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Le blog d'Alain Boublil

 

Comment va la Chine ? (suite)

Le 18 octobre s’ouvrira à Pékin le XIXème Congrès du Parti communiste chinois, appelé à désigner les dirigeants du pays. Sans surprise, le président Xi Jinping verra son mandat renouvelé pour cinq autres années et la direction du parti constituée par ses soutiens fidèles. La stabilité politique de la Chine est donc assurée, ce qui dans un monde volatile est un atout. Le scepticisme souvent manifesté en France sur les capacités du pays à se transformer et les nombreuses prédictions relatives aux risques financiers auxquels il serait confronté ont été infirmés jusqu’à présent, même si les derniers chiffres publiés sur l'activité en août ont été légèrement moins bons qu'attendus. Il est vrai que l’échéance politique de l’automne incitait les autorités à une vigilance accrue mais force est de constater que les résultats de l’économie chinoise jusqu’à présent et les progrès accomplis dans la réorientation de son modèle de croissance sont convaincants.

Avec une croissance de 6,7 et 6,9% aux deux premiers trimestres, l’économie chinoise atteindra facilement son objectif de 6,5% pour l’année. Son rythme est trois fois plus élevé qu’aux Etats-Unis et quatre fois plus que dans la zone euro. Depuis le 4ème trimestre 2008, en moyenne annuelle, la croissance chinoise a atteint 8,2% quand la croissance américaine et celle de la zone euro ont été respectivement de 1,4% et 0,4%. En même temps, plusieurs virages structurels ont été opérés qui visent à adapter le pays à ses contraintes intérieures et à son environnement économique international.

La transformation de l’appareil productif est en cours avec des réductions de capacités dans l’industrie lourde, la mobilisation des entreprises en faveur des nouvelles technologies et le développement des activités de services pour satisfaire la demande des consommateurs chinois dont le niveau de vie s’est fortement accru. Le modèle « Chine, usine du monde » avec des entreprises sous-traitantes des grands groupes des pays développés est en voie d’abandon. L’augmentation du niveau des salaires rend la main d’œuvre chinoise moins attractive et l’élévation spectaculaire du niveau de qualification en une génération, ouvre de nouvelles opportunités. Le deuxième volet de la mutation structurelle du pays est la prise en compte des contraintes liées à l’environnement. Le soutien apporté à l’Accord de Paris ne s’inscrit pas seulement dans une logique géopolitique visant à s’affirmer sur la scène internationale mais répond aussi à des considérations internes, avec la pollution croissante qui frappe les grandes villes chinoises. Des décisions majeures de politique énergétique ont été prises: développement des énergies renouvelables et substitution du gaz naturel au charbon pour produire de l’électricité. Le pays suit la voie tracée par les Etats-Unis dans l’extraction du gaz de schiste dont la production devrait atteindre 10 milliards de m3 en 2017.

Troisième mutation, l’insertion de la Chine dans l’économie mondiale fait l’objet d’une intense mobilisation diplomatique et financière. L’époque des excédents commerciaux massifs et augmentant chaque année est révolue du fait de la réorientation du modèle de croissance. La balance commerciale restera largement excédentaire. On prévoit 460 milliards de dollars cette année, loin du record atteint en 2015 avec 590 milliards, mais les importations croissent désormais plus vite que les exportations : +22,5% depuis le début de l’année par rapport à la même période de l’an passé contre seulement + 13% pour les exportations. La balance des services est, elle, déficitaire d’une centaine de milliards. L’excédent des paiements courants reste donc considérable et continue d’alimenter les réserves de change du pays qui se maintiennent au dessus de 3000 milliards de dollars. La stratégie internationale de la Chine a donc pris un tournant avec la « Belt and Road Initiative » qui prend ses racines dans l’histoire  avec pour modèle, la Route de la Soie. En finançant la construction d’infrastructures reliant le pays à ses voisins pour accélérer leur développement et faciliter l’acheminement de ses produits dans le monde, Pékin gagne sur tous les tableaux : ses entreprises réalisent les travaux, les pays voisins vont devenir des clients et le commerce extérieur chinois en profite.  Le projet déborde les frontières terrestres puisqu’il concerne désormais l’Afrique et même l’Amérique du sud. Il ne s’agit, ni plus ni moins que de reconstituer l’Empire du Milieu en faisant de l’économie chinoise le centre de gravité des échanges mondiaux.

Ce rôle accru du pays s’accompagne de la poursuite de la stratégie d’internationalisation de sa monnaie, qui a été consacrée par le FMI l'an dernier, et de la libéralisation de ses marchés financiers, avec notamment l’inclusion de titres de sociétés chinoises dans les grands indices internationaux. Les investissements des entreprises chinoises à l’étranger ont profité de ce nouveau cadre et atteint en 2016 un record avec plus de 100 milliards de dollars, se situant au deuxième rang après les Etats-Unis. Tout ceci ne s’est pas fait sans heurts. Durant l’été 2015, les déclarations mal interprétées du gouverneur de la banque centrale chinoise provoquèrent une chute du yuan et un krach boursier qui faisait suite à une envolée des cours semblable à ce que les marchés américains avaient connu avec la « bulle internet ». Durant toute l’année 2016, les particuliers qui en avaient désormais la possibilité sous certaines limites diversifièrent leurs avoirs pour se protéger contre une chute éventuelle de leur monnaie, ce qui provoqua la baisse du niveau des réserves en devises du pays. De nombreux observateurs crurent alors que leurs prédictions allaient se réaliser et « le risque chinois » se matérialiser. Le mouvement s’est arrêté de lui-même cette année car c’est le dollar à partir du printemps  qui a commencé à s’affaiblir, les marchés financiers ne croyant plus à la « reprise Trump ». Les grandes entreprises chinoises privées se sont fait aussi rappeler à l’ordre par le pouvoir politique et la vague d’acquisitions à l’étranger s’est calmée. Pendant des années, la Chine a été accusée, notamment par les Etats-Unis, de manipuler sa monnaie en la dépréciant pour conquérir des parts de marché au détriment des autres pays. Pékin est aujourd’hui confronté à la situation inverse et doit freiner la hausse du Yuan.

L’endettement intérieur élevé du pays constitue-t-il une menace systémique comme on le lit parfois ? Il résulte de l’action lancée à l’été 2008 pour faire face à la crise financière dont les autorités du pays avaient mesuré l’importance bien avant les gouvernements occidentaux. Elle pèse sur les collectivités locales, de nombreuses entreprises publiques et sur des opérateurs privés, en particulier dans l’immobilier, qui ont procédé à des montages complexes pour en dissimuler l’ampleur. Mais à la différence de ce qui est arrivé lors de la dernière crise financière aux Etats-Unis et en Europe, cet endettement n’a été financé que par des prêteurs chinois. Les banques, et au dessus d’elles la banque centrale, disposent de ressources largement suffisantes pour faire face à des défauts de paiements. Cela provoquera dans certains secteurs des baisses temporaires d’activité. Mais leur ampleur ne sera pas suffisante pour affaiblir durablement la croissance et engendrer des troubles sociaux provoqués par ceux qui auraient perdu leur emploi. Cela ne menacera pas davantage  la position extérieure du pays qui est un créancier du reste du monde et non un débiteur comme les Etats-Unis ou le Royaume-Uni par exemple.

Il est de bon ton, comme vient de le faire le FMI, d’attirer l’attention sur les risques financiers qu’un excès d’endettement peut faire courir aux agents économiques chinois. Mais en conclure contre l’évidence, que le modèle économique chinois est en péril et que son écroulement est proche alors qu’il progresse dans sa transformation n’a pas grand sens.

                  

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