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Le blog d'Alain Boublil

 

La France et la crise italienne

L’accalmie intervenue sur les marchés financiers après la nomination du gouvernement italien ne doit pas faire illusion. La chute du gouvernement espagnol, même si elle n’a pas été provoquée par des désaccords sur les questions européennes peut créer de nouvelles tensions. Les premiers contacts entre ces nouveaux responsables et Bruxelles doivent être suivis avec attention. L’Europe est prise en étau entre une contestation interne qui gagne chaque jour en intensité et un environnement international hostile, marqué par les dernières décisions de l’administration Trump. Le projet est menacé. Ce n’est pas la première fois. La France n’a pas le choix. Son action sera déterminante pour aboutir à des solutions et sortir -ou pas- de la crise.

Le rejet du projet européen par le peuple italien est grave parce qu’il émane d’un pays fondateur et d’une des principales économies de la zone euro. Ce rejet ne résulte pas, comme en Grèce, d’une mauvaise gestion mais d’un ressentiment à l’égard de l’attitude de Bruxelles face aux difficultés que rencontre le pays. Du fait de sa situation géographique, l’Italie est devenu le premier pays d’accueil des migrants venus d’Afrique. L’Europe n’a jamais cherché à mettre en œuvre une politique africaine efficace pour favoriser le développement du continent et freiner ces migrations qui ont heurté les populations du sud de l’Italie. La Ligue du nord s’était constituée sur des bases différentes. La richesse créée par les entreprises dans les régions où elle rencontrait un fort soutien était directement liée aux bienfaits du marché unique européen qui leur permettait d’exporter dans toute la zone. Ses électeurs contestaient les transferts en direction des régions italiennes les plus pauvres. A l’inverse, les électeurs des régions du sud qui supportaient déjà la politique de rigueur imposée par Bruxelles ont été confrontés aux charges nouvelles causées par l’arrivée des migrants et ont dénoncé l’absence de solidarité européenne. Ces deux mouvements ont trouvé dans la critique de l’Europe un terrain de rapprochement alors que jusqu’à présent tout les opposait.

Pourtant, l’Italie, contrairement à ce qu’on lit souvent, ne va pas si mal que cela. C’est d’abord un pays plus riche que ce que laisse supposer l’évolution de son PIB. Plus de 60 % des italiens sont propriétaires de leur résidence principale contre à peine 40% des allemands. La croissance a été faible mais n’a pas empêché les entreprises italiennes d’être compétitives. En moyenne, depuis trois ans, le commerce extérieur connait un excédent de 45 milliards d’euros alors que notre pays, par exemple a un déficit de 70 milliards (en données caf-fob) et que la péninsule ne dispose pas de ressources significatives en énergies fossiles ou, à la différenec de la France, de centrales nucléaires qui permettraient de limiter leur recours et donc leur importation. Si le ratio d’endettement public italien est très supérieur avec 125% à celui de la moyenne de la zone euro, le déficit public, est inférieur à 3% depuis plusieurs années, à la différence là encore de la France. La stigmatisation de l’Italie par Bruxelles et par plusieurs Etats-membres de la zone euro est donc parfaitement injustifiée et n’a pas été étrangère au vote des Italiens.

Pour éviter que la crise s’envenime, la France va avoir un rôle déterminant. Elle peut suivre la tendance naturelle, s’appuyer sur la logique du « couple franco-allemand » et faire passer une sorte d’« entretien d’embauche » aux nouveaux dirigeants italiens et demain peut-être espagnols, ce qui ne fera qu’accroître la tension. Mais elle peut aussi s’inspirer de l’attitude de François Hollande au début de son mandat, en pleine crise de l’euro, ce qui a été bien peu remarqué à l’époque. Chaque fois qu’il rencontrait Angela Merkel, il voyait les chefs de gouvernement italiens et espagnols, quelques jours avant ou après, et même, à plusieurs reprises, le président de la BCE. Il suffit de consulter l’agenda présidentiel de cette époque, pour le constater. La Chancelière, consciemment ou non, eût alors le sentiment d’être isolée et n’osa pas s’opposer aux propositions de sauvetage de l’euro élaborées par la BCE, ce qui permit à Mario Draghi, au mois de juillet 2012, de déclarer qu’il « ferait tout ce qui fallait » pour sauver la monnaie unique. La crise était surmontée. Le président de la République ne peut pas l’avoir oublié puisqu’il était alors le principal conseiller économique de François Hollande..

