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Le blog d'Alain Boublil

 

La Chine du président Xi Jinping

On apprend beaucoup d’un pays en examinant son drapeau. Comme en Russie où c’est l’emblème de la révolution, celui de la Chine est rouge. Mais là, depuis toujours, c’est surtout celui de la richesse. Les jeunes femmes choisissaient souvent cette couleur pour leurs robes de mariée. Sur ce fond, il y a cinq étoiles, quatre en demi-cercle et la cinquième, plus grande, placée au-dessus. Elles sont jaunes, la couleur autrefois réservée à l’Empereur. A la différence de ce que l’on voit sur les drapeaux américain et européen, où elles expriment l’appartenance à une Fédération ou à une Union, ce qui importe, c’est leur nombre. En Chine, le nombre 4 est associé aux points cardinaux ou aux quatre murs d’une maison. Il veut dire « tout », toutes les directions. La cinquième étoile ajoute une dimension : la stabilité. C’est le toit qui protège la maison au-dessus de ses quatre murs.   

L’action du président Xi Jinping pourrait se résumer en reprenant les symboles qui figurent sur son drapeau : une Chine stable, riche avec une ambition globale. L’inscription de sa pensée dans les statuts du Parti Communiste à l’issue de son XIXème Congrès a été interprétée à l’étranger comme une résurgence du pouvoir personnel. Le même honneur avait été accordé à Mao et à Deng Xiaoping en reconnaissance de leur action passée. Xi Jinping n’est qu’au début de son deuxième mandat. Jusqu’à présent, un principe non écrit voulait que l’on n’en fasse que deux.  Mais aucun des six autres membres de la direction du Parti n’apparaît comme un possible successeur. C’est un choix stratégique majeur. Si le président chinois veut conserver toute son autorité, il doit être maître de l’agenda. Il ne restera peut-être pas au pouvoir plus de dix ans mais cela est possible et cette éventualité renforcera sa position durant les prochaines années.

La stabilité de la Chine ne se résume pas au maintien en place de ses dirigeants. Elle dépend de l’acceptation des choix politiques de ceux-ci. La formidable amélioration des conditions matérielles d’existence du peuple chinois depuis trente ans ne saurait être un facteur de crise, malgré les profondes inégalités qu’elle a générées car celles-ci se situent surtout entre les générations. On voit mal les grand-parents qui ont subi les conséquences des erreurs économiques de Mao se révolter contre leurs enfants qui ont été les grands bénéficiaires des réformes instaurées par Deng Xiaoping ce qui mettrait en péril l’avenir de leurs petit-enfants. En revanche l’affichage de fortunes colossales pas toujours dues au talent est de nature à briser le lien entre le peuple et ses dirigeants. La campagne de répression contre la corruption n’était bien sûr pas dénuée d’arrière-pensées politiques puisqu’elle a aussi visé plusieurs rivaux potentiels de l’actuel chef de l’Etat. Mais se limiter à cette lecture serait une erreur. En agissant ainsi, Pékin condamne des pratiques qui risquaient à terme de discréditer le système politique du pays. L’autre risque concerne l’environnement. Le peuple chinois accepte un modèle où tout le monde progresse même si certains progressent plus vite que d’autres. Mais il refusera que sa sécurité quotidienne soit dégradée et sa santé menacée. Il ne faut donc pas sous-estimer la détermination des dirigeants dans la lutte à la fois contre le réchauffement climatique et les pollutions au niveau local. Il s’agit, au même titre que la moralisation de la vie publique d’un facteur essentiel de la stabilité du pays à long terme.

