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Le blog d'Alain Boublil

 

Le Brexit français

La décision britannique, approuvée par un référendum, de sortir de l’Union européenne, le Brexit, est devenue une référence en matière d’erreur commise par un peuple et il commence à en payer les conséquences. La croissance s’est ralentie, la monnaie a été dévaluée de 13% et les déficits intérieurs et extérieurs se sont aggravés. Ce n’est qu’un début car le Royaume-Uni fait toujours partie de l’Union et cela au moins jusqu’en 2019. Mais les anticipations négatives feront bientôt place aux décisions négatives : les entreprises investiront moins et certaines quitteront même le territoire. Dans quelques années le peuple britannique paiera les lourdes conséquences de son choix. On ne peut pas, tout seul, aller à l’encontre des transformations profondes et irréversibles du monde qui, année après année, s'ouvre. Les peuples, comme les biens et les services, deviennent de plus en plus mobiles. Se réfugier derrière des frontières, même quand on est une île, perd chaque jour davantage de sens. C’est ce que le peuple britannique, à une courte majorité, n’a pas compris.

La décision relative à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes n’a pas la même portée bien sûr mais relève de la même logique : le déni. Le déni du progrès technique, le déni de la volonté de se déplacer dans de bonnes conditions, le déni de la modernité. Si ce projet a vu le jour, c’est bien parce que l’aéroport actuel avait une piste trop courte pour les avions à long rayon d’action. Son objectif était de permettre aux habitants de la région de voyager dans le monde entier sans être obligés de passer par Paris. Et plutôt que d’aggraver les nuisances d’une agglomération de 300 000 habitants, il a, à l’époque, été choisi d’occuper des terres agricoles dans une zone peu habitée et surtout mieux située.

Dans ce débat, le plus surprenant, c’est qu’à aucun moment n’a été posé la question de l’intérêt géographique de l’implantation projetée. L’aéroport actuel est situé au sud de la ville. On comprend que les élus vendéens soient favorables à son maintien. Mais le développement de l’activité économique et touristique se situe au nord de la Loire. C’est l’une des rares zones en France de renouveau industriel avec le chantier de Saint-Nazaire, l’aéronautique et des milliers de sous-traitants. Ce n’est pas incompatible avec la fréquentation touristique croissante du vaste espace allant de la baie de La Baule jusqu’à l’estuaire de La Vilaine et même jusqu’au sud du Morbihan. Le déplacement de l’aéroport ne faisait pas seulement disparaître les nuisances liées au trafic aérien et aux embouteillages dans l’agglomération nantaise. Son nouveau site permettait de réduire les temps de trajet pour toute cette zone de près d’une heure. Quant à l’allongement de la piste actuelle, c’est bien sûr une chimère puisqu’on ne voit pas pourquoi les habitants et les autorités locales ne s’opposeraient pas au projet avec la même vigueur que celle qui a animé les « Zadistes » et devant laquelle l’Etat s’est incliné. De lourdes procédures seront nécessaires et les travaux relatifs à l’allongement de la piste ne sont pas près de commencer, à supposer qu’ils commencent un jour.

Le plus grave, c’est que cette décision, qui n’est pas isolée, contribue de façon spectaculaire à la remise en cause de ce qui a fait le succès économique et technologique et la modernité de la France, n’en déplaise aux déclinistes. Nous avons pris la fâcheuse habitude de nous attaquer à tout ce qui marche dans notre pays et à ce que, d’une certaine façon, nos concurrents nous envient. Ils s’emploient même parfois à nous forcer à nous en priver. Il ne faut pas être naïf. La contestation de Fessenheim est venue d’Allemagne où les Verts locaux ne supportaient pas que le centrale alimente le réseau allemand et fasse ainsi concurrence à leurs centrales à charbon. L’âge des deux réacteurs, présentés comme « les plus vieux » de France n’a aucune portée puisque ceux-ci, comme les autres, font l’objet des vérifications minutieuses de l’Autorité de Sûreté Nucléaire et les investissements sont réalisés lorsque des besoins ont été identifiés. Ce critère n’est pas plus convainquant que l’existence d’un risque sismique dans la région. La cathédrale de Strasbourg a été construite il y a presque 1000 ans et personne ne songe à évacuer la zone alentour. La décision de l’Etat pourrait d’ailleurs être contestée car la centrale appartient à une société de droit privé, cotée en bourse, EDF, à qui on ne semble pas avoir laissé la possibilité de choisir le site qu’il conviendrait de fermer pour respecter le plafond de capacités de production fixé dans la loi.

Le procès du TGV et des grandes infrastructures auxquelles il faudrait renoncer est tout aussi inquiétant. Le prétexte a été offert par les multiples pannes intervenues dans les grandes gares parisiennes depuis un an. Elles résulteraient d’investissements insuffisants dans l’entretien du réseau. C’est vraisemblable mais cela n’a pas pour origine la construction des lignes à grande vitesse, réclamées à cor et à cri dans toute la France par les élus toutes tendances confondues. Ces défaillances résultent d’une erreur de la direction de la SNCF qui a mal identifié les risques et n’a pas procédé aux travaux nécessaires. Les sommes en jeu étaient sans commune mesure avec celles nécessitées par la construction de nouvelles lignes, lesquelles font souvent l’objet d’une concession avec un opérateur privé qui en assure le financement.

La critique du progrès et de la modernité qui est sous-jacente dans la dénonciation du nucléaire et des grandes infrastructures et qui a abouti à l’abandon du projet du nouvel aéroport a toujours existé mais n’avait, jusqu’à présent, jamais débouché sur des décisions significatives. Une partie de la gauche, en 1981, était hostile au nucléaire et proposait la relance de la production charbonnière. Elle n’obtint pas gain de cause et la France réduisit ainsi ses émissions de CO2 et ses importations d’énergies fossiles tout en créant des dizaines de milliers d’emplois qualifiés et en garantissant aux français l’électricité la moins chère d’Europe. En même temps furent construits le tunnel sous la Manche et les grandes liaisons ferroviaires qui desservent les trois quarts du pays.

Ce qui est grave, dans la décision du gouvernement, c’est qu’elle accrédite le fait que cela ne sera plus possible dans l’avenir. Ces progrès n’en furent pas, aux dires de certains. Les opposants seront encouragés à bloquer toute tentative de poursuivre dans cette voie. Il ne faut pas se tromper. Si le choix du gouvernement relève du déni, il ne comporte pas de décision pour répondre aux questions posées dans les territoires concernés. Aucune solution alternative et crédible à la desserte aérienne de l’Ouest de la France n’est apportée puisque l’extension des capacités du site actuelle rencontrera les mêmes obstacles que ceux rencontrés à Notre-Dame des Landes. Quant à l’évacuation de la « ZAD », elle reste théorique ce qui renforcera la détermination de ceux qui, partout en France, ont décidé de bloquer tout projet important.

Le choix du gouvernement va bien au-delà d’une question d’aménagement du territoire. C’est un refus à la fois symbolique et lourd de conséquences à long terme. Si la France rompt avec son passé, avec le « vieux monde » ou avec la « vieille politique » comme le disent certains, et renonce à notre tradition de modernité et de progrès, les français en paieront longtemps les lourdes conséquences, comme les Anglais quand ils ont décidé de quitter l’Union Européenne.