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Le blog d'Alain Boublil

 

0,70% : Taux d'intérêt à dix ans des OAT françaises

Au moment où la politique économique du gouvernement est violemment contestée, du fait de l’augmentation des taxes sur les ménages, de la hausse de la CSG pour les retraités et de la désindexation de toutes les prestations sociales y compris des retraites, les marchés financiers contredisent les prévisions du ministère de l’Economie. Le taux de référence des emprunts à dix ans que l’Etat émet pour refinancer sa dette quand elle vient à maturité et son déficit budgétaire reste à un niveau très faible, 0,70% au 3 décembre 2018. Il a oscillé entre 0,69 et 0,82 % durant le mois de novembre. Cette situation apporte un démenti cinglant aux propos alarmistes sur une inévitable remontée des taux d’intérêt et ses conséquences sur nos finances publiques, risques qui avaient été invoquées, entre autres, pour justifier l’accentuation de la politique d’austérité décidée l’an dernier.

La loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022, adoptée en décembre 2017, était basée sur l’hypothèse d’un taux à 10 ans à la fin de l’année 2018 de 1,85%, lequel devait ensuite passer à la fin de l’année suivante à 2,60% pour attendre 4% à la fin de l’année 2022. Ces prévisions étaient complètement irréalistes comme le montre le niveau observé aujourd’hui mais elles présentaient un double avantage. Elles alertaient sur les risques d’un endettement excessif et confortaient le discours sur la nécessaire rigueur budgétaire. Vis-à-vis de Bruxelles, elles permettaient, en majorant artificiellement le coût futur de la charge de la dette, de réduire, tout aussi artificiellement le solde primaire des finances publiques puisque celui-ci est obtenu en déduisant du déficit total la charge de la dette. La France respectait ainsi les règles imposées par le Traité de Maastricht.

En réalité, les taux d’intérêt réels, c'est-à-dire après déduction de la hausse des prix, n’ont pas augmenté mais ont très fortement baissé. En 2016, l’inflation était de 0,5% et le taux à 10 ans observé à la fin de cette année-là était de 0,45%. Le taux réel était donc voisin de zéro. Aujourd’hui, avec un taux de 0,70% et une inflation de 2,2%, suivant les derniers chiffres de l’INSEE à la fin du mois de novembre, le taux est désormais négatif de 1,5%. L’Etat en profite, puisqu’il est lourdement endetté mais il y a aussi des perdants : le gel des intérêts à 0,75% sur le livret A, par exemple va coûter près de 3 milliards d’euros cette année à leurs détenteurs, ce qui s’ajoute à toutes les pressions sur le pouvoir d’achat qui s’accumulent sur les ménages et qui sont à l’origine de la crise politique majeure que traverse la France.

Cette pratique, qui consiste à baser les prévisions budgétaires sur des évolutions de taux d’intérêt artificiellement surévaluées, et qui s’apparente à de la manipulation, rejoint une politique de gestion de la dette publique qui aboutit au même résultat : l’accumulation des primes d’émission. En émettant des obligations portant des taux supérieurs à celui du marché, l’Etat engrange la plus-value que lui paye le souscripteur en échange de l’avantage constitué par les taux anormalement élevés dont il va bénéficier durant toute la durée de l’obligation. Ainsi, au mois d’août 2018, l’Etat a émis pour 3 milliards d’obligations à 10 ans au taux de 5,50%. Les souscripteurs ont payé ces titres 149% de leur valeur nominale et l’Etat a encaissé une prime de près de 1,5 milliard d’euros. Deux émissions de même nature intervenues au mois de novembre ont rapporté au total 1,8 milliard. Une opération analogue, mais portant sur des sommes moins importantes est prévue cette semaine, avec l’émission d’une obligation à l’échéance 2023 portant un taux d’intérêt de 3,5% alors que le taux  offert par le marché est de 0,2% sur cette maturité. Au total, pour l’année 2018, le montant de ces primes dépassera 10 milliards. L’Etat renoue avec une pratique qui accroit les charges budgétaires futures puisqu'il va devoir payer ces intérêts très élevés, ce qui freine la baisse du coût de sa dette  qui aurait dû être constatée grâce aux taux d’intérêt très bas constatés ces dernières années sur les marchés financiers. En outre, le déficit de l’année en cours n’est pas réduit puisque les primes encaissées sont comptabilisées dans la trésorerie et n’intervienne pas dans le calcul du solde budgétaire. L’Etat est même doublement perdant puisque pendant toute l’année, conformément aux décisions annoncées par la Banque Centrale Européenne, il bénéficie de taux à court terme négatifs compris entre -0,5 et-0,7%. En réduisant ses besoins de trésorerie, il s’est privé de près d’un milliard, représentant ce que les souscripteurs de ces bons du Trésor lui auraient versé du fait des taux négatifs.

La Cour des Comptes à la fin de l’année 2016  avait dénoncé ces pratiques qui avaient atteint des sommets en 2015 et 2016 et elles avaient été fortement réduites. L’année 2018 marque un retour en arrière. La charge de la dette future baissera donc bien moins qu’elle ne devrait mais Bruxelles sera content puisque le solde primaire, du fait de ces manipulations comptables qui consistent à alourdir le montant des intérêts payés durant une année, lui, en sera amélioré. Est-ce pour autant que la situation des finances publiques de la France en sortira renforcée ? A l’évidence, non. Le plus surprenant est que ces pratiques passent complètement inaperçues et que le Parlement, dont la mission constitutionnelle est de garantir la sincérité des comptes publics s’en soucie bien peu.           

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