Une Chine stable mais aussi une Chine riche. La croissance se poursuit à un rythme très élevé, compte tenu du niveau de développement déjà atteint et les objectifs pour 2017 seront largement atteints avec près de 7%. La transformation vers des productions à plus haute valeur ajoutée progresse avec une capacité d’innovation qui ferait pâlir d’envie bien des pays européens. La demande intérieure évolue en faveur de la consommation des ménages qui se tournent de plus en plus vers les services, notamment le tourisme qui connait une vive expansion. Ils conservent un taux d’épargne très élevé qui contribue à l’enrichissement du pays. L’outil de production doit donc s’adapter. L’industrie lourde est sur-capacitaire, trop endettée et soutenue à bout de bras par l’Etat et par les collectivités locales. Mais le risque que font peser sur l’économie chinoise ces « zombies compagnies » comme on les appelle en Europe est surestimé. Le système bancaire et la Banque populaire de Chine, avec ses réserves de plus de 3000 milliards de dollars ont les moyens de faire face à la situation. Les restructurations seront douloureuses et prendront du temps mais le processus est engagé. Le rôle du marché, dans le processus d’allocation des ressources, n’est plus simplement reconnu. Il acquiert une place décisive et le gouvernement peut même quand cela est nécessaire mener des politiques de l’offre comme l’a annoncé Xi Jinping dans son discours devant le Congrès.   

Les soubresauts qui ont agité les marchés financiers en Asie ne doivent pas non plus être dramatisés. Le processus d’internationalisation de la monnaie chinoise initié il y a sept ans a franchi une étape avec son inclusion par le FMI dans le panier de monnaies utilisées pour calculer les DTS. Les entreprises chinoises apprennent à en tirer tous les avantages, parfois avec des excès que la banque centrale est chargée de corriger. Depuis la brève crise de l’été 2015, la devise chinoise est l’une des plus stables du monde. Pour répliquer à la dégradation de sa note par deux agences de notation, Pékin a décidé il y a quelques jours d’émettre des obligations en dollars. La démonstration a été éclatante : l’émission à un taux proche de la dette américaine a été sursouscrite onze fois. Si la Chine inquiète, c’est pour d’autres raisons et c’est le troisième volet du mandat de Xi Jinping : devenir une puissance économique globale.

Jusqu’à présent, l’internationalisation de l’économie s’était faite de l’extérieur vers l’intérieur, la Chine devenant l’usine du monde en étant fournisseur par exemple de Walmart et de Nike. Ce mouvement a atteint ses limites avec l’élévation du niveau de vie des ouvriers chinois. La transformation du pays en cours en tire les conséquences. De passive l’internationalisation va devenir conquérante avec des investissements des firmes chinoises à l'étranger suivant l’exemple des multinationales américaines puis européennes et japonaises dans le passé. Cela ne se fera pas sans excès. Quatre groupes, Dalian Wanda, Anbang, HNA et Fosun, qui contrôle le Club Med, ont été rappelés à l’ordre par Pékin. Après la vive croissance des acquisitions observée en 2015 et 2016, l’année 2017 marque un recul mais le mouvement est irréversible même s’il faudra du temps à chacun pour maîtriser les nouvelles libertés accordées dans ce domaine. Il constitue un relais de croissance pour l’économie et une diversification appréciable pour des groupes qui ont accumulé des réserves financières.

Favoriser le développement des pays voisins y contribue aussi. C’est le sens de l’initiative lancée par Xi Jinping en 2013 connue sous le nom de « Belt and Road Initiative » et que nous traduisons en Europe d’après la référence historique des anciennes Routes de la Soie. Elle consiste à accélérer le développement des pays voisins, en Asie centrale et du Sud avec des investissements dans des infrastructures financés par une nouvelle banque internationale à laquelle participe la plupart des pays développés. La présence du président chinois au forum de Davos cette année, la conférence qui s’est tenue en mai réunissant les partenaires de la Belt and Road Initiative, les sommets de l’APEC et de l’ASEAN qui viennent d’avoir lieu traduisent la montée en puissance de la diplomatie économique chinoise à un moment où l’Europe est affectée par le Brexit et l'instabilité politique en Allemagne et les Etats-Unis par le comportement imprévisible de leur président.  

Une Chine stable, riche et présente partout dans le monde, comme cela figure sur son drapeau. C’est ce à quoi le gouvernement et les entreprises françaises vont être confrontés durant les prochaines années. A chacun de le comprendre pour ne pas rater les opportunités qui se présenteront et savoir en tirer profit.  

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