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Le blog d'Alain Boublil

 

CHINA : the great summer panic

La réaction des marchés financiers, cet été, aux soubresauts qui ont affecté l’économie chinoise et aux décisions prises par le gouvernement de Pékin, témoignent de deux réalités incontournables : la place nouvelle qu’occupe la Chine dans l’économie mondiale et les difficultés, notamment en France, à en comprendre les ressorts et les conséquences.

Ces dix dernières années, le monde a assisté à l’essor de la Chine qui contrastait avec les maux affectant les économies développées, la « Grande récession » consécutive à la crise financière de 2007-2008, et la « Grande stagnation », qui n’est pas terminée, provoquée par la crise de l’euro. Entre 2007 et 2014, l’économie chinoise a plus que doublé de taille et est devenue la deuxième puissance économique et même, suivant les calculs du FMI basés sur les  parités de pouvoir d’achat, la première. Les exportations chinoises, du fait des délocalisations, ont conquis la première place et les importations ont offert aux exportateurs de matières premières une rente qui les dispensait, le cas du Brésil est à cet égard exemplaire, de s’adapter aux nouvelles règles de l’économie mondiale. Même situation pour les transactions financières : c’est la Chine qui, grâce à l’accumulation de ses excédents commerciaux, finança les déficits américains en plaçant en Bons du Trésor américain, une part substantielle de ses réserves de change, aujourd’hui évaluée à plus de 3000 milliards de dollars.

La Chine s’est donc retrouvée au centre de l’économie mondiale sans qu’on en mesure les conséquences. Tout incident affectant son économie aura des répercussions à la mesure de l’importance acquise par le pays. C’est ce que nous vivons aujourd’hui. Mais pour en évaluer les effets, encore faut-il comprendre les mécanismes qui ont permis à la Chine d’arriver là où elle est et la nature des inflexions décidées pour franchir une nouvelle étape. A cet égard, la France, qui n’a jamais été convaincu par la réussite chinoise au point de tomber souvent dans le déni, comme en témoigne, à quelques exceptions près comme le nucléaire et le luxe, la faible présence de nos entreprises, doit faire cet effort de compréhension pour anticiper les conséquences et tirer avantage des changements en cours.

La Chine ralentit. C’est à la fois indiscutable et sain. Aucun pays n’a jamais maintenu des taux de croissance aussi élevés durant près de quarante ans. C’est bien pourquoi il est inutile de s’alarmer et absurde de comparer des taux de croissance dans le temps. Une augmentation de la production chinoise de 5% aujourd’hui est trois fois plus importante, en valeur absolue, que l’augmentation de 9%, qui était courante il y a dix ans. Et c’est bien cela qui compte puisque c’est ce qui génère les échanges avec ses partenaires commerciaux.

L’économie chinoise change, et cela aussi est sain. Le modèle « low cost » où l’on faisait fabriquer des tee-shirts et des jouets en plastique pour la grande distribution en Europe et aux Etats-Unis disparait progressivement parce que les salariés chinois ont eu leur part du succès économique de leur pays, ce qui se reflète dans leurs salaires et parce que d’autre pays se sont engagé dans cette voie. La Chine réoriente donc son outil de production vers des biens à plus haute valeur ajoutée, les trains à grande vitesse, les équipements de communication et l’automobile par exemple. Et comme les universités chinoises forment des centaines de milliers d’ingénieurs chaque année, ils trouveront ainsi un emploi et iront grossir une classe moyenne dont le mode de vie s’aligne progressivement sur le nôtre, notamment en matière de consommation. Mutation de l’outil de production et évolution forcément lente de la demande intérieure, tels sont les changements en cours en Chine. Ils ont à l’évidence des conséquences sur la croissance de la production mais celles-ci doivent être relativisées. Le gouvernement soutient cette mutation, encourage même les salariés à prendre leurs vacances et leur suggère de ne plus travailler le vendredi après midi. En Chine, travailler moins semble être bon pour la croissance…

Sur les sept premiers mois de l’année, la production industrielle a cru de 6,3% et les investissements de 11,2%. C’est certes bien moins que sur la période correspondante de 2014, mais beaucoup de pays se contenteraient de taux de croissance trois fois moindre. A cet égard, le cas de l’automobile est révélateur. Le nombre de véhicules particuliers vendus est passé de 4 millions en 2005 à plus de vingt millions en 2014. Si en 2015, il stagne, le marché chinois restera le premier marché mondial, et ceci bien que de nombreuses villes aient  limité les immatriculations pour lutter contre les embouteillages et la pollution qui en résulte.

