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Le blog d'Alain Boublil

 

Nucléaire : l'arrivée du printemps

L’industrie nucléaire fonctionne avec des cycles très longs, à la différence des autres activités économiques. Après vingt ans d’efforts, il apparut que les filières françaises ne répondaient pas aux attentes et le gouvernement Messmer, en 1974 mit en concurrence les deux leaders américains du secteur, General Electric et Westinghouse, le premier ayant choisi la technologie à l’eau bouillante et le second l’eau pressurisée. Ce dernier l’emporta et Framatome choisit ce modèle de réacteurs. Pendant les vingt années qui suivirent, le nucléaire connut alors un état de grâce. 58 réacteurs furent construits et sont toujours en service. Les ménages français  bénéficièrent de l’électricité la moins chère d’Europe, nos entreprises virent leurs coûts de production baisser et la France réduisit sa facture énergétique et ses émissions de CO2.

Cet « âge d’or » fut alors l’objet de critiques virulentes. On qualifia la France de « château d’eau nucléaire » de l’Europe, parce que notre pays alimentait ses voisins en électricité. S’ouvrit une nouvelle période de vingt cinq ans pendant laquelle le nucléaire traversa une crise profonde. Les capacités de production ne justifiaient pas la mise en chantier de nouveaux réacteurs. Mais la catastrophe de Tchernobyl avait incité l’industrie à concevoir des centrales dont la sécurité était protégée contre toute erreur humaine. Framatome et Siemens, alliés pour l’occasion, concevaient l’EPR, qui satisfaisait à cette contrainte. En même temps, pour réduire la quantité de déchets provenant du combustible après son utilisation, la France essayait de mettre au point le surgénérateur. Mais les tests révélèrent que sa conception présentait des défauts majeurs et le programme fut arrêté. Cette décision fut présentée comme une première victoire des opposants au nucléaire. Les craintes liées au réchauffement climatique n’étaient pas présentes et l’avantage procuré par la baisse des émissions de CO2, ne fut pas invoqué par les défenseurs de l’environnement,  

L’absence de nouvelles commandes plongea l’industrie dans la crise et incita les entreprises à se tourner vers l’étranger. Areva, né de la fusion entre le constructeur d’îlots nucléaire, Framatome et COGEMA qui fabriquait les combustibles, se porta candidat pour construire un EPR en Finlande. Malheureusement, l’entreprise n’était pas qualifiée pour tenir le rôle de l’ensemblier du projet, fonction assurée en France  dans le passé par EDF, et le client, TVO, apporté par Siemens qui était son fournisseur de longue date de turbines, pas davantage. Cette décision fut doublement malheureuse. Elle dissuada l’Etat  d’autoriser EDF à construire un EPR en France ce qui aggrava la perte de compétences due au départ en retraite des personnels qualifiés formés durant « l’âge d’or » et elle se traduisit par de lourdes pertes qui pèsent encore aujourd’hui sur l’image du nucléaire. Il faudra attendre 2007, quinze ans après la dernière commande passée en France pour que soit lancé Flamanville dont les retards et les surcoûts aujourd’hui sont la conséquence directe d’une aussi longue période d’inactivité.

Parallèlement, le débat sur le réchauffement climatique s’intensifiait et les solutions invoquées pour réduire les émissions de CO2 allaient de la recherche d’économies d’énergie dans les transports et l’habitat au développement des énergies renouvelables. Seulement les premières ne produisent d’effets significatifs que très lentement alors que l’urgence était déclaré et que les secondes sont par nature intermittentes et incapables d’assurer la sécurité des approvisionnements. Le point culminant de cette période sombre interviendra avec le vote d’une loi prévoyant à la fois le plafonnement des capacités de production nucléaire et la limitation « à l’horizon 2025 » de la part de la production d’électricité nucléaire à 50%. Personne n’osa alors demander ce qui se passerait si, pour une raison ou une autre, les autres capacités de production étaient incapables de fournir de l’électricité. Faudrait-il couper l’électricité aux français pour respecter la loi ? La nomination d’un ministre ayant qualifié le nucléaire de « folie » s’inscrivait dans cette logique mais son départ, largement dû au report « à l’horizon 2035 » de la règle des 50% marque la fin d’une ère.

