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Le blog d'Alain Boublil

 

0.98% : taux du dernier emprunt à 10 ans de la France

L’Etat a émis, le 1er février, une nouvelle tranche d’emprunt à 10 ans. Le taux obtenu, 0,98%, a frôlé la barre symbolique de 1%, alors que depuis le début de l’année, comme lors des mois précédents, il était resté entre 0,50 et 0,75%. Ce mouvement n’est pas isolé. L’accélération de la croissance aux Etats-Unis laisse entrevoir une politique plus restrictive de la FED.  Les taux américains pour cette échéance dépassent 2,7%. La tendance est la même au Royaume-Uni, mais pour des raisons différente. La dévaluation, consécutive au Brexit a renchéri les importations et déclenché un début d’inflation, ce qui a contraint la banque d’Angleterre à relever ses taux d’intérêt alors que la croissance a plutôt tendance à ralentir, à la différence de ce que l’on observe en Europe. Mais les taux restent dans ces deux pays largement supérieurs à ceux de la zone euro, où l’on note en plus un resserrement de l’écart entre les conditions de financement des différents pays. La France en profite. Le spread avec l’Allemagne est maintenant inférieur aux trente points de base traditionnels, ce qui témoigne du regain de confiance dont jouit notre pays sur les marchés financiers. Cela reflète aussi le niveau élevé du taux d’épargne financière des ménages, qui, au travers de leurs contrats d’assurance-vie figurent parmi les principaux détenteurs de la dette publique française.

Ce nouveau contexte préfigure-t-il une remontée des taux d’intérêt au niveau que l’on connaissait avant la crise financière ? Cela constitue-t-il une menace pour la France du fait de son endettement élevé ? La réponse à ces deux questions est non. Déjà, il y a un an le taux à dix ans avait dépassé 1% et était vite retombé quand avait été confirmé le maintien jusqu’en 2018 des achats de dette publique de la BCE. Cette politique n’est pas éternelle mais il est peu probable que lors de sa prochaine réunion en mars, on assiste à un durcissement. Deux options sont possibles. Mario Draghi peut confirmer que la fin des achats aura lieu à la fin du mois de septembre mais il accompagnera son annonce d’un discours très accommodant pour que les marchés n’interprètent pas cette décision comme un signal vers une politique restrictive, laquelle provoquerait instantanément une hausse de l’euro dont personne ne veut en Europe. Mario Draghi peut aussi laisser planer le doute sur la sortie du « quantitative easing ». Dans ce cas, on assistera à une détente sur les taux d’intérêt et sur l’euro.

De toutes façons, l’objectif d’une inflation proche mais inférieure à 2% est loin d’être atteint. La mondialisation exerce une pression constante sur les prix par la concurrence qu’elle engendre sur les biens et même sur les services. L’innovation, dont les effets se propagent rapidement d’un pays à l’autre grâce là encore à la mondialisation, y contribue aussi, avec, par exemple, pour les énergies fossiles la révolution du gaz de schiste. Les nouvelles technologies  raccourcissent les réseaux de distribution ce qui permet d’offrir au consommateur des prestations à des prix toujours plus bas. Ces facteurs structurels sont puissants et on n’imagine pas que leurs effets disparaissent dans un avenir proche. La probabilité d’une remontée significative des taux est donc extrêmement faible.

Mais même si une remontée des taux devait survenir, l’impact sur la charge de la dette en France et donc sur la situation des finances publiques serait très lent à se faire sentir. Elle n’aurait aucune conséquence dans l’immédiat car notre dette est émise à taux fixe. Ce que nous payons, ce sont les intérêts versés au titre des emprunts passés. Tant que les taux à long terme ne seront pas supérieurs pendant plusieurs années de suite au taux d’intérêt moyen que l’Etat verse à ses créanciers, qui est d’environ de 2,25%, la charge n’augmentera pas et même au contraire continuera de baisser. Les intérêts payés en 2017 ont été de 38,9 milliards et seront de 37,7 milliards en 2018 selon les chiffres de l’Agence France Trésor. La baisse a été d’environ un milliard chaque année depuis trois ans. et la tendance aurait été plus marquée si l’Etat n’avait pas émis en 2015 et en 2016 des emprunts à des taux supérieurs à ceux du marché pour encaisser des primes d’émissions afin de réduire ses besoins de trésorerie. Le budget de l’Etat a perdu sur tous les tableaux. Les primes ne rentrent pas dans le calcul du déficit. La baisse des besoins en trésorerie l’a privé du bénéfice des taux négatifs à court terme offerts par la BCE et ces émissions générent des charges accrues pour les exercices suivants. En 2017, la pratique, malgré les observations de la Cour des Comptes, n’a pas été abandonnée et a représenté encore près de dix milliards au lieu du double les deux années précédentes.

Mais la stratégie d’émission a ausssi comporté un élément positif. La durée moyenne de la dette à moyen et long terme de l’Etat a été d’accrue d’environ une année et est maintenant proche de huit ans. Cela aussi contribuera à alléger les charges futures puisque toutes les émissions récentes sur des maturités inférieures à cette durée ont comporté des taux négatifs ou voisins de zéro. L’ère de l’argent gratuit n’est donc pas révolue.

Le discours alarmistes sur les conséquences d’une remontée des taux d’intérêt est excessif à un double titre. La probabilité que cela survienne est très faible, même s’il peut y avoir des soubresauts sur les marchés financiers. Et si cela devait se produire, l’amortissement, année après année des emprunts émis dans le passé avec des taux très élevés, fera baisser pendant encore longtemps la charge de la dette pour les contribuables. Ce n’est bien sûr pas une raison pour relâcher les efforts en faveur d’une meilleure gestion des dépenses publiques.