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Le blog d'Alain Boublil

 

Le commerce extérieur et la politique de l'offre

Le déficit commercial record enregistré par la France au mois de janvier et vient d'être rendu public a relancé le débat sur la compétitivité de nos entreprises et sur les remèdes à y apporter. Cette situation est assez paradoxale puisque précisément la politique suivie depuis 2013 visait, au travers d’avantages fiscaux et d’allègements de charges, à améliorer cette compétitivité. C’est ce que l’on a appelé la politique de l’offre, par opposition aux politiques visant à stimuler la demande à travers l’augmentation du pouvoir d’achat ou l’accroissement des dépenses publiques.

Au mois de janvier, les exportations ont chuté de 9,2% par rapport au mois précédent, retombant à 37,2 milliards, alors que les importations augmentaient de 2,7% pour atteindre le niveau sans précédent de 45,2 milliards. Le déficit de 7,9 milliards est le double du déficit mensuel moyen observé en 2016. La contribution du commerce extérieur à la croissance au début de l’année sera à nouveau négative car les résultats des deux prochains mois ne suffiront pas à compenser le choc du mois de janvier. La prévision de la Banque de France pour le 1er trimestre est actuellement de 0,4%. Ce chiffre aura beaucoup de mal à être atteint, d’autant que le recul de la production industrielle (-0,4%) en janvier est un nouvel indicateur de la faiblesse de l’activité, malgré la forte hausse de la production d’énergie consécutive à la vague de froid. Le choix économique qui a été fait de favoriser les entreprises en pensant que cela leur permettrait de gagner des parts de marché pour relancer la croissance, ne devrait donc pas donner de meilleurs résultats en 2017 que durant les années précédentes. Reste à savoir si le prochain gouvernement issu des élections à venir le poursuivra dans cette voie.

Le déficit du mois de janvier comporte néanmoins un biais important dû à la volonté d’Airbus de facturer un maximum d’avions avant la fin de l’exercice 2016. Cela a eu pour conséquence de faire chuter les exportations le mois suivant. Ce lourd déficit n’est donc heureusement pas tout à fait représentatif des tendances de notre commerce extérieur. Pour éliminer cet effet lié au calendrier, il est plus juste de prendre en compte la moyenne des mois de décembre et de janvier. On obtient alors, pour chacun de ces deux mois, un déficit de 5,75 milliards d’euros. Même après cette correction, son niveau est sans équivalent depuis  l’été 2014. Il montre bien à quel point la situation s'est dégradée.  . Entre 2012 et 2016, les exportations n’ont cru que de 11 milliards alors que les importations, baissaient de 8 milliards. Le déficit est passé de 67 à 48 milliards. Mais comme, sur cette période, la facture énergétique de la France, s’est réduite de 36 milliards d’euros du fait de la chute des cours du pétrole, la dégradation  hors énergie a été de 17 milliards d’euros. Le raisonnement qui justifiait le choix d’une politique de l’offre pariait sur un redressement de la compétitivité des entreprises et donc une amélioration de leurs performances vis-à-vis de leurs concurrents sur le marché mondial. Il a été infirmé par les faits et a abouti au résultat inverse.

Face à cet échec qui a eu aussi de lourdes conséquences sur la croissance, qui a stagné, et sur l’emploi, deux arguments sont avancés, la responsabilité de l’euro et l’absence de politique alternative, en particulier le choix de soutenir la demande pour relancer la croissance. Le procès de l’euro est permanent, idéologique même. Il émane de ceux qui n’ont jamais été favorable au projet européen. Pendant une quinzaine d’année, marquée par l’élargissement réussi à la suite de l’effondrement du communisme jusqu’au référendum sur le projet de constitution, ils ont été très minoritaires. La grande crise de 2007-2008 et l’incapacité de Bruxelles à trouver des solutions convaincantes pour en sortir, alors que les origines de cette crise étaient Outre-Atlantique, a fait grossir le clan des eurosceptiques. La responsabilité de la monnaie unique dans notre déficit extérieur est une excuse commode mais dépourvue de tout fondement, d’autant plus que l’Union monétaire a permis à la France de bénéficier de taux d’intérêt parmi les plus faibles du monde. La plus grande part du déficit provient de nos échanges à l’intérieur de la zone euro, à commencer par l’Allemagne. Si ce pays et donc ses entreprises et ses consommateurs ont su si bien s’accommoder de l’euro, pourquoi pas nous ? La démonstration est encore plus convaincante quand on regarde la situation de l’Italie, qui a, elle aussi, un confortable excédent commercial. Il est difficile de prétendre que ce pays a suivi les préceptes libéraux en réduisant le coût du travail et les droits des salariés, comme on le prétend souvent, et à tort, à propos de l’Allemagne et des « réformes » du chancelier Schroeder. L’exemple de l’’industrie automobile est révélateur. Ce secteur est responsable à lui seul de plus de la moitié de la dégradation de nos échanges de produits manufacturés. Une bonne illustration de ces faiblesses est donnée par les positions respectives de nos deux pays sur le marché suisse. Nous y exportons chaque année pour environ 360 millions d’euros et l’Allemagne pour 3,8 milliards. Nos constructeurs ont délocalisé une bonne part de leur production en Espagne ou en Europe centrale, à la différence de leurs concurrents allemands. Qui oserait prétendre que les salariés de Wolfsburg ou de Munich sont moins bien payés et ont moins d’avantages sociaux que ceux de Flins ou de Sochaux ?

L’autre argument en faveur de la politique de l’offre, ce serait que son alternative, la politique de la demande, serait inefficace puisque l’augmentation du pouvoir d’achat  aboutirait à gonfler les importations, nos entreprises n’étant pas « compétitives » pour faire face à un supplément de demande. Ce raisonnement est faux à un double titre. Il fait semblant d’ignorer que les entreprises, quand elles investissent, ont recours également à des importations, qu’il s’agisse de machines ou d’équipements électroniques. L’accroissement de leurs ressources peut aussi contribuer au déficit. Il méconnait enfin le fait que les produits manufacturés, dans les dépenses des ménages, ne représentent que 25%, l’essentiel allant aux services, comme les loyers ou les soins, ou encore l’énergie, dont il est difficile de prétendre que si on augmentait les salaires, cela aboutirait à une hausse significative des importations. On a longtemps mis sur le compte de la politique de relance menée par la gauche en 1981 l’aggravation du déficit extérieur, qui avait conduit aux dévaluations successives du franc. On sait aujourd’hui que c’est faux. L’aggravation du déficit entre 1980 et 1982 a été, à un milliard près, égale à l’alourdissement de la facture énergétique, elle-même résultant de la hausse vertigineuse du dollar à l’époque et non aux mesures adoptées à l’époque.

Le choix de privilégier l’offre, dans la conjoncture dépressive actuelle, n’aboutit qu’à améliorer la situation financière des entreprises, ce qui n’est pas en soi un défaut, à condition que cette amélioration conduise à des investissements. Mais ceux-ci n’interviendront que si la demande est présente, ce qui n’est pas le cas puisque, du fait des contraintes budgétaires, il faut compenser les transferts en faveur des entreprises par un alourdissement des charges sur les ménages. La tâche des prochains gouvernements sera, s’ils veulent réussir, de sortir de ce dilemme. Jusqu’à présent, aucun des programmes proposés n’a identifié les causes de la situation actuelle et formulé les propositions crédibles pour sortir de cette impasse économique.       

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