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Le blog d'Alain Boublil

 

Chômage : le mal fançais

François Hollande avait parlé trop vite. La forte hausse (+34 900) du nombre de demandeurs d’emplois en catégorie A au mois de Juillet, recensés par Pôle Emploi, a refroidi les espoirs de ceux qui pensaient que le retournement (et non l’inversion, terme impropre tant sur le plan géométrique que statistique) de la courbe du chômage était en vue. La politique menée par le prédécesseur d’Emmanuel Macron, lequel a été son influent conseiller à l’Elysée, n’a donc pas produit les résultats qui permettrait à l’ancien président d’être fier de son bilan économique. Ce chiffre est non seulement très décevant par rapport au mois précédent mais l’ampleur de la hausse, qui touche toutes les catégories, efface les modestes progrès observés depuis le 1er janvier et même depuis les douze derniers mois. Le chômage a augmenté de 1,5% depuis le début de l’année par rapport aux sept premiers mois de l’année précédente et il est légèrement supérieur (+0,1%) à celui atteint en juillet 2016.

Peu avant, l’INSEE avait pourtant annoncé une baisse du taux de chômage au 2ème trimestre à 9,5%, ce qui avait provoqué nombre de commentaires enthousiastes comme celui de François Hollande. Ce chiffre avait été mis en rapport avec le nombre important des créations d’emplois salariés et le retour de la France vers un taux de croissance de 1,6%, niveau qui n’avait pas été atteint depuis six ans. Alors qui a raison ? Ces données ne sont pas établies de la même façon. L’INSEE procède par sondage auprès d’environ 100 000 personnes alors que Pôle Emploi, sous le contrôle du ministère du Travail, recueille, comme pour un recensement, la totalité des candidats à un emploi. La divergence entre leurs résultats n’est d’ailleurs pas si flagrante car si tant de personnes se remettent à chercher un emploi, c’est qu’ils ont davantage d’espoir aujourd’hui qu’hier d’en décrocher un. C’est un signe d’amélioration du contexte économique, confirmé par plusieurs autres indicateurs.

Surtout les deux institutions ne mesurent pas la même chose. Le taux de chômage est le rapport entre le nombre de demandeurs d’emplois et la population active. Si celle-ci augmente plus vite que le nombre de demandeurs d’emplois, le taux de chômage baisse alors que le nombre de chômeurs continue d’augmenter. C’est ce que connait la France en ce moment. En d’autres termes, la croissance n’est pas encore assez forte pour  générer des créations d’emplois suffisantes pour faire baisser le chômage. C’est un progrès mais il ne suffit pas à rétablir un climat de confiance et d’espoir qui seul débouche sur une diminution significative et durable du chômage. Alors quelles sont les causes de cette situation et les choix offerts au gouvernement au moment où le président de la République remarque que nous serions le seul des grands pays européens à ne pas avoir vaincu le chômage de masse, où il doute de la capacité des Français à adhérer à un programme de réformes et où il s’inscrit dans la logique de la stratégie économique menée par son prédécesseur, qu’il a d’ailleurs largement inspirée et qui a échoué ?

