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Le blog d'Alain Boublil

 

Politique de l'énergie : le retour à la réalité

L’abandon, par le gouvernement de l’objectif inscrit dans la loi de transition énergétique limitant  le nucléaire à 50% de la production totale en 2025 est un premier signe important de retour à la réalité. Cet objectif était impossible à atteindre, sauf à construire des centrales à gaz pour garantir la sécurité énergétique du pays. EDF pourra obtenir l’allongement de la durée de vie de ses centrales bien au-delà de 40 ans, sous réserve que les investissements nécessaires soient accomplis et validés par l’Autorité de Sureté. Cette volte-face politique montre que la France a enfin compris qu’elle ne peut pas en même temps se passer du nucléaire et réduire ses émissions de CO2. Ses dirigeants doivent maintenant admettre que les discours enflammés ne suffisent pas et que les bonnes intentions peuvent conduire à de mauvaises décisions. Les mesures visant à orienter les choix des agents économiques doivent être adaptées à la situation de chacun. Il faut aussi éviter de poursuivre des objectifs contradictoires. A défaut, on renouvellerait l’erreur désastreuse du Grenelle de l’environnement qui, à l’unanimité, augmenta en 2007 les aides en faveur du diesel au détriment de l’essence pour réduire les émissions de CO2.

La transition énergétique ne peut pas se dispenser d’une réflexion sur la nature très diversifiée de la consommation d’énergie. Jusqu’à présent, en France, l’accent a été mis sur la production d’électricité. C’était plus facile car le principal producteur était EDF dont l’Etat détient 85% du capital et nomme les dirigeants. C’était aussi conforme à notre culture colbertiste qui veut que l’Etat soit toujours en première ligne. Mais c’est paradoxal car grâce au nucléaire, notre mix électrique est l’un des plus faibles émetteurs de gaz à effet de serre dans le monde. Le remettre en cause conduit à un résultat inverse de l’objectif recherché. Les émissions de la France proviennent essentiellement des usages domestiques et du transport. L’action publique doit donc se concentrer sur la recherche et la mise en place des incitations les plus pertinentes à destination des agents économiques concernés pour obtenir les résultats escomptés, et non se livrer en permanence à des annonces spectaculaires dont on s’aperçoit vite qu’elles n’ont aucune chance d’être suivies d’effet.

Les entreprises, les collectivités territoriales et les ménages jouent un rôle essentiel dans la transition énergétique et c’est pour cela que la conférence qui s’est tenue à Paris est un premier pas très utile dans cette direction. La politique de l’énergie doit abandonner sa logique régalienne et adopter une méthode « bottom-up » pour que les outils mis en place soient efficaces. L’échec des dispositifs en faveur de la rénovation thermique des logements ou du remplacement des véhicules polluants montre que les discours ne suffisent pas. Cette politique doit aussi prendre en compte le fait qu’elle s’adresse à un parc dont le renouvellement est extrêmement lent. La durée de vie d’une voiture ou d’un véhicule de transport dépasse souvent vingt ans. Si on veut, pour faire face à l’urgence climatique, obtenir des résultats significatifs rapidement, l’action doit être ciblée. Dans le transport, elle doit se concentrer sur l’élimination en priorité des sources les plus importantes de pollution tout en laissant à l’agent économique le choix du véhicule qui lui convient parce qu’il est le mieux adapté à ses besoins. Dans le secteur résidentiel, les mesures doivent tenir compte de la  diversité des statuts d’occupation. 

L’échec de la politique actuelle tint à ce que l’Etat a ignoré cet aspect essentiel. En concentrant ses aides sur la voiture électrique pour les particuliers, il a trouvé peu de réponses, comme en témoigne le niveau insignifiant des immatriculations, moins de 1% chaque année, et il n’a pas accéléré le processus nécessaire d’élimination des véhicules polluants. A l’inverse, il a ignoré dans ses incitations tous les usages qui ne souffrent pas de la faible autonomie de ces véhicules du fait de la fonction qu'ils remplissent, les flottes d’entreprises, les taxis, les transports collectifs en milieu urbain et les véhicules associés à des services publics comme la Poste. En même temps, rien n’est fait pour enrayer la montée du transport routier au détriment du frêt ferroviaire et on a même favorisé le retour des autocars. Si l’on veut démontrer que la réduction de la part des énergies fossiles est possible, il vaut mieux commencer par les remplacer là où cela est le plus facile. Les consommations générées par les transports représentent 32% du total de la consommation d’énergie et elle est constituée à 92% d’énergies fossiles. Ce secteur est donc primordial.

Les usages résidentiels sont également très importants : ils constituent plus de 50% de  l’énergie consommée et sa répartition a beaucoup évolué depuis 25 ans. Le charbon a pratiquement disparu et le recours au fuel domestique s’est fortement réduit au profit du gaz naturel et de l’électricité. Ces usages ont une caractéristique particulière : ils fluctuent considérablement en cours d’année. Au mois de janvier, les consommations d’électricité et de gaz étaient respectivement de 57 et de 82 TWh. Au mois de juillet, elles étaient retombées 33 et 19 TWh. Le niveau de la demande de gaz naturel est tel qu’il est peu réaliste d’imaginer qu’un jour on se passe des énergies fossiles. Surtout, pour faire face à de telles fluctuations, il faut que l’énergie puisse être stockée l’été pour être disponible l’hiver, ce qui n’est pas envisageable avant très longtemps. C’est pour cela que si l’on veut des résultats rapidement, il faut revenir à la réalité, ne pas engager des ressources importantes en faveur des énergies éoliennes et solaires qui ne sont pas en mesure de répondre à des besoins aussi irréguliers et privilégier les investissements pour réduire la demande d’énergie à usage résidentiel.

Les incitations doivent correspondre aux attentes de ceux à qui elles sont destinées. Sinon, elles ne seront pas utilisées et la politique échouera. Pour les logements, une distinction doit être faite suivant leurs caractéristiques, maison ou immeuble, et suivant le statut de leurs occupants et la nature de leurs propriétaires. Le cas le plus simple concerne les organismes sociaux. L’Etat a tous les moyens d’intervenir pour soutenir les investissements de rénovation thermique. Si les locataires en bénéficient à travers une réduction de leurs factures, il faut s’en réjouir, cela fera du pouvoir d’achat en plus et cela permettra à beaucoup de foyers de sortir de la précarité énergétique et d’être moins tributaires d’aides sociales. Pour les logements ayant des bailleurs privés, il suffirait qu’à chaque renouvellement du bail toute hausse du loyer soit conditionnée par des travaux de mise aux normes thermiques. Ainsi un partage juste des avantages serait trouvé entre le propriétaire et l’occupant. Des dispositifs incitatifs pourraient aussi être imaginés pour les copropriétés afin d’éviter que les travaux d’isolation des uns profitent surtout à leurs voisins. C’est à partir de toutes ces situations concrètes qu’une action diversifiée mais cohérente pourrait être entreprise et permettre d’orienter à la baisse la courbe de la consommation d’énergie.

Il faut cesser de stigmatiser telle ou telle source d’énergie, à l'exception du charbon, ou à travers des déclarations enflammées assorties de chiffres artificiellement gonflés, de prendre des engagements que personne ne sera en mesure de tenir. Les responsables politiques en France et dans le monde ont pour devoir de faire preuve de pragmatisme pour mettre en place les solutions pertinentes. La planète n’est pas une scène de théâtre. Elle mérite mieux, si on veut la sauver.     

                

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