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Le blog d'Alain Boublil

 

Transition énergétique : le mythe et les réalités

L’énergie est au centre des activités économiques d’un pays. Un coût excessif pénalise la production et une pénurie provoque l’arrêt d’installations avec la mise au chômage des salariés concernés. Elle a un rôle essentiel dans la vie quotidienne des habitants par son coût qui pèse sur le pouvoir d’achat et par sa disponibilité qui protège contre le froid et permet le fonctionnement de services public qui ont un caractère vital. C’est pourquoi l’indépendance énergétique et la sécurité des approvisionnements constituent un objectif dans la plupart des pays et ont conduit la France, dépourvue d’énergies fossiles à lancer durant les années 70 un vaste programme nucléaire et à le réaliser durant les années 80 et 90. Aujourd’hui ces priorités ont changé et ont fait place à la lutte contre l’émission de particules nocives pour la santé des populations avoisinantes et contre les  gaz à effet de serre qui constituent un facteur essentiel de réchauffement climatique à l’échelle de la planète. La France a pris conscience de ces enjeux à travers le Grenelle de l’Environnement, avec plusieurs textes relatifs à la transition énergétique et sa mobilisation en faveur de l’Accord de Paris sur le climat mais l’action menée jusqu’à présent s’est heurté aux réalités techniques et politiques.

La mesure la plus importante a été l’adoption d’un plan de réduction de la production nucléaire, ramenée à 50% de la production totale d’électricité en 2025, horizon repoussé récemment à 2030. Cette échéance est d’ailleurs tout aussi irréaliste que la précédente.  Ce n’est pas le moindre des paradoxes puisque cette technologie n’émet pas de gaz à effet de serre et permet à la France d’avoir un faible niveau d’émission par habitant et à ceux-ci de bénéficier d’une électricité à un prix bien plus bas que dans les pays voisins. C’est aussi un savoir-faire industriel mondialement reconnu qui a permis à la France d’accueillir le projet Iter de conception des réacteurs de la prochaine génération. Sa mise en oeuvre a permis de créer plusieurs milliers d’emplois très qualifiés.   

La sécurité de l’approvisionnement électrique est une réalité incontournable et peut s’apprécier au mois de janvier qui a 31 jours, dont un seul qui soit férié férié, un faible ensoleillement et une température hivernale. Dix ans après les premières annonces, on n’observe aucune modification significative dans la production nationale d’électricité et le niveau de sa consommation à ce moment crucial de l’année. En janvier 2009, la production a atteint environ 58 TWh, le nucléaire  contribuant pour 43 TWh, les centrales thermiques pour 8,4 TWh, nos barrages pour 6 TWh et les énergies éoliennes et solaires seulement 0,6 TWh. En 2019, les productions respectives étaient de 40,2 TWh, 7,4 TWh, 5TWh et 3,2 TWh. Les facteurs qui influent sur la structure  du mix électrique sont le taux de disponibilité des centrales nucléaires, le niveau des réserves des barrages et naturellement la température. Les centrales thermiques servent, avec les exportations à ajuster l’offre et la demande. En 2018, le solde des échanges d’électricité a rapporté à la France un excédent de près de 3 milliards d’euros. Enfin, malgré dix ans d’efforts et d’importantes subventions publiques, la production des énergies éoliennes et solaires est restée marginale en n’augmentant que de 2,6TWh. Il est irréaliste de penser qu’elles pourraient compenser la réduction envisagée de la production nucléaire à ce moment crucial de l’année.

L’autre enseignement est que dix ans après avoir fait de la réduction de la consommation d’énergie une priorité, et si on met de côté les aléas climatiques et conjoncturels, celle-ci a peu baissé. Pour l’électricité, même si les investissements dans les énergies renouvelables se poursuivent à un rythme élevé, la demande  ne pourra être satisfaite, si la production nucléaire est ramenée à 50%, que par une hausse de la production thermique au détriment des émissions de CO2. Le discours sur les effets positifs des économies d’énergie dans l’habitat, sur l’emploi et le pouvoir d’achat n’a pas été donné de résultats. L’Etat n’a pas su mettre en place un système efficace d’incitations car il a été confronté à la diversité des situations. Suivant que l’on est propriétaire ou locataire, que l’on vit dans un immeuble ou une maison individuelle, que l’on est soumis ou non à un régime de copropriété, la charge des travaux et leur financement est très différente. Un locataire ne va pas investir pour le profit de son propriétaire comme un propriétaire ne va pas faire des travaux dont son locataire va immédiatement bénéficier. Quant aux propriétaires âgés, ils n’ont aucun intérêt à se lancer dans des investissements à long terme. Enfin la limitation des aides en fonction des  revenus des foyers concernés a écarté ceux qui consomment le plus d’énergie et qui auraient pu être les mieux disposés à effectuer les travaux.

La contradiction entre les choix en faveur de l’environnement et ceux en faveur de la redistribution sociale s’est retrouvé dans le domaine du transport. Les incitations à changer de véhicule pour acquérir des voitures moins polluantes ou moins consommatrices de carburant ont été plafonnées en fonction des revenus. En revanche la brutalité des décisions concernant la taxation des carburants a déclenché des mouvements sociaux tels que l’Etat a dû reculer alors que la suppression des incitations passées en faveur du diesel contribuait à la réduction des pollutions en milieu urbain. Peu avant l’Etat avait décidé de libéraliser le déplacement par autocar en concurrence avec le train qui lui émet, surtout sur les longues distances, beaucoup moins de gaz à effet de serre et de particules nuisibles. Ce choix a pesé sur les marges des lignes rentables, au détriment de la SNCF qui est tentée de compenser cette baisse par la fermeture de liaisons moins rentables ou déficitaires, ce qui se traduira par de nouvelles tensions sociales et un regain du transport automobile avec les nuisances que cela génère. Enfin, les mesures affichées ou implicites en faveur des deux roues motorisées comme le parking gratuit et la tolérance dont leurs conducteurs bénéficient en matière d’infractions routières ont généré une forte augmentation des déplacements. Cela a certes contribué à la réduction des émissions mais cela s’est fait au détriment de la sécurité routière. Les deux roues génèrent proportionnellement vingt fois plus de morts et de blessés graves que les voitures.

La transition énergétique ne peut pas s’affranchir du principe de réalité et les effets d’annonce relatifs à des échéances lointaines ne constituent pas un substitut à une action cohérente. Sur la base des évolutions observées depuis dix ans, les réductions affichées de la production nucléaire sont irréalistes, sauf à relancer les centrales thermiques. Les nouvelles mobilités, comme on les nomme, sont plus une concurrence face aux transports en commun qu’une solution au problème des déplacements en ville. On ne peut non plus ignorer les choix des consommateurs qui préfèrent les SUV aux voitures électriques. L’absence totale de réflexion et de mesures concernant le transport routier de marchandises est incompréhensible. Au total, c’est la crédibilité de cette politique qui est en cause, sans pour autant que les incertitudes relatives à l’emploi causées par les mutations proposées, soient levées.

L’action en faveur de l’environnement ne peut se résumer à un discours dépourvu de tout lien avec la réalité technologique et avec les comportements des consommateurs et leurs contraintes financières. Sinon, l’Etat perdra sur tous les tableaux. Les objectifs en faveur de l’environnement ne seront pas atteints et le mécontentement de la population grandira. La crise que traverse la France nous en donne un avant-goût.                 

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