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Le blog d'Alain Boublil

 

Davos et les mondialo-sceptiques

Les réunions à grand spectacle dans une station chic de sports d’hiver ou dans la Galerie des Batailles à Versailles sont-elles le meilleur moyen de réconcilier les peuples avec la mondialisation ? Ce n’est pas sûr et ce serait pourtant bien utile car le phénomène est aussi irréversible que le fut la révolution industrielle au XIXème siècle. Le monde vit actuellement un étonnant paradoxe. Le procès de la mondialisation se généralise au moment où, sur le plan économique l’optimisme règne, la croissance est repartie et aurait même tendance à s’accélérer, si l’on suit les conclusions du Fonds monétaire international. Si cette transformation du monde était aussi néfaste que ses détracteurs le croient et ne manquent pas une occasion de l’affirmer, nous ne connaîtrions pas un tel regain de prospérité. Mais cet argument rencontre si peu d’échos que dans un nombre croissant de pays les électeurs offrent leurs suffrages à des mouvements politiques mondialo-sceptiques, d’inspiration nationaliste ou protectionniste.  .

Le cas le plus étonnant est celui de l’Allemagne. S’il est un pays qui a su profiter mieux que les autres de la mondialisation, c’est bien celui-là. Pourtant, les deux grands partis politiques qui se sont inscrits dans cette logique n’ont jamais obtenu des scores aussi faibles que lors des dernières élections. Après maintes péripéties, ils ont du s’allier pour essayer de former un gouvernement et permettre au pays d’espérer sortir de la plus longue crise politique qu’il ait connu depuis la guerre. Les Etats-Unis furent à l’origine de cette transformation radicale de l’économie mondiale, avec leur complice, le Royaume-Uni. Les Américains ont élu un président protectionniste qui essayer de faire adopter par un Congrès hésitant son programme avec la construction d’un mur sur la frontière mexicaine et le retrait de la plupart des négociations internationales et des institutions qui les conduisent, l’Accord de Paris sur le climat, le Traité Trans-Pacifique et même l’UNESCO. L’amorce de revirement opéré à Davos par Donald Trump marque peut-être le début d’une prise de conscience mais ne change rien au fait que cette rhétorique a convaincu une bonne partie du peuple américain.  

Le Royaume-Uni, qui est la première plate-forme des échanges financiers internationaux, s’est prononcé pour la sortie de l’Union Européenne par référendum. Le pays commence à se rendre compte que c’était une erreur majeure. Mais il y a eu une majorité d’électeurs et le maire de la capitale de la mondialisation financière, Boris Johnson, pour voter le Brexit. La France n’en est pas là mais au second tour de l’élection présidentielle, la candidate restée en lice avait fait du retour derrière les frontières son cheval de bataille. Plus de 30% des votants l’ont approuvé. La Chine fait figure d’exception. Sans états d’âme,  elle a lancé l’ambitieux programme des nouvelles Routes de la Soie, traversant même l’Arctique. Mais il est vrai qu’on n’y vote pas pour élire les dirigeants nationaux.    

Ce fossé croissant entre la réalité économique et les aspirations des peuples a plusieurs causes, notamment en France. La « nouvelle prospérité » qui a succédé à la crise financière est mal partagée et les inégalités se sont aggravées comme viennent de le montrer plusieurs études. Certains considèrent que c’est une étape nécessaire pour que dans un deuxième temps tout le monde en profite. C’est la théorie du ruissellement ou, dans sa version plus humaniste, la métaphore du premier de cordée. Malheureusement, ces raisonnements ne convainquent que ceux qui en sont les premiers bénéficiaires et comme ils sont tenus par ceux qui « en même temps » sont les plus ardents défenseurs de la mondialisation, l’amalgame est facile à faire. Au lieu d’expliquer à chacun les avantages de ce changement du monde et les comportements à adopter pour en profiter, les responsables politiques tiennent un discours radical en prétendant qu’aucune autre politique n’est possible. Ils font fausse route.

