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Le blog d'Alain Boublil

 

France : L'échec de la politique de l'offre

La croissance de l’économie française au 1er trimestre 2018 est retombée à 0,3% contre 0,7% au trimestre précédent. L’acquis de croissance n’est que de 1,2% en ce début d’année. Cela signifie que si la France veut atteindre en 2018 le niveau de 2%  fixé dans le dernier Programme de stabilité remis à Bruxelles au mois d’avril, il faudrait que la  croissance chaque trimestre soit supérieure à 0,7% jusqu’à la fin de l’année, ce qui est loin d’être acquis. Ce résultat contredit les appréciations positives portées jusqu’à présent sur la politique économique du gouvernement. Elle se situe dans la continuité de celle qui a été menée durant le précédent quinquennat. Elle devait permettre à la France de retrouver une croissance solide et durable afin que le chômage recule de façon significative.

Comme à la fin de l’an dernier, et malgré des conditions climatiques difficiles qui ont contraint les ménages à augmenter leurs dépenses d’énergie, la croissance de la consommation est restée faible. Le pouvoir d’achat a stagné, et même reculé pour la majorité des retraités et les achats de produits alimentaires et de biens ont diminué. En revanche, les investissements en logement sont restés soutenus grâce à la persistance de taux d’intérêt à long terme très favorables et nombre d’accédants à la propriété ont encore pu renégocier leur prêts ce qui a réduit leurs charges de remboursement. L’embellie relative aux investissements des entreprises qui s’était manifestée durant tout le deuxième semestre de l’année 2017 n’a pas duré. La croissance n’aura été au premier trimestre que de 0,5%. Elle a chuté dans l’industrie (-0,9%) mais est restée soutenue dans les services, avec notamment la construction de bureaux et de grandes surfaces commerciales. Mais cela n’aura qu’un impact limité sur les capacités de production. Enfin, la contribution de nos échanges extérieurs à la croissance reste décevante bien qu’en léger progrès par rapport à 2017 où elle avait été nettement négative.

La politique économique suivie à partir de 2012 reposait sur un principe simple. En rétablissant les marges des entreprises, celles-ci allaient investir, améliorer leur compétitivité et contribuer au redressement de notre commerce extérieur ce qui leur permettrait enfin de créer des emplois. C’était la version modernisée du fameux théorème de Schmidt, le Chancelier allemand durant les années 70 : les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après demain. Le rétablissement des marges des entreprises, qui est indiscutable depuis trois ans a été obtenu grâce à la politique fiscale et à la réduction des charges qui pesaient sur elles. La baisse de l’impôt sur les sociétés, au travers notamment du CICE, a été considérable. Il avait rapporté 41,2 milliards en 2012. Le budget pour 2018 prévoit des recettes de 25,8 milliards. Sur les six exercices allant de 2013 à 2018, l’allègement fiscal aura représenté près de 100 milliards d’euros. Cette baisse de recettes a été plus que compensée par la hausse des prélèvements sur les ménages. En 2012, l’impôt sur le revenu avait rapporté environ 60 milliards et la TVA 133 milliards. En 2018, il est prévu que l’impôt rapporte 72,6 milliards et la TVA 154 milliards. L’alourdissement des impôts sur les ménages a permis de compenser les transferts en faveur des entreprises et de respecter enfin, en 2017 la règle européenne des 3%  de déficit public.

Seulement le résultat n’a pas correspondu aux attentes. La compétitivité des entreprises françaises, invoquée pour justifier ces transferts, n’a pas été significativement améliorée. Au contraire, le déficit commercial hors énergie n’a cessé de se creuser durant ces cinq dernières années au point que tout l’avantage tiré de la baisse des cours du pétrole, soit environ 30 milliards d’euros, est en passe d’être perdu. Le déficit total en 2017 a dépassé 62 milliards et retrouvé ainsi le niveau atteint en 2013. Non seulement les transferts dont ont bénéficié les entreprises n’ont pas eu l’effet escompté mais le commerce extérieur n’a pas davantage contribué à soutenir la croissance. Les tendances qui apparaissent en ce début d’année ne montrent, dans ce domaine, aucune inflexion significative.

Il n’est donc pas surprenant que les résultats en matière d’emploi aient été très décevants. Entre le 3ème trimestre 2012 et le 3ème trimestre 2017, le nombre de demandeurs d’emplois en catégorie A en France métropolitaine s’est accru de 560 000. La hausse s’est fortement ralentie durant la dernière année du mandat de François Hollande et sur les quatre derniers trimestres connus, on observe même une baisse de 48 000 demandeurs d’emplois, sur un total de 3,43 millions. Mais cette diminution est insignifiante par rapport au niveau du chômage qui demeure bien trop élevé. En outre, il est impossible de l’attribuer, comment certains voudraient le faire, aux effets de la politique économique suivie. A partir de l’année 2015, l’environnement économique s’est transformé sans que l’Etat y soit pour quelque chose. La chute des cours du pétrole a eu un effet bénéfique sur le pouvoir d’achat des ménages et a compensé en partie l’augmentation de la pression fiscale qui les frappait. La baisse durable et profonde des taux d’intérêt à long terme, à la suite des décisions de la Banque Centrale Européenne, a profité aux entreprises qui ont ainsi réduit leurs charges financières et aux familles qui ont recommencé à acheter leur logement, ce qui a eu un effet favorable sur le secteur de la construction. A cela s’ajoute un meilleur environnement international qui a soutenu nos exportations sans pour autant que nos entreprises en profitent pleinement. L’amélioration de la situation économique de la France en 2017 ne devait donc rien aux choix économiques effectués depuis 2013 et il n’est pas surprenant qu'elle n’ait été que de courte durée.

L’erreur commise, en pratiquant une politique de l’offre vient de ce qu’elle était incompatible avec la volonté de réduire en même temps les déficits publics. L’effort demandé aux ménages avec une pression continuelle sur les salaires et un alourdissement de leurs impôts a pesé trop fort sur la demande intérieure. La stagnation des débouchés n’a pas incité les entreprises à investir en France et les a poussées, avec les nouvelles ressources dont elles disposaient à se développer à l’étranger ou à mieux rémunérer leurs actionnaires. La politique conduite aujourd’hui ne corrige pas ces faiblesses. Les avantages fiscaux consentis aux actionnaires vont certainement dans la bonne direction puisqu’une économie efficace a besoin d’entreprises dotées de fonds propres suffisants. Inciter les français à diriger leur épargne vers elles aura des effets positifs à long terme. Mais cela ne répond pas à l’insuffisance de la demande intérieure, nécessaire pour faire repartir la croissance et pour qu’enfin le chômage recule vraiment. En outre, les réformes engagées ont pour effet d’accroître la précarité des salariés. Cela ne contribue pas à rétablir leur confiance dans l’avenir.

Après la crise de 1929, le président américain pratiqua une politique de l’offre, en pensant rétablir la croissance et le pays s’enfonça dans la crise. Il fallut attendre 1933, et l’élection d’un nouveau président pour que celui-ci, s’inspirant des travaux d’un économiste, Keynes, relance la demande intérieure et permette à son pays de sortir enfin de la plus profonde récession de son histoire. La France n’a jamais connu une aussi longue période de stagnation, et malgré le rebond observé en 2017, les chiffres du premier trimestre montre que le pays n’en est pas encore sorti. Le problème, c’est qu’on ne voit pas apparaître un nouveau Roosevelt. 

 

 

 

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