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Le blog d'Alain Boublil

 

Donald Trump et le monde

Faire fortune dans l’immobilier ne constitue pas forcément une bonne préparation pour comprendre le monde actuel et se préparer au monde de demain. Tel est l’enseignement que l’on peut tirer des déclarations et des premières décisions de Donald Trump et de son équipe.   Ses idées personnelles sur les femmes ou sur les religions suscitent dans son pays et à l’étranger une vive réprobation. Elles correspondent au choix d’une minorité d’Américains, mais pour être mises en pratique, le nouveau président devra composer avec le très efficace système d’équilibre des pouvoirs qui est la marque des institutions américaines. Il est donc probable que les mesures prises au début de son mandat seront peu à peu vidées de leur contenu le plus radical. Il n’en ira pas de même de ses décisions économiques et de son projet de donner la priorité à l’Amérique en menant une politique résolument protectionniste.

Ce sont les Etats-Unis qui ont été à l’origine de la mondialisation. Ce sont les entreprises américaines, et en premier lieu les constructeurs automobiles, qui ont créé des usines en Europe après la guerre et qui, plus tard, ont délocalisé vers le Mexique leur production pour alimenter le marché américain. C’est la grande distribution, Walmart en tête, qui a choisi de se fournir en Chine et l’industrie électronique américaine qui a confié à des sous-traitant chinois, à Shenzhen d’abord, dans les années 80 puis partout dans le pays, la fabrication de ses produits. Jusqu’à une période récente, il y avait bien peu d’entreprises chinoises qui exportaient directement aux Etats-Unis. On se souciait peu du déficit commercial qui en résultait puisqu’il était financé en dollars par tous les pays qui avaient accepté d’en faire la principale devise internationale. Les consommateurs américains ont aussi profité de cette politique qui leur garantissait l’accès à des produits variés, de qualité et à des prix abordables. La contrepartie a été, comme partout dans le monde à l’exception de l’Allemagne, une chute de la part de l’industrie dans la production nationale et une baisse de l’emploi industriel.

Pendant ce temps-là, des activités nouvelles prenaient le relais avec une création de richesse sans précédent pour ceux qui en avaient été à l’origine, Apple, Google, Amazon, Facebook par exemple, grâce à l’extraordinaire développement des moyens de communication qui permettait, dans un monde désormais sans frontières, de traiter les données et d’avoir accès aux contenus. Les Etats-Unis ont été l’un des principaux sinon le principal bénéficiaire de la mondialisation de la communication. En même temps, les mouvements de capitaux se sont  libérés et Wall Street est devenu la capitale financière de la planète. 60% des transactions internationales s’effectuent en dollars et les banques américaines en ont tiré le plus grand profit, même si leurs excès ont été durement sanctionnés lors de la crise de 2007-2008.

Donald Trump s’imagine-t-il qu’il peut renverser cette tendance en voulant isoler son pays et en adoptant des mesures unilatérales ? Hélas, oui, car il n’a pas compris, faute d’expérience, que son pays en serait la première victime, le premier perdant, et ses compatriotes avec. Dans l’industrie, les processus de fabrication se sont internationalisés avec des chaines d’approvisionnement de moins en moins nationales. La France a délocalisé l’assemblage de ses véhicules, les fabricants de composants ont suivi et les produits finis sont revenus dans le pays d’origine. En Allemagne, on a fait le contraire. L’assemblage est resté sur place, les composants venant souvent de ses voisins d’Europe centrale, d’où l’écart entre les deux pays  pour les emplois industriels et la balance commerciale. Dans un secteur clé comme l’aéronautique,  l’internationalisation des approvisionnements est aussi devenue la règle. Airbus a décidé de construire une usine d’assemblage de l’A320 à Mobil, dans l’Alabama. Si les pièces détachées sont taxées, l’usine qui doit ouvrir en 2018 est condamnée. Même situation pour la fabrication des moteurs. Safran et General Electric depuis près de 50 ans ont bâti une coopération qui repose sur la répartition des tâches pour fabriquer le moteur le plus vendu dans le monde, le CFM-56. Elle suppose que les composants et le moteur, quand il est achevé, puissent circuler librement pour équiper l’avion qui ne sera pas forcément situé dans le pays où le moteur a été fabriqué. C’est à cela que Donald Trump s’attaque. Avec des droits de douane, la stratégie d’entreprises comme GE ou Boeing, qui se fournissent et vendent dans le monde entier, sera bouleversée avec des  conséquences incalculables. En croyant protéger les emplois, le  président américain va, au contraire, créer du chômage. Les consommateurs ne seront pas non plus épargnés. Le protectionnisme réduit la concurrence, synonyme d’un meilleur rapport qualité-prix et les prive d’une plus grande diversité des produits offerts. 

Sa position est d’autant plus paradoxale que les Etats-Unis ne sont pas un modèle en matière de libre-échange, on pense au « Buy American Act » et que les importations n’y constituent que moins de 10% du PNB alors qu’en Europe elles dépassent presque partout 25%. Mais elle a une signification déplorable. Donald Trump propose un retour vers un monde passé dont nous n’avons pas de raisons d’être fiers. Il ignore, ou fait semblant d’ignorer, que son pays a joué un rôle historique dans le rapprochement entre les peuples en faisant converger leurs modes de consommation, en facilitant l’internationalisation des entreprises et des marchés, ce qui a été synonyme, malgré les soubresauts et les crises, de croissance, de progrès et de paix. L’Europe en a fourni un bon exemple et c’est à cela qu’il s’attaque  quand il critique sa construction et quand il apporte maladroitement son soutien à Theresa May et au Brexit. Souhaite-t-il revenir à la logique des années 30 dont on sait bien sur quoi elle a débouché ?

Les dernières déclarations de l’entourage de Donald Trump à propos de l’Europe, répondent aussi à une autre préoccupation. Les Etats-Unis ne peuvent pas s’en prendre  uniquement au Mexique. L’« affaire du mur », à l’origine de l’annulation de la visite du président mexicain, est d’une extrême gravité comme le projet de taxer, du jour au lendemain, les échanges entre les deux pays. En s’attaquant à l’Allemagne et en proférant des menaces, la nouvelle administration américaine, essaye indirectement d’envoyer un message à Mexico : nous n’avons rien contre vous en particulier, mais nous agissons contre tous les pays qui mettent en péril nos emplois. Il n’est pas du tout sûr que cela soit compris et ait l’effet escompté tant les relations entre les deux Etats sont étroites et passionnelles et ce n’est pas sans risques.   

Cette politique donnera lieu à des mesures de rétorsion et provoquera des tensions entre des pays qui sont fondamentalement et historiquement des alliés, qui partagent les mêmes valeurs et défendent le même projet de société. Le seul espoir, c’est que dans l’Union Européenne, cela contribue à renforcer des liens, à ressouder les relations entre les Etats-membres et  incite ceux-ci à redonner du souffle à leur projet. En apportant la preuve que celui-ci est la seule solution d’avenir pour préserver la prospérité et la paix sur le continent, menacées par les initiatives américaines, les Etats doivent s’employer à convaincre le nombre croissant de leurs ressortissants qui sont sceptiques. A défaut, la politique de Donald Trump, s’il la poursuit, et la réponse de l’Europe, si elle n’est pas à la hauteur des enjeux, ne produiront que des perdants.              

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