Facteur aggravant, les sociétés doivent intégrer un mouvement puissant d’innovation. L’écart se creuse aussi entre ceux qui ont su prendre le virage des nouvelles technologies dans leur vie quotidienne comme dans leur travail et ceux qui ont manqué le train. Le sentiment d’être abandonné de ces derniers s’accroit et ils se jettent dans les bras de formations politiques qui leur expliquent que la source de tous leurs problèmes réside dans cette mondialisation honnie. La tâche des dirigeants politiques est de prendre les mesures appropriées pour traverser cette période de transformation du monde mais aussi et surtout de faire œuvre de pédagogie pour expliquer aux élus, dans l’exercice quotidien de leur mandat, aux entreprises et aux ménages comment ils doivent infléchir leurs comportements pour profiter de ces changements irréversibles et ne plus avoir le sentiment d’en être les victimes.

L’Etat est naturellement en première ligne. Les inégalités se creusent. Des mécanismes existent pour corriger le phénomène et notamment la fiscalité, en mettant un terme par exemple à la concurrence suicidaire que l’Union Européenne tolère en son sein et qui constitue l’une des premières causes de la désaffection croissante des peuples à son égard. Mais si c’est nécessaire, ce sera loin d’être suffisant. Les entreprises en France doivent cesser de croire que c’est par une politique dispendieuse d’acquisitions à l’étranger qu’ils profiteront de la mondialisation. La différence entre les stratégies des firmes françaises et allemandes à cet égard est spectaculaire. La liste est longue des opérations coûteuses menées par leurs dirigeants qui, sous le prétexte de profiter des nouvelles opportunités offertes par l’ouverture des marchés, ont pensé que c’était ainsi qu’ils sortiraient gagnants. Nombre de fleurons industriels, comme Lafarge, Péchiney, Usinor-Sacilor ou Alcatel ont sombré ou sont passé sous le contrôle de leurs concurrents et plusieurs autres se trouvent confrontés à un endettement trop lourd, EDF, Engie ou Orange par exemple, parce qu’ils ont cru que la bonne stratégie consistait à acheter à crédit des parts de marché à l’étranger.  

A l’autre bout du spectre des décideurs figurent les élus locaux et les consommateurs. La politique d’urbanisme des premiers en réduisant la possibilité de stationner et même parfois  de circuler dans les centres-villes tout en accordant des permis de construire aux grandes surfaces à la périphérie ont conduit à leur désertification, à l’appauvrissement général et au rejet du monde d’aujourd’hui, assimilé à tort à cette politique urbaine. Quant aux seconds, ils n’ont toujours pas compris que ce qui permettait aux entreprises de créer et même de conserver des emplois, c’était d’abord et avant tout d’avoir des clients. Si dans leurs comportements les consommateurs intégraient, ne serait-ce que pour une faible part, cette préoccupation élémentaire, ils garderaient la possibilité de choisir entre une vaste gamme de produits et de services, ce que permet la mondialisation et qu’ils perdraient si on y renonçait, tout en agissant en faveur de l’emploi. Le patriotisme, qui  évoque toujours la notion de sacrifice, n’est pas en cause. Il s’agit de l’intérêt bien compris de chacun. L’Allemagne, bien sûr, mais aussi la Suisse et même l’Italie connaissent de substantiels excédents commerciaux. Pourquoi pas nous ? Ce n’est pas un problème d’offre puisque nous exportons pour près de 500 milliards d’euros chaque année. Ce sont les comportements de chacun, entreprises comprises qui sont en cause. La mondialisation permet de créer davantage de richesse mais c'est à l'Etat et à chacun d'agir pour que cette richesse soit répartie de manière juste et surtout profite au pays.

Pour  lutter contre les mondialo-sceptiques, un gouvernement doit donc placer chacun devant ses responsabilités, tout en montrant qu’il a compris que la mondialisation pouvait générer des effets négatifs mais qu’il disposait des moyens pour en limiter les conséquences et qu’il allait les mettre en œuvre en France mais aussi au niveau européen. Ainsi sera réduite l'influence des mondialo-sceptiques.

   

      

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