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Le blog d'Alain Boublil

 

Chine: le tournant de 2014

La brusque poussée d'inquiétude des marchés financiers sur les perspectives des pays émergents intervenue ces derniers jours n'aura pas surpris les lecteurs du site. Dès l'été dernier, la "crise des Brics" avait été annoncée. Mais cette inquétude est-elle justifiée à propos de la Chine? Après un parcours exceptionnel de 35 ans, l'économie chinoise est-elle à la veille d'un "tournant" pour reprendre une expression à la mode?

La publication, jeudi, d'un indicateur élaboré par la banque HSBC, laisserait entendre que l'activité manufacturière, le moteur de la croissance chinoise, serait en train de se retourner et les publications officielles relatives à l'évolution du PIB, feraient état, d'une stagnation, autour de 7,5%, de la croissance de la production et non, bien sûr de la production elle-même comme en Europe. Aucune de ces deux informations ne nous permet de conclure à un ralentisement significatif. L'indice Markit ne s'est pas révélé très précis par le passé et tirer des conclusions à partir d'un chiffre de croissance qui serait de 7,6, 7,5 ou 7,2% n'a aucun sens, car le pays, pas plus que ses homologues occidentaux d'ailleurs, n'est capable de mesurer le niveau de sa production avec une telle précision.

Ces commentaires relèvent plus d'un '"effet de plume" que d'une appréciation rigoureuse. Surtout, quand on compare ce taux de croissance avec ceux observés par le passé pour en tirer des conclusions pessimistes, on oublie de rappeler que le niveau de la production chinoise doublant tous les cinq ans, un croissance de 7% en 2014 aura un impact sur l'économie mondiale supérieure à la croissance de 10% observée en 2010. La contribution de l'économie chinoise à la croissance et au commerce mondial s'accroîtra encore en 2014 et 2015.

Il n'y a donc aucune raison de s'alarmer, à condition, d'avoir compris que c'est la nature de la croissance qui est en train de changer. Car l'économie chinoise est à un tournant: elle passe d'un modèle où le moteur était la satisfaction des besoins de la Chine (infrastructures, industrie lourde, production d'énergie) à un modèle centré de plus en plus vers la satisfaction des  besoins des Chinois. A cet égard, les réformes annoncées par la nouvelle direction nous fournissent de précieuses indications.

La première et la plus spectaculaire est l'infléchissement de la politique de l'enfant unique, qui se traduira par une augmentation des naissances comprise chaque année entre 1,5 et deux millions et qui constituera un puissant soutien de la consommation des familles pendant longtemps. La seconde est une confirmation: le soutien de la politique d'urbanisation avec la libéralisation progressive des permis de résidence. L'Exposition Universelle de Shanghaï avait eu pour objet de présenter au peuple chinois les mérites de la civilisation urbaine. La confirmation de ce choix va provoquer un essor des services de proximité. Enfin les autorités vont engager une politique de transition et d'efficacité énergétiques de grande ampleur, avec le transfert du charbon vers le gaz naturel pour produire l'électricité et surtout la modernisation de l'appareil de production industriel. Pour la première fois, le prochain Plan, qui couvrira la période 2016-2020 devrait comporter des objectifs de réduction des émissions de CO2 en valeur absolue, et non, comme jusqu'à présent, par unité de production.

Les entreprises françaises feraient donc bien d'orienter leur offre et leurs efforts vers ces nouveaux marchés, plutôt, comme durant la première grande phase de l'expansion chinoise, de regarder passer le train. Un chiffre est cruel: les entreprises allemandes auront exporté en Chine en 2013, quatre fois plus que les entreprises françaises. Et une opportunité se présente: du fait de la tension croissante avec le Japon, des places sont à prendre, et pas seulement dans l'industrie automobile.

Le second facteur d'incertitude concerne les équilibres financiers du pays. Si la situation budgétaire est florissante et si les réserves de la Banque de Chine sont pléthoriques, les dettes privées comme celles des collectivités locales se sont brutalement accrues depuis cinq ans. Par analogie avec la crise des subprimes qui a frappé l'Occident à partir de 2007, certains observateurs redoutent des défaillances en chaîne au sein du système bancaire, une crise  de liquidités et un arrêt de la croissance. Ces craintes sont excessives car les autorités monétaires chinoises disposent des ressources et des procédures pour faire face à tout incident sérieux.

A la différence de ce qui s'est passé dans les pays développés, la Chine n'est pas tributaire de l'étranger en raison des excédents accumulés dans le passé, pour parer à d'éventels disfonctionnements. Et même si les échanges financiers se libéralisent progressivement avec l'extérieur, le marché chinois est encore relativement isolé, ce qui limite les conséquences d' incidents impliquant des institutions financières locales. L'hypothèses la plus plausible, c'est que ces incidents, quand ils surviendront, se règleront dans la discrétion, sinon dans le secret et resteront isolés, de façon à ne mettre en danger ni la croissance, ni la stratégie monétaire internationale qui veut faire, à terme, du Yuan, une monnaie de réserve.

L'internationalisation du Yuan est un projet mis en oeuvre avec autant de prudence que de  détermination depuis 2009 (voir sur le site le compte rendu de la conférence donnée en 2011 sous l'égide de l'Institut Turgot). La première étape qui consistait à favoriser l'utilisation du Yuan pour les opérations commerciales, a été franchie avec succès. Au bout de trois ans, 10 % des transactions avec l'étranger des entreprises opérant en Chine sont libellées en yuan. Et cette proportion croit très vite.

La seconde étape concerne les transactions financières. Pékin a entamé le processus de la même façon: des accords locaux de swaps de devises conclus avec des places financières, Hong Kong jouant un rôle central, mais étant suivi par Singapour et Taiwan. Londres et Francfort se sont ensuite manifesté pour avoir leur part du gâteau, et même Paris, qui avait pourtant pendant longtemps ignoré cet élément essentiel de la politique économique de la Chine, au point de placer l'internationalisation de la monnaie chinoise en tête de ses revendications !

Cette stratégie, qui s'accompagne d'une revalorisation progressive du Yuan (il devrait franchir le cap symboloqie des 6 yuans pour un dollar cette année) laquelle permet de réduire le coût des approvisionement en gaz et en pétrole du pays, est une priorité majeure des autorités chinoises. Elles ne laisseront certainement pas la révélation -probable- de dysfonctionnements de l'appareil bancaire ou de pratiques locales condamnables, la remettre en cause. Il lui suffira le moment venu de sanctionner les responsables et tout rentrera dans l'ordre.

L'année 2014 marquera donc une double inflexion du modèle chinois: redéploiement de la croissance vers les besoins intérieurs, accélération de l'ouverture du pays sur le plan financier. Mais ce tournant ne constitue pas une menace, au contraire pour la croissance mondiale. Il peut même contribuer à la rendre plus équilibrée. Aux entreprises françaises de le comprendre et d'en tirer profit.

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