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Le blog d'Alain Boublil

 

2018 : l'année de la France

L’enthousiasme de la presse anglo-saxonne pour la France est une bonne nouvelle. Il tranche avec les prévisions pessimistes voire alarmistes des organisations internationales sur l’état de l’économie mondiale. Les déséquilibres et l’endettement excessif des agents publics et privés font craindre le pire, notamment pour la Chine. L’année 2018 serait ainsi porteuse d’une nouvelle et grave crise internationale. Il ne faut pas s’en étonner. Les économistes, pas plus que ces grandes institutions n’avaient mis en garde à la veille de la crise de 2007-2008 et ils mettront beaucoup de temps à comprendre ce qui était en train de se passer. Ils ne veulent pas qu’on les accuse à nouveau d’incompétence. Et si leurs prédictions ne se réalisent pas, tout le monde aura oublié leurs erreurs. Dans ce contexte assez pessimiste, la France fait figure d’exception. Est-ce justifié ?

Il est indiscutable, et les derniers chiffres de l’INSEE le prouvent, que l’économie accélère et que la croissance de la production est bien meilleure que ces dernières années. Mais il faut nuancer ce jugement. Elle était si faible que la comparaison est biaisée. Après quatre années de quasi-stagnation, la croissance du PIB en 2017 et probablement en 2018 connaîtra une  amélioration mais le rythme atteint est très inférieur aux résultats obtenus durant les périodes de reprise, par exemple à la fin des années 90. Cette croissance n’est pas suffisante pour réduire de façon significative le chômage et le diagnostic établi sur son accélération repose, au moins en partie, sur une illusion statistique. Avant, on portait un jugement  sur le niveau de la croissance à partir d’un pourcentage d’augmentation, 2, 3 ou même 4% parfois. Aujourd’hui, on tire des conséquences sur un dixième de pourcent, 1,2 1,6 ou 1,9% mais il ne faut pas se tromper. Croire que la comptabilité nationale est aussi précise et s’enthousiasmer parce que une année la production a cru de 1,6% et que l’année suivante elle a accéléré pour atteindre 1,9% est assez naïf. Cela relève plus du fétichisme que de l’analyse rigoureuse. Le raisonnement est aussi vrai en sens inverse. Revenir de 1,7% à 1,4% et en tirer des conclusions alarmistes n’a pas davantage de sens. En 2017 et 2018, la croissance française se situera donc autour de 2% et c’est un progrès significatif par rapport aux années 2013 à 2016 où, en moyenne, la hausse n'a pas dépassé 1%. Mais ce progrès reste insuffisant.

Cette croissance restera déséquilibrée. Toute la stratégie économique et les différentes mesures qui ont été mises en place depuis 2012 reposaient sur le rétablissement de la compétitivité de nos entreprises, menacée, pensait-on par un coût du travail jugé excessif. La réduction de ce coût, financée par l’Etat et, en dernier ressort par les contribuables, devait leur permettre  de regagner des parts de marché, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le rétablissement de notre balance commerciale stimulerait  la croissance et donc l’emploi. Malheureusement les faits ont donné tort aux inspirateurs de cette politique. Depuis trois ans, et alors que le temps nécessaire pour la politique initiée en 2012 fasse ses effets s’était écoulé, le solde commercial hors énergie s’est dégradé au point que tout l’avantage que la France pouvait tirer de la chute des prix des énergies fossiles, est en passe d’être perdu. On s’oriente en 2017 vers un déficit record hors énergie et un déficit total de plus de 60 milliards d’euros, voisin de celui atteint en 2013 quand le prix du baril de pétrole dépassait 120 dollars. En quatre ans, la baisse de la facture énergétique a atteint 30 milliards. La dégradation de nos échanges extérieurs de biens représente un montant à peu près égal. Cette année, l’Italie, elle, pour ne rien dire de l’Allemagne, enregistrera un excédent, hors énergie, de plus de 50 milliards d’euros. La contribution à la croissance  du solde du commerce extérieur en biens sera donc négative en 2017 comme elle l’avait été en 2016 et rien ne permet de penser que la situation s’améliorera en 2018.

Cette croissance est aussi inégalitaire. Les mesures fiscales et sociales figurant dans la loi de finances comme dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 ne corrigeront pas les tendances amorcées depuis 2012. Sur cinq ans, le produit de l’impôt sur le revenu a augmenté de 22% alors que l’impôt sur les sociétés baissait de 29%. La progression du pouvoir d’achat des salariés restera faible. Les retraités qui disposent d’un patrimoine peu important seront les principaux perdants de cette politique et les accédants à la propriété, avec les entreprises, les principaux gagnants. En renégociant leurs crédits, ils ont bénéficié de la baisse des taux d’intérêt à un moment où la reprise du marché donne à leur patrimoine une valorisation en hausse sensible. Quant aux entreprises cotées, elles ont profité de la reconstitution leurs marges en investissant un peu, en procédant à des rachats d’actions et en augmentant les dividendes versées à leurs actionnaires. Certaines ont même recommencé à procéder à des acquisitions à l’étranger. Les leçons du passé n’ont donc pas été tirées. Ce contexte financier a deux conséquences : les ménages restent inquiets sur leur emploi comme sur leurs perspectives de retraite et ils continuent à épargner à des niveaux record. Au troisième trimestre, le taux d’épargne financière a atteint 4,9% du revenu disponible et le taux global 14,7%, l’un des plus élevé d’Europe, surtout si l’on remarque qu’en raison de notre système de retraite par répartition, ce taux n’inclut pas les droits à la retraite à la différence des pays ayant un système par capitalisation dont les contributions sont, elles, est prise en compte dans le calcul du taux d’épargne des ménages.

Mais les risques si souvent dénoncés relatifs à l’endettement  resteront très modérés. Pour les acteurs privés, il se mesure par rapport au montant des patrimoines. Ceux-ci ont vu leur valeur augmenter plus vite que les dettes correspondantes. C’est significatif pour les ménages qui ont bénéficié à la fois de la hausse de leurs biens immobiliers, ce qui concerne 60% d’entre eux, bien au dessus de la moyenne en Europe, et des marchés d’actions. C’est moins évident pour les entreprises où la situation est très variable suivant qu’elles se sont livré dans le passé à des acquisitions financées par de la dette ou pas. Mais globalement le niveau n’a rien d’alarmant, ce que l’on retrouve dans le bilan des banques françaises qui ont un faible ratio de prêts « non performants ». La situation est différente pour l’Etat et les entités publiques. L'endettement global, même en voie de stabilisation, s’approche de 100% du PIB. Il n’est pas prévu qu’il recule de façon significative dans les années qui viennent. Mais le fait que le niveau de l’épargne financière des ménages soit aussi élevé constitue une garantie contre tout risque systémique. C’est aussi ce qui explique le très faible taux d’intérêt à long terme dont la France bénéficie, supérieur d’à peine 30 points de base à celui des pays « sages » comme l’’Allemagne et les Pays-Bas.

Une croissance qui s’améliore mais qui reste déséquilibrée et inégalitaire. Telle sera l’économie française en 2018. Elle s’éloigne du modèle européen pour se rapprocher du modèle anglo-saxon. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle la presse de ces pays manifeste une telle admiration pour la France. 

  

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