A la différence de l’Italie, l’Allemagne ne va pas si bien qu’on le dit, notamment en France. Sa croissance se situe dans la moyenne européenne et sa situation favorable en matière d’emploi résulte surtout de sa faiblesse démographique. Elle ne la compense que partiellement par le recours aux travailleurs étrangers, ce qu’une bonne partie de l’électorat impute aux règles européennes pour les critiquer. La bonne santé du marché du travail provient aussi de ce que près de la moitié des femmes travaillent à temps partiel. La faiblesse des équipements sociaux rend très difficile d’être mère et de travailler à plein temps outre-Rhin. La situation des finances publiques, citée en exemple, l’excédent budgétaire et un endettement  plus bas que dans les autres pays, a comme contrepartie le vieillissement des infrastructures et la faiblesse des dépenses militaires. Le secteur privé n’est pas non plus sans faiblesses et la première banque du pays, la Deutsche Bank traverse une crise qui a provoqué la chute de son cours de bourse et sa dégradation par l’agence de notation Standard & Poor’s.

Le succès de l’Allemagne est en revanche, indiscutable sur le plan industriel. Il résulte des comportements des entreprises vis-à-vis de leurs salariés et de leurs fournisseurs et de leurs choix concernant la localisation de leurs activités. Ce succès se traduit par un excédent du commerce extérieur qui, par son ampleur, est devenu un facteur de tension avec les Etats-Unis. Les deux principaux postes du surplus commercial allemand, l’automobile et les équipements mécaniques sont les deux premiers postes du déficit américain, même s’ils n’en représentent qu’environ 20%. Cela suffit pour que l’administration américaine s’en prenne à l’Europe dans son ensemble, taxe les exportations d’acier et d’aluminium et menace d’aller plus loin, ce qui affectera des pays qui eux, ne contribuent pas de façon significative aux déséquilibres américains. Si l’on ajoute à tous ces facteurs, le faible engagement du gouvernement allemand dans la lutte contre les pratiques d’optimisation fiscale rendues possibles par les législations de pays comme la Hollande, le Luxembourg et l’Irlande, on comprend que la rigueur prêchée par Berlin irrite ses partenaires.

La France doit se poser en médiateur et expliquer à l’Allemagne qu’elle est le premier pays bénéficiaire du projet européen et que son attitude au contraire le fragilise. Sa crainte de devoir payer pour les autres n’est pas fondée. Son obsession à propos des comptes publics est excessive. Le pays est bien content d’avoir autant de clients dans les pays européens. S’il poursuit dans cette voie, il risque de les perdre. Paris doit aussi accueillir avec bienveillance les nouveaux dirigeants italiens et espagnols et s’employer à les réconcilier avec Bruxelles, au lieu de leur donner des leçons comme certains le suggèrent.  

L’Europe sera sauvée si elle sait se transformer. Il revient à la France d’en prendre l’initiative.  L’heure n’est plus à des réformes techniques ou même à la création d’un budget commun, qui correspond plus à la volonté de pouvoir des technocrates européens qu’à une réelle nécessité. Il est au rassemblement face à un monde hostile et à la solidarité entre les pays.         

Commentaires

  1. Hugo 7 juin 2018 11:35:36 #

    Merci, article bien étayé et qui permet de sortir des idées reçues avec un point de vue alternatif et réaliste.
    Vive AB2000 !

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