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Le blog d'Alain Boublil

 

2005-2015 : en dix ans, tout a changé… ou presque

Souvenons-nous ! En 2005, le cours du baril de pétrole commence à rebondir, après être resté vingt ans entre 15 et 40 dollars. Quand il approche 50 dollars, on s’alarme et on parle  de pétrole cher. Les théoriciens du « peak oil » se font à nouveau entendre et annoncent l’épuisement prochain des ressources. Patrick Artus dans La Tribune prédit un baril à 300 $ en 2015 ! Jean Marie Chevallier lui répond, avec sagesse, qu’il est très difficile de faire des prévisions. Quelques semaines plus tôt, Alain Terzian, toujours dans la Tribune avait constaté avec raison l’évidence : le monde n’avait jamais eu autant de pétrole. Dix ans se sont écoulés depuis et la révolution des hydrocarbures non conventionnels est passée par là. La production a progressé de 20% et le prix du baril est retombé, après un pic au-delà de 140 dollars, autour de 60 dollars. On le juge aujourd’hui « bon marché ».  

Même histoire pour le dollar, mais en sens inverse. En 2005, ce qui inquiète, c’est le double déficit américain. Le déficit budgétaire a explosé après l’intervention en Irak et les « réformes fiscales » de l’administration Bush. Le déficit des paiements courants aussi. Il est financé par les pays excédentaires, au premier rang desquels figure –déjà- la Chine. Bernanke vient de succéder à Greenspan. Des deux côtés de l’Atlantique, l’inflation menace et l’heure est à la hausse des taux d’intérêt. Mais l’Europe les remonte plus vite que les Etats-Unis, ce qui ravit la Fed, dont la stratégie avouée est de réduire le déficit extérieur imputé à un dollar trop fort : l’euro remonte de 0,90 à 1,35 entre 1999 et 2005. Dix ans après, et alors que les déséquilibres extérieurs américains n’ont été que très partiellement comblés, on assiste au mouvement inverse : l’euro s’affaiblit sous l’effet des anticipations divergentes  des politiques des deux banques centrales, expansionniste cette fois dans la zone euro, plus restrictive, avec une perspective de hausse des taux aux Etats-Unis. Entre l’été 2014 et le printemps 2015, le dollar regagne tout le terrain qu’il avait perdu entre 2003 et 2005. L’euro fluctue aujourd’hui autour de 1,05$.

Changement aussi en Europe. En 2005, alors que Tony Blair s’apprête à passer la main et que, selon Le Monde, 350 000 Britanniques « ont quitté cette année-là leur île pour jouir d’une vie meilleure », « l’homme malade » c’est l’Allemagne, avec un chômage qui dépasse 11%, et un taux de croissance constamment inférieur à celui de la France depuis 1995, et ce, malgré les réformes qui coûteront au chancelier Schroeder son poste. Angela Merkel  à la tête de la CDU, remporte à la fin de l’année les élections et forme une grande coalition. Dix ans plus tard, tout a changé : l’« homme malade » de l’Europe, c’est désormais la France, avec une croissance inférieure à celle de l’Allemagne  et un taux de chômage double : 10%. Les rôles sont inversés. Entre-temps, l’Europe a connu une crise, avec le rejet du Traité constitutionnel par la France et la Hollande, et un échec avec l’Agenda de Lisbonne qui devait faire des économies européennes les plus compétitives du monde en 2010. En 2015, le bilan est encore plus cruel : touchée par la « double crise », celle des « subprimes » et celle de la zone euro, l’Europe peine à redémarrer, alors que les Etats-Unis sont repartis de l’avant et que la Chine poursuit sa route.

Si l’économie mondiale a été bouleversée, des constantes ont subsisté. D’abord le modèle américain, toujours autant sinon plus inégalitaire. Thomas Piketty a eu raison de le mettre en évidence dans son livre mais il n’a rien inventé. Il suffit de se reporter au Washington Post du 12 mars 2006 : on y lit qu’entre 1980 et 2004, le PIB par tête a cru des deux tiers mais que le salaire réel moyen a stagné. Mieux, le revenu après impôts des 20% les plus bas a cru de 8% alors que celui des 20% les mieux payés a augmenté de 59%. Même constat pour la richesse : la hausse des prix des logements a été plus que compensée par la montée de l’endettement des familles, ce qui commence à inquiéter les observateurs. Le Financial Times, le 19 avril 2005, signale que la pratique de la titrisation des crédits hypothécaires a atteint des proportions inconnues jusqu’à présent et que les risques ne sont pas maitrisés. On connait la suite : deux ans  plus tard éclatait la crise des sub-primes. On avait cru pouvoir compenser les inégalités croissantes de revenus en offrant des crédits à ceux qui étaient les plus fragiles. Le capitalisme génère peut-être les inégalités, comme le prétend Thomas Piketty. Mais l’essentiel n’est pas là. Vouloir compenser ce vice par le recours à l’endettement conduit le système à la crise.

Autre constante, n’en déplaise à tous ceux qui n’y avaient pas cru et qui, d’ailleurs n’y croient toujours pas, les performances de l’économie chinoise. En 2005, on prévoit qu’elle va bientôt se hisser à la quatrième place, devançant la France et le Royaume-Uni, toujours au coude-à- coude. La question pétrolière est déjà au centre des préoccupations et le roi d’Arabie saoudite, inquiet de voir l’Angola devenir un concurrent sérieux, n’hésite pas à faire le voyage de Pékin pour signer un « accord de coopération ». Quant aux relations avec le Japon, c’est toujours « l’amour –haine ». Partenaire économique majeur, le pays est vivement critiqué pour son refus de reconnaître ses torts pendant la guerre qui l’a opposé à son voisin. La visite par le Premier ministre Koizumi de la pagode Yasukuni déclenche la colère à Pékin, comme celle qu’effectuera dix ans plus tard son successeur, et ancien collaborateur, Shinzo Abe. Entre-temps, la Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale et la première puissance commerciale. Relançant leur économie avant tout le monde au mois de juillet 2008, anticipant ainsi la crise qui va éclater avec la faillite de Lehmann au mois de septembre, les dirigeants chinois ont maintenu leur pays sur une trajectoire qui devrait en faire la première économie mondiale avant 2025. Le ralentissement arithmétique observé depuis deux ans traduit une double évidence : une fois l’appareil de production et les grandes infrastructures réalisées, le contenu de la croissance s’oriente vers la satisfaction de la demande intérieure, à base, de plus en plus, de services. L’augmentation, en valeur absolue, de la production chinoise reste considérable, même si son taux se rapproche inexorablement de celui des pays développés. En tirer la conclusion que la crise menace la Chine, constitue une erreur profonde. Mais ce ne sera ni la première ni la dernière à propos de ce pays que, finalement, certains observateurs, surtout en France, d’ailleurs, n’arrivent toujours pas à comprendre. 

A la fin de l’année 2003, Martin Wolf, le chroniqueur économique du Financial Times commençait une série d’articles pour expliquer que l’Europe représentait le passé, les Etats-Unis, le présent et l’Asie dominée par la Chine, l’avenir. Malgré les bouleversements intervenus au cours de ces dix dernières années, cela, au moins, n'a pas changé.

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