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Le blog d'Alain Boublil

 

La vraie transition énergétique

En France on fait des discours et on aime voter des lois. L’un des sujets favoris est l’évolution d’un secteur économique clé : la production et la consommation d’énergie. Il est au cœur du débat sur l’environnement et des menaces que font peser sur la planète les émissions de gaz à effet de serre. Mais c’est aussi un secteur clé pour le pouvoir d’achat et les performances des entreprises. Tous les ans, British Petroleum publie un rapport sur la production et la consommation mondiales d’énergie par sources et par pays. Cela permet aussi de mesurer les évolutions à moyen terme puisque le rapport fournit les chiffres sur les dix dernières années. La période 2007-2017 a été particulièrement intéressante. Elle commence avec la grande crise financière et l’économie mondiale connaîtra de profondes transformations avec le développement des technologies numériques et des hydrocarbures non conventionnels. C’est aussi durant cette période que les préoccupations relatives à l’environnement apparaissent au premier plan sur la scène internationale.

En ce qui concerne l’énergie, le point le plus marquant est l’envolée de la production américaine de pétrole grâce aux nouvelles techniques d’extraction. Elle a presque doublé pour atteindre 13 millions de barils par jour. Les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial avec une part du marché de 14,6% devant l’Arabie saoudite et la Russie. La production mondiale sur la période est passée de 82,3 à 92,6 mb/j, infirmant les analyses de ceux-qui croyaient qu’elle allait plafonner. La théorie du « peak-oil » a vécu. C’est ce phénomène qui a provoqué la chute des cours du pétrole en 2014 et 2015. Les pays exportateurs, réunis au sein de l’OPEP ont pensé que cette chute allait décourager les nouveaux producteurs américains. Il n’en a rien été car ceux-ci ont été en mesure de réduire leurs coûts et ont profité du fait que ces nouvelles techniques d’extraction étaient flexibles. Elles permettaient de s’adapter très vite aux changements du marché, à la différence, par exemple, des gisements off-shore.      

 L’administration américaine a soutenu ses entreprises en supprimant l’interdiction d’exporter qui datait du premier choc pétrolier et en facilitant la construction de nouveaux pipe-lines. Mais le pays reste un gros importateur car sa consommation, bien qu’elle stagne depuis dix ans, atteint 20 mb/j. Au total, l’arrivée du pétrole de schiste a réduit l’influence de l’OPEP et a permis dans une large mesure de satisfaire la hausse de la demande des pays émergents (Chine, Inde, Brésil) et de compenser l’épuisement des gisements, comme en mer du Nord, en Algérie ou au Mexique ou les conséquences des crises politiques comme en Lybie ou au Venezuela.          

La deuxième transformation concerne le marché du gaz, mais ses conséquences sont différentes. La production américaine est devenue la plus importante au monde (20%), devant celle de la Russie et du Moyen-Orient avec 18% chacun. Mais son développement est soumis à des contraintes techniques différentes. Le gaz se transporte plus difficilement que le pétrole et il a fallu prévoir des infrastructures et des installations de liquéfaction avec les navires capables de l’acheminer. La baisse des prix générée par ces nouvelles ressources a entrainé un nouvel arbitrage, dans la production d’électricité, au détriment du charbon dans les deux pays les plus gros consommateurs, aux Etats-Unis,  où le recours au charbon a baissé de 60%. En Chine, après des décennies de croissance, la consommation de charbon stagne depuis cinq ans. Le facteur- prix et l’abondance de la ressource n’ont pas été les seul facteurs : les autorités ont émis des règles bien plus strictes pour préserver la qualité de l’air autour des grandes agglomérations, ce qui a conduit à arrêter de nombreuses centrales à charbon. Parallèlement, avec l’urbanisation accélérée du pays, les logements construits étaient raccordés aux réseaux de distribution de gaz ce qui a réduit là aussi le recours au charbon et au bois pour les usages domestiques. La consommation de gaz naturel de la Chine a été multipliée par trois en dix ans et devraient atteindre rapidement 300 bnm3 quand les gazoducs en cours de construction en Sibérie et les nouveaux terminaux de GNL entreront en activité. Cette tendance est beaucoup moins nette dans les autres pays développés, et notamment en Europe où la consommation est stable, et en Inde où la croissance ne s’est pas portée sur le gaz naturel et reste concentrée sur le pétrole et le charbon.

Les chiffres publiés par BP relativisent beaucoup le rôle des autres sources d’énergie. La production nucléaire stagne. Le très lent redémarrage des centrales japonaises et les nouvelles installations en Chine ne suffisent pas à retrouver le niveau atteint avant la catastrophe de Fukushima. La production hydraulique est sur un pallier, après les grands travaux, notamment en Chine et au Brésil. Il n’apparait pas que de nouveaux sites puissent constituer un relais de croissance pour cette source d’énergie électrique. Enfin les énergies renouvelables sont en forte croissance : leur production a quadruplé en dix ans mais leur part dans le mix électrique reste encore faible par rapport aux sources traditionnelles, même si la baisse des coûts a été significative ces dernières années. La question de leur intermittence reste un obstacle majeur tant que les techniques de stockage ne permettront pas d’y parer. Au niveau mondial, elles s’approchent de l’énergie nucléaire mais ne représentent que la moitié de la production hydraulique et huit à neuf fois moins que chacune des énergies fossiles. Là aussi, c’est en Chine et aux Etats-Unis que la hausse a été la plus forte.

Au total, sur ces dix dernières années, la consommation d’énergie primaire n’a augmenté que de 16%, soit deux fois moins que la croissance économique. Mais cette évolution cache de très fortes disparités. Elle a baissé dans les pays développés, à l’exception de l’Allemagne, où elle a stagné et du Canada où elle a progressé de 8%. Mais elle a fortement augmenté dans les pays émergents et même en Australie (+10%) ou à Singapour (+50%). Cette situation se retrouve dans les émissions de CO2 avec des résultats surprenants. Le pays qui a contribué le plus à leur stabilisation, les Etats-Unis, est celui qui a dénoncé les Accords de Paris (-15% en dix ans). La Chine, qui est le plus gros émetteur avec 27% du total a réussi à stabiliser ses émissions depuis quatre ans. Les pays du Golfe, la Corée, l’Inde et le Brésil, au contraire, ont accru leurs émissions dans des proportions considérables. Enfin l’Allemagne, malgré son recours aux énergies renouvelables émet toujours par habitant deux fois plus de CO2 que la France, du fait de son entêtement à conserver des centrales au charbon.

Ces données statistiques, sur une période suffisamment longue pour que les résultats soient crédibles montrent qu’il y a loin entre le discours et la réalité. Le principal détracteur des Accords de Paris dirige le pays qui contribue le plus à leur respect. La dénonciation générale des énergies fossiles est contre-productive. La contribution des énergies renouvelables est marginale. La stabilisation des émissions observée depuis dix ans résulte d’un nouvel arbitrage au sein des énergies fossiles et certainement pas d’un abandon de celles-ci. Cette voie est parfaitement irréaliste quand on observe le monde tel qu’il est et tel qu’il évolue. C’est sur ces bases que se situera la vraie transition énergétique au niveau mondial.  

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