récession, il valait mieux permettre aux entreprises de s’adapter en conservant le maximum de salariés. En outre, il faut être d’une grande naïveté pour penser que les entreprises qui ont recours aux heures supplémentaires ne vont pas se servir de cette mesure pour peser sur les augmentations générales de salaires et récupérer une part significative de ce qui est présenté comme une mesure favorable aux salariés.

Le gouvernement semble aussi ignorer que les prix à la consommation ne sont plus stables mais croîtront en 2018 de plus de 2% et que cette tendance se poursuivra très certainement en 2019. L’Etat en est le principal bénéficiaire : ses recettes croissent plus vite que ses dépenses et la charge de sa dette diminue en valeur relative puisqu’il emprunte à court terme mais surtout à long terme avec des taux d’intérêt réels négatifs. Les ménages en sont les premières victimes avec un pouvoir d’achat qui au mieux stagnera : les entreprises consentiront à leurs salariés des augmentations qualifiées de généreuses de 2% sur l’année soit un peu moins que la hausse des prix. Les travailleurs payés au SMIC et les retraités, comme on l’a vu n’auront pas cette chance. Enfin leur épargne sera affectée puisque la rémunération offerte sur les livrets sera largement inférieure à l’inflation.  

Les recettes fiscales durant le premier semestre traduisent bien les conséquences du retour de l’inflation et la volonté gouvernementale de faire peser la hausse des impôts sur les classes moyennes : l’impôt sur le revenu, la TVA et les taxes sur l’énergie ont rapporté au total, au premier semestre, 3,8 milliards de plus que l’an dernier, juste de quoi compenser le remplacement de l’ISF par l’impôt sur la fortune immobilière et la baisse de l’impôt sur les sociétés. Comment imaginer que cet ensemble au demeurant parfaitement cohérent agisse en faveur de l’emploi et de la croissance ? Cette politique n’y est pas parvenue en cinq ans. Qui peut penser qu’en la durcissant elle atteigne les objectifs annoncés ? Diabolicum perseverare.  

          

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