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Le blog d'Alain Boublil

 

France : les nouveaux défis économiques

Après que le président de la République ait fixé le cap pour son action durant les cinq prochaines années et que le Premier ministre ait présenté, devant le Parlement, les grands axes de sa politique économique, deux questions se posent : sur quelle trajectoire l’économie française se situe-t-elle et les actions envisagées sont-elles à la hauteur des défis auxquels la France est confrontée ?  

Au premier trimestre, l’estimation de la croissance a été deux fois révisée à la hausse, passant de 0,3% à 0,5%. Mais dans les trois présentations de l’INSEE, le facteur dominant, par nature volatil, était la constitution de stocks importants qui compensaient à peine la contribution négative des échanges extérieurs. La banque de France a maintenu, pour le 2ème trimestre, un objectif de 0,5% qui permettrait d’atteindre sur l’année une croissance autour de 1,5%  en nette amélioration par rapport aux trois années précédentes de quasi-stagnation. Mais cette performance est très inférieure à ce que l’on serait en droit d’attendre compte tenu du contexte international favorable. Elle serait surtout insuffisante pour faire reculer le chômage de façon significative. Il est d’ailleurs révélateur que ni le Président ni son Premier ministre ne se sont fixé d’objectifs précis dans ce domaine. Ils ne font pas la même erreur que François Hollande. Les créations d’emplois en 2016 comme depuis le début de l’année se situent sur un rythme annuel de 200 000, qui est insuffisant pour faire baisser le nombre des demandeurs d’emploi.

Celui-ci a cessé de progresser depuis le début de l’année mais l’augmentation observée en mai (+ 26 000 demandeurs d’emplois) rappelle que la route est encore longue avant de retrouver le chemin vertueux d’une baisse significative et durable du chômage qui génèrerait un retour de la confiance chez les ménages, suffisant pour qu’ils modifient leurs comportements et contribuent au retour de la croissance. La consommation en biens au mois de mai a rebondi (+1%) mais cela permet à peine de compenser un début d’année très morose. La production industrielle comme l’investissement des entreprises sont plus dynamiques avec des hausses sur un an de plus de 2% mais qui restent hétérogènes. L’aéronautique, les équipements automobiles et la chimie connaissent une réelle reprise alors que les traditionnels points forts que sont la pharmacie et les industries agroalimentaires suivent difficilement la tendance. Le bâtiment et les travaux publics, malgré la reprise de la construction de logements, au contraire, stagnent. Ces évolutions divergentes montrent bien que toute l’argumentation suivant laquelle la France aurait un problème global de compétitivité auquel il faudrait remédier par des allègements généraux de charges sociales et fiscales en faveur des entreprises, est loin d’être convaincant, même si celles-ci ont connu une hausse réelle de leurs marges.

La situation du commerce extérieur conforte ces doutes. Le déficit de 4,9 milliards d’euros au mois de mai, est en amélioration par rapport aux résultats catastrophiques du premier trimestre. Mais nous nous situons sur un déficit tendanciel d’environ 60 milliards, égal à celui de 2012 et 2013, quand le prix du pétrole dépassait 100 dollars par baril. Tout l’avantage lié à la chute des cours du brut, mais aussi des autres matières premières comme le gaz naturel a été perdu. La politique économique qui avait fait de la compétitivité son premier objectif  n’a eu, bien au contraire, aucun effet  sur nos échanges  extérieurs.

La Cour des Comptes, comme chaque année quand les ministères préparent leur budget, a dressé un constat alarmiste sur la situation des finances publiques et indiqué qu’il serait bien difficile à l’Etat et aux administrations de revenir à un déficit inférieur à 3% et de respecter nos engagements européens. Ces mises en garde étaient  adressées au nouveau gouvernement au moment où il annonçait les grandes lignes de sa stratégie économique. La publication des données sur la situation budgétaire à la fin du mois de mai montrent l’étendue du dilemme auquel celui-ci est confronté. Contrairement aux annonces, il n’y a pas de ralentissement des dépenses de l’Etat, qu’il s’agisse des frais de personnel, du fonctionnement ou des interventions qui progressent de près de 5%. Cette hausse n’est pas compensée par la baisse de la charge de la dette publique ni par la forte diminution des investissements et des prélèvements au profit des collectivités locales. Du côté des recettes, l’effort est supporté par les ménages qui devraient connaître cette année une augmentation de leurs différents impôts et taxes de plus de 7 milliards. L’impôt sur le revenu doit rapporter 73,5 milliards mais le produit de l’impôt sur les sociétés, grâce aux effets du CICE, restera inférieur à 30 milliards. Les chiffres des cinq premiers mois sont cohérents avec ces prévisions.

Au total, la croissance se redresse, sans toutefois atteindre un niveau qui permettrait de faire baisser durablement le chômage mais la France reste confrontée à un double déficit préoccupant, celui de notre commerce extérieur, qui s’accroit, hors facture énergétique, à la différence de nos partenaires européens comme l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, et celui de nos finances publiques qui reste supérieur aux normes européennes malgré un alourdissement significatif de la pression fiscale sur les ménages. Tels sont les défis auxquels est confrontée la nouvelle majorité politique.

Paradoxalement, les grandes lignes de la politique économique énoncées par le Premier ministre, s’inscrivent dans la continuité de celle de ses prédécesseurs avec une priorité donnée à nouveau aux allègements de charges sur les entreprises. La redistribution de la pression fiscale en faveur des actifs et au détriment des retraités, ne se traduira pas par une baisse significative du niveau total des prélèvements. Le choix en faveur de l’offre est donc conforté. Or il n’a jusqu’à présent pas donné les résultats attendus. Les hésitations sur le calendrier des réformes fiscales annoncées par Emmanuel Macron lors de sa campagne électorale auront peu d’incidence sur l’activité en 2018. Seul l’étalement dans le temps de l’augmentation de la CSG pour les retraités pourrait atténuer le choc prévisible qui n’est pas sans rappeler ce qui est arrivé en 2013. Mais il n’en est pour l’instant pas question. La suppression de la taxe d’habitation, au contraire pose un problème technique majeur pour les collectivités locales. Elles connaissent le produit de la taxe mais pas sa répartition suivant les revenus de ceux qui la payent, donnée indispensable pour que l’Etat, comme il s’y est engagé, compense la perte de recettes. Enfin la modification de l’assiette de l’ISF, comme le plafonnement de la taxation des produits financiers, ne se traduira pas, contrairement à ce qu'espère le Premier ministre, compte tenu de la situation financière de ceux qui en bénéficieront, par une modification de leurs comportements de consommation. Ces baisses d’impôt iront gonfler leur taux d’épargne sans contribuer à soutenir la croissance.

La conjonction d’un déficit plus important que prévu en 2017 et des annonces fiscales pour 2018 rendent très difficile le respect, pour ces deux années des engagements européens, sauf à pratiquer des coupes sombres dans les dépenses publiques, ce qu’aucun gouvernement n’a jamais réussi à faire. Il  reste au Premier ministre un peu plus de deux mois, jusqu’à la présentation du budget pour l’année 2018 pour préciser ses choix et conserver ainsi la crédibilité économique que les succès politiques de la nouvelle majorité lui ont conféré.  

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