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Le blog d'Alain Boublil

 

Les chiffres décevants de l'économie française

La publication des chiffres du chômage en France au 3ème trimestre constitue une nouvelle déception. Le nombre des demandeurs d’emplois a atteint 3,72 millions, en hausse de 0,5% par rapport au trimestre précédent. Sur un an toutefois, on note une baisse de 1% mais ces faibles variations ne doivent pas détourner l’attention de l’essentiel. Le chômage reste en France très élevé avec un taux de 9% pour les inscrits à Pôle Emploi sans aucune activité et un taux bien supérieur si l’on intègre les salariés à temps partiel mais qui souhaiterait trouver un emploi à plein temps. Même si l’économie crée plus d’emplois que ces deux dernières années, elle n’en crée pas suffisamment pour faire baisser le chômage et offrir du travail aux jeunes qui se présentent pour en trouver.

Les statistiques d’embauche font apparaître une hausse significative des recrutements mais cela ne doit pas tromper car elles reflètent surtout la précarité croissante des emplois offerts. Si un salarié est embauché trois fois au cours de la même année, il est difficile d’en conclure que la situation du marché du travail s’améliore dans les mêmes proportions. La cause du mal est bien connue mais les responsables politiques semblent avoir des difficultés à l’admettre. Après un second semestre en 2017, où l’on avait espéré et cru que la France retrouvait une trajectoire de croissance satisfaisante, le coup d’arrêt observé au premier semestre 2018 avec une quasi-stagnation de l’activité a eu des conséquences immédiates sur l’emploi. La première estimation du PIB pour le 3ème trimestre, qui sera rendue publique le 30 octobre, devrait, suivant les observateurs officiels, marquer un léger mieux, mais cela ne sera pas suffisant pour placer l’économie française sur une tendance permettant d’atteindre l’objectif du gouvernement en matière d’emploi avec un taux de chômage ramené à 7% en 2022.

D’où peut venir la croissance ? Certainement pas du commerce extérieur qui apporte une contribution de plus en plus négative. La dégradation continue de nos échanges de biens depuis trois ans en témoigne. Le déficit est passé de 48 milliards en 2016 à 62 milliards en 2017. Rien que pour le premier semestre, il a atteint 33,3 milliards et il approchera cette année 70 milliards du fait de la hausse simultanée du dollar et du prix du pétrole. Le facteur le plus préoccupant concerne les produits manufacturés qui contribuent au déséquilibre de façon croissante. Les grandes entreprises françaises, et notamment l’automobile, ont choisi de délocaliser leur production, à la différence de leurs concurrents allemands et de réduire leur valeur ajoutée sur le territoire national. Les incitations fiscales et les baisses de charges couteuses pour les finances publiques ne les ont pas jusqu’à présent incités à changer de stratégie. Leurs ressources sont consacrées à des investissements immatériels (innovation, marketing) dont le résultat est par nature aléatoire, et non à la modernisation des équipements ou à la construction de nouvelles unités de production. Le taux d’investissement rapporté à la valeur ajoutée est trompeur car celle-ci est plus faible que chez nos concurrents. Les conclusions de plusieurs think-tanks qui se réjouissaient de ce résultat sont donc à prendre avec précaution.

Le secteur de la construction avait au contraire depuis plusieurs années joué un rôle positif dans le soutien de l’économie. Mais il est en phase de retournement. Les mises en chantier de logement stagnent depuis le début de l’année et les autorisations de construire, qui constituent un bon indicateur avancé de l’activité, connaissent un net recul depuis six mois (-5%). Quant aux investissements publics, ils subissent la pression des efforts du gouvernement pour rester en dessous des niveaux de déficit imposés par Bruxelles. Ils ne sont plus capables à eux seuls d’exercer une influence significative pour compenser l’atonie des autres secteurs.

Le comportement des ménages n’est pas plus rassurant. Les allègements fiscaux ont été concentrés sur ceux qui détiennent un patrimoine important constitué par des actifs financiers. Ils sont désormais exonérés d’imposition sur cette part de leur fortune et le taux d’imposition de leurs revenus a été abaissé. Mais ils ne sont pas assez nombreux et les sommes en jeu ne sont pas suffisantes pour soutenir la demande intérieure et la consommation. A l’inverse les retraités qui représentent plus de 15% de la population subissent une hausse de leurs prélèvements sociaux et une baisse, une fois déduite l’inflation, de leurs pensions, en 2018 et en 2019.

Quant aux salariés, après la stagnation de leur pouvoir d’achat ces dernières années et une légère amélioration en 2018, la hausse des prix de l’énergie et des tarifs publics fait peser sur eux une menace qui s’ajoute à la précarité croissante de l’emploi et à un marché du travail de plus en plus inquiétant. Les seuls vrais gagnants sont les accédants à la propriété qui bénéficient de faibles taux d’intérêt, du regain d’inflation qui réduit leur contribution réelle et de la reprise des prix de l’immobilier qui revalorise leur patrimoine. Mais cela concerne la très faible partie de la population disposant d'un niveau de revenu et d'une stabilité professionnelle qui lui permettent de s’endetter.

Un signal alarmant depuis la rentrée est donné par les retraits sur les livrets de caisse d’épargne, bien plus important qu’il y a un an et la chute de la collecte de l’assurance-vie. Cela illustre bien la forte pression qui s’exerce sur le pouvoir d’achat et le climat d’inquiétude qui commence à se développer dans la population. Il est entretenu par la ligne économique et sociale du gouvernement. Le pari de celui-ci est que l’adoption de « réformes structurelles » destinées à « transformer » l’économie française lui permettra de retrouver un bon rythme de croissance. Malheureusement toutes ces réformes ont pour objet ou pour conséquences de réduire les divers avantages dont bénéficient les salariés et les régimes de protection sociale. Il n’est donc pas surprenant qu’elles soient perçues comme une menace sur la situation personnelle de ceux qui sont visés, ce qui les incite encore plus à adopter un comportement économique frileux tout à fait contradictoire avec l’objectif d’un retour à la croissance et d’une réduction du chômage.

Les résultats économiques décevants de la France ne sont donc pas surprenants. Ils ont pour origine trois facteurs. L’environnement international est bien moins favorable qu’il y a un an. La reprise des cours du pétrole pèse sur le pouvoir d’achat et nos comptes extérieurs. L’ instabilité politique mondiale croissante inquiète et ne favorise pas les décisions d’investissement. En France, le choix qui ne date pas d’hier, de demander des efforts aux ménages et de faire reposer sur les entreprises la mission d’assurer le retour du dynamisme tout en leur en donnant les moyens n’a pas obtenu les résultats attendus. Les deux premiers facteurs ne dépendent pas de l’Etat. Le troisième, lui, est de son entière responsabilité. Cette politique n’a jamais donné de résultats convaincants, même quand l’environnement était porteur. Dans ce nouveau contexte, il se révèle encore plus inapproprié.

L’accumulation de mauvaises nouvelles dans les mois qui viennent, sauf surprise électorale aux Etats-Unis qui permettrait d’atténuer les inquiétudes sur la stabilité de l’économie mondiale, donne au gouvernement l’occasion d’infléchir non seulement sa politique mais aussi son discours. Il ne saurait y avoir de croissance et de réussite économique sans que ceux qui travaillent en profitent. Ce n’est pas seulement un objectif. Cela peut et doit devenir un moyen.

   

              

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