L’industrie aussi est en plein renouveau. Comurhex 2, l’usine de transformation de l’uranium naturel d’Orano située à Tricastin démarre son activité. EDF a fait appel à une nouvelle technologie de retraitement du combustible et le premier EPR construit en Chine à Taishan vient d’être raccordé au réseau. Enfin et surtout, en France, la violence des attaques contre le nucléaire a cessé avec le départ de Nicolas Hulot et il est acté qu’une fois Flamanville opérationnel, une décision sera prise sur la construction des prochains réacteurs. C’est un virage à 180° qui marque la fin de « la fin du nucléaire ». Mais les éléments les plus nouveaux concernent le retour de la compétitivité du nucléaire et la preuve de son indispensable complémentarité avec les énergies renouvelables.

Après deux années difficiles, le taux de disponibilité du parc nucléaire français est remonté. Cela  a permis une hausse significative de la production au moment où des conditions climatiques particulières pénalisaient la production des parcs d’éoliennes en Allemagne et en France. La hausse des prix du KWh a été spectaculaire comme l’augmentation du solde exportateur d’électricité qui est passé d’un semestre à l’autre de 823 à 1324 millions d’euros. La vague de chaleur intervenue cet été devrait amplifier encore le rebond car si elle est favorable aux panneaux solaires, elle a pénalisé lourdement les éoliennes. En période de canicule, il n’y a pas de vent. Dans ce cas, l’alternative au nucléaire, ce sont les énergies fossiles, et notamment le lignite largement utilisé en Allemagne.

Mais la remontée du cours des crédits carbone, passés de 7 euros en moyenne en 2017 à près de 25 euros aujourd’hui, pénalisera les centrales à charbon et favorisera aussi les exportations françaises d’électricité. Alors apparaîtra l’évidence : la meilleure manière de respecter les engagements européens en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre sera bien de jouer sur la complémentarité entre le nucléaire et les énergies renouvelables. En France, en juillet, le parc éolien n’a produit qu’un seul TWh, soit 2,6% de la production d’électricité et 35% de moins qu’il y a un an. Le nucléaire était lui en hausse de 6% et notre solde exportateur, avec 6,2 TWh, en hausse de 37%, ce qui permit de compenser la défaillance des éoliennes.

Le débat sur la compétitivité du nucléaire est faussé de deux manières. On compare des équipements peu sophistiqués, dont la durée de vie est aléatoire avec un nouvel équipement complexe amortissable sur 60 ans. On oublie en outre que de toutes façons, il faudra bien se doter d’un tel équipement même s’il n’est pas en activité pour garantir comme au mois de juillet la sécurité de l’approvisionnement électrique. Il faudrait donc intégrer dans le calcul du prix offert par les énergies solaires et éoliennes, cette contrainte qui a un coût très élevé jusqu’à ce qu’on ait maîtrisé les techniques de stockage à très haut volume, ce qui n’est pas demain la veille.

Tout concourt à ce qu’après un long cycle de déboires, la confiance dans le nucléaire renaisse et offre à notre pays une énergie non émettrice de CO2, dont la technologie est maîtrisée par nos entreprises et qui contribue à réduire notre facture énergétique. Au moment où en France la croissance est faible, le chômage persistant à un haut niveau et le déficit commercial trop lourd, donner au renouveau du nucléaire toutes ses chances est une opportunité qui ne doit pas être négligée.

Environnement, que d’erreurs a-t-on commis en ton nom, de l’encouragement du diesel à l'organisation des embouteillages en passant par la tolérance vis-à-vis des centrales à charbon. Le temps n’est-il pas venu pour qu’on revienne à la raison ?