Les comparaisons sont trompeuses. Avec, l’Angleterre, est-ce qu’on peut sérieusement considérer qu’un titulaire d’un contrat 0 heure a un emploi ? Ils sont plus d’un million. Et tous les bénéficiaires d’ « incapacity benefits », système créé par Tony Blair pour décourager ceux qui avait un problème de santé de rechercher un emploi moyennant une très modeste indemnité, ne sont-ils pas eux aussi ces chômeurs déguisés ? Le cas de l’Allemagne est plus complexe et source d’un étonnant déni. Le pays a une situation démographique désastreuse avec un taux de natalité de 1,3 contre environ 2 pour la France. Les femmes sont dissuadées de travailler à plein temps. Enfin, les réformes Schroeder, et surtout la dernière concernant les mini-jobs, visaient à empêcher une nouvelle vague de migration vers l’ouest des allemands de l’Est où le taux de chômage était de 18%. Le SPD y était très impopulaire et cela l’aurait encore affaibli à l’ouest. Ces mesures n’ont pas empêché sa défaite aux élections suivantes mais elles ont été un facteur d’aggravation des inégalités. En revanche, une réforme datant de1976 est, elle, passée complètement inaperçue en France :l’entrée dans les organes de directions des entreprises des représentants des salariés qui a  contribué à freiner les politiques débridées de délocalisation et d’investissement à l’étranger, à l’opposé de ce qui était pratiqué chez nous dans l’enthousiasme. Les Allemands continuaient d’appliquer chez eux ce que Paul Valéry avait remarqué il y a plus d’un siècle : faire remonter de toutes les parties du monde vers toutes les parties de l’Allemagne, le maximum de valeur ajoutée. Ces choix stratégiques, qui font consensus en Allemagne, ne sont évidemment pas étrangers aux performances du pays qui ne résultent donc pas des différences de coût ou d’avantages dont profiteraient nos salariés. Autre exemple, qui montre qu’il peut y avoir de bonnes et de mauvaises réformes, le régime des heures supplémentaires : en 2007, à  la veille de la crise financière, le gouvernement français  avait accordé des avantages importants pour ceux qui y avaient recours. En situation de plein emploi cela aurait pu avoir un sens. Ce dispositif, qui dissuadait les entreprises d’embaucher, aurait dû être abrogé dès l’arrivée de la crise. Il en a aggravé les effets sur l’emploi, pour un coût élevé pour l’Etat. En Allemagne,  on a fait le choix opposé avec des mesures favorisant le temps partiel qui ont permis aux entreprises de garder leurs salariés dans l’attente de la reprise.

Grâce à la politique de réduction des charges amorcée à l’automne 2013 les marges des entreprises se sont redressé ce qui a profité à leurs actionnaires et à leurs dirigeants. Mais pour respecter nos engagements européens et contenir le déficit public, il a fallu augmenter les impôts ce qui a cassé la croissance au plus mauvais moment, plongé la France dans la stagnation et provoqué la hausse du chômage. Cette politique n’a pas débouché sur une reprise des investissements, faute de demande intérieure, et encore moins sur une amélioration de la compétitivité de nos entreprises si l’on en juge par le creusement de notre déficit commercial et nos pertes de part de marché. Le raisonnement tenu à l’époque était, là encore, comme celui de 2007, faux. Il serait surprenant qu’il soit devenu juste aujourd’hui. A l’inverse aucune leçon n’a été tirée des succès en matière d’emploi de la politique menée entre 1997 et 2002 concernant la réduction du temps de travail. Même si ses modalités ont été critiquables dans le secteur public, c’est la seule période pendant laquelle ont été obtenus simultanément croissance, baisse du chômage et excédent de nos comptes extérieurs.     

L’idée suivant laquelle c’est en réduisant les protections dont bénéficient les 90% des salariés qui ont un emploi qu’on permettra aux 10% qui en recherchent un de le trouver plus facilement est paradoxale. C’est un jeu auquel tout le monde risque d’être perdant. On peut s’étonner que les français détestent les réformes mais ce n’est pas surprenant puisque celles qui ont été mises en place ont échoué. Le défi auquel est confronté le gouvernement est de trouver les bonnes mesures pour atteindre les objectifs qu’il s’est fixé et sur lesquels il s’est engagé vis-à-vis des français. En matière d’emploi, la France est dans une situation spécifique : une démographie dynamique, une aspiration des femmes à une totale égalité professionnelle et un contexte d’innovation qui est structurellement destructeur d’emplois, de la voiture autonome à la digitalisation de nombre de services. La transformation qui permettra à la France de vaincre le mal du chômage doit reposer sur des solutions nouvelles adaptées à ce contexte et non persévérer dans l’erreur qui tend à faire croire que ce sont les salariés qui sont les seuls responsables de leurs difficultés. Ainsi sera-t-on venu à bout de ce mal français.

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