Alors pourquoi cette chute de la bourse et quelles en sont les conséquences ? Comme on l’a déjà expliqué ici-même, ce n’est pas la chute qui est anormale, c’est la hausse qui l’a précédée. L’indice de la bourse de Shanghai est passé de 2000 au début de l’année 2014 à plus de 5200 en juin 2015, avant de retomber aujourd’hui autour de 3100, soit une hausse tout de même de 55% en un an et demi. Les autorités chinoises se sont trouvées piégées par un conflit d’agenda. La hausse de 2014 était déjà excessive quand au mois de novembre, dans le cadre de la politique de libéralisation des transactions financières, un canal direct a été ouvert avec la bourse de Hong Kong, ce qui a amplifié la spéculation. Et comme les autorités de marché n’avaient aucune expérience des crises boursières, les décisions prises à chaud cet été ont eu l’effet inverse et amplifié le mouvement de baisse. Il semble que la leçon a été tiré et les interventions directes sur le marché mieux conduites.

Mais les conséquences économiques, n’en déplaise aux éternels Cassandre, seront très limitées. Pas plus que la hausse n’avait eu d’effet sur l’activité en 2014, la chute, qui aura sûrement ruiné plusieurs centaines de milliers de spéculateurs n’aura d’impact sur l’immense majorité des consommateurs chinois. Peut-être même cela les incitera-t-il à dépenser plutôt qu’à jouer. Un chiffre est révélateur : les casinos de Macao ont un chiffre d’affaires sept fois plus élevé que ceux de Las Vegas…

C’est dans ce contexte que Pékin a commis une seconde erreur, en pleine crise boursière, en réformant le mode de formation de son taux de change, toujours dans le but libéraliser ses transactions financières avec l’étranger pour que le Yuan acquière un jour le statut de monnaie de réserve, objectif prioritaire du gouvernement. Les commentaires qui ont accueilli en France cette décision témoignent des difficultés persistantes que nous avons à comprendre la Chine. En restant collé au dollar, la monnaie chinoise avait subi une réévaluation face aux devises asiatiques et européennes de 15 à 30%. Etait-ce approprié au moment où le pays s’engageait dans la voie difficile d’une réorientation de son économie ? Evidemment non. Et la situation risquait de s’aggraver avec la quasi- certitude, alors, d’un relèvement des taux d’intérêt américains en septembre qui aurait déclenché une nouvelle phase d’appréciation du dollar donc du yuan. En pleine crise boursière, Pékin, sans mesurer les conséquences de sa décision, décida cette réforme réclamée depuis des années, ce n’est pas le moindre des paradoxes, par le FMI et ses partenaires occidentaux. Elle fut mal comprise ce qui aggrava la situation. Nouveau conflit d’agenda.

Depuis, la situation sur le marché des changes, comme d’ailleurs sur les marchés financiers, s’est stabilisé : le yuan cote autour de 6,38 pour un dollar, soit une baisse de moins de 3% par rapport à son cours pivot avant la réforme. Parler en l’espèce de dévaluation est excessif et cette souplesse nouvelle introduite dans les relations entre la Chine et ses partenaires facilitera la transition vers une économie mieux insérée dans l’économie mondiale et recentrée vers la production et la consommation de biens et de services à plus forte valeur ajoutée. Telle sera la Chine nouvelle qui sortira de la crise de l’été 2015.

La France n’a pas su, à la différence de l’Allemagne, tirer profit  des « Trente Glorieuses chinoises » parce qu’en réalité, elle n’y a pas cru. Espérons que nos entreprises ne commettront pas une deuxième fois la même erreur, ne seront pas saisies par la peur ambiante et comprendront les opportunités que leur offre le nouveau modèle de croissance de la Chine.

Commentaires

  1. cosack 6 sep. 2015 01:04:55 #

    Ne faut il pas lire 2014 plutôt que 1994 ?
    Excellente synthèse de la situation chinoise, très claire et que tout bon investisseur ou entrepreneur se doit de comprendre.

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