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Le blog d'Alain Boublil

 

Dettes : vers le prochaine crise ?

L’agence de notation Moody’s a abaissé la semaine dernière la note de la dette souveraine de la Chine. Elle se fait ainsi l’écho des multiples alertes relatives à l’endettement jugé excessif des collectivités locales et des entreprises publiques. A l’inverse, l’Etat a un ratio de 48% du PIB qui ferait rêver bien des pays. Cette décision n’a pas provoqué d’inquiétudes sur les marchés. Les bourses de Shanghai, de Taiwan et surtout de Hong Kong ont poursuivi leur ascension, avec, pour cette dernière une hausse de 16 % depuis le début de l’année. Le risque chinois est en réalité surestimé et ce n’est pas nouveau. Le pays a un excédent de sa balance des paiements considérable et des réserves en devises dépassant 3000 milliards de dollars. En cas de difficultés, il suffirait à la Banque centrale de venir au secours des entités en difficultés puisqu’elles ne dépendent que marginalement de créanciers extérieurs, à la différence des pays anglo-saxons et dans une moindre mesure de la France. En Asie, la Chine n’est pas le seul pays qui inquiète avec ses « zombies » compagnies, surnommée ainsi à cause de leur endettement. La Corée du sud, autrefois modèle de compétitivité et d’innovation, n’est plus épargnée.

En France, le sempiternel débat sur la « faillite » et les risques que feraient peser les déficits publics s’est provisoirement calmé. Le Trésor a émis au lendemain de l’élection d’Emmanuel Macron, un nouvel emprunt à 30 ans offrant un taux de 2%. Il a connu un triomphe et a recueilli 31 milliards d’euros de demandes de souscription soit huit fois plus que ce qui était proposé. L’Etat en a profité pour accroître son offre et a encaissé 7 milliards d’euros. Les investisseurs ne croient donc pas à une hausse significative des taux d’intérêt dans un avenir proche. Ce succès apporte un démenti cinglant aux multiples Cassandre qui se répandent dans les médias et dont l’inquiétude est disproportionnée, par rapport, par exemple aux projets dévastateurs du Front national de sortie de la France de la zone euro. Il aura fallu attendre le débat entre les deux tours de l’élection présidentielle pour que face aux questions de son adversaire, Marine Le Pen s’enlise dans ses arguments et que les français découvrent à quel point cette idée était irresponsable. Il eût été plus logique que cette évidence émerge au cours des nombreuses d’interviews menées par les journalistes qui se pressaient pour lui permettre d’exposes ses idées.

La France bénéficiera dans l’avenir de conditions de financement favorables et réduira, année après années le coût de son endettement, à condition, toutefois de ne pas renouer avec les pratiques discutables des années 2015 et 2016 en accumulant des primes d’émission. L’affaire avait finalement dû émouvoir les plus hautes autorités car cette pratique avait cessé depuis le début de l’année. Or l’Agence France Trésor, profitant peut-être de l’arrivée de  ministres peu expérimentés, vient d’annoncer pour le 1er juin l’adjudication d’un emprunt sur 15 ans rapportant 5,75% soit cinq fois le taux du marché. Les contribuables devront donc payer sur toute cette période une charge artificiellement élevée. Espérons que le nouveau gouvernement comprendra vite de quoi il s’agit et mettra un terme, comme ses prédécesseurs, à ces pratiques. En tout état de cause, le succès continuel des émissions de la dette française montre que s’il doit y avoir une crise, elle ne viendra pas de chez nous. On ne saurait en dire autant de l’Angleterre, fragilisée par la perspective du Brexit et surtout des Etats-Unis, du fait de son endettement qui redevient préoccupant et des choix économiques de l’administration Trump.

Les dettes publiques et privées de ces deux pays se sont à nouveau accrues. Comme ils  connaissent des déficits importants de leurs balances des paiements, ils dépendent du bon vouloir des marchés financiers. Cela rappelle le contexte précédant la crise de 2007-2008, avec une croissance forte qui suscitait l’admiration des économistes. La suite des évènements leur a donné tort. Cette situation résulte de la politique très accommodante des banques centrales et du creusement des inégalités. Les ménages compensent la stagnation de leurs salaires en s’endettant avec la bénédiction des banques. Aux Etats-Unis, les niveaux sont à nouveau alarmants avec une dette privée  retrouvant le pic du début 2008, 12 5000 milliards de dollars, mais avec une structure différente. Les crédits immobiliers stagnent mais les prêts aux étudiants comme le crédit automobile se sont envolés avec un total de plus de 2500 milliards et un taux de défaut qui dépasse 10%. Leurs homologues anglais ne sont pas épargnés avec un système d’enseignement supérieur qui devient de plus en plus commercial et des frais d’inscription qui explosent rompant avec une tradition centenaire. Les prêts pour l’acquisition d’un véhicule, comme les sub-primes hypothécaires il y a dix ans, ont été largement titrisés, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences. Le coup de frein observé depuis le début de l’année sur les immatriculations américaines de véhicules traduit  pourtant l’inquiétude croissante des organismes prêteurs.

La situation des finances locales aux Etats-Unis n’est pas plus brillante, bien qu’ayant un statut fiscal favorable. Les particuliers souscripteurs des « municipal bonds » bénéficient dans la plupart des Etats d’une exonération d’impôt sur les intérêts. Leur encours approche 4000 milliards de dollars. Les leçons de la faillite de Detroit en 2013 n’ont pas été tirées et l’Etat libre de Porto Rico vient de faire défaut sur une dette de 70 milliards. Enfin la situation des systèmes de retraites de ces collectivités locales comme celle de nombreuses entreprises n’est pas plus rassurante puisque les agences de notation ont dégradé les organismes gestionnaires et les incidents de paiements se multiplient. Les comparaisons internationales accablent la France pour le poids excessif de ses prélèvements obligatoires. Celui-ci résulte largement du mode de comptabilisation des cotisations retraite qui est assuré par des organismes publics. A y regarder de plus près, et quand on observe la situation des municipalités américaines ou des retraités de nombreuses entreprises anglaises et américaines, ce taux élevé devrait plutôt nous rassurer que nous alarmer. 

Ces dérives ne sont pas nouvelles mais elles interviennent au moment où la nouvelle administration  propose une réforme fiscale coûteuse et un programme d’investissement dans les infrastructures de 1000 milliards de dollars. Or la dette fédérale s’approche de son plafond et le Congrès devra voter son relèvement durant l’été, ce qui se traduit toujours par des tensions politiques. La politique économique de Donald Trump va donc être confrontée aux faiblesses financières structurelles du pays. Sa volonté de revenir sur les mesures de prudence financière qui avaient été adoptées après la crise, même si les sénateurs et les représentants seront difficiles à convaincre, est un nouveau facteur de fragilité. L’économie mondiale a connu depuis dix ans une croissance régulière, si l’on excepte la zone euro qui  traversa des difficultés entre 2010 et 2012. C’est une période anormalement longue par rapport aux cycles historiques. Il n’est pas sûr qu’elle se poursuive indéfiniment sans accident.

Dans l’échelle des risques, la volonté de Donald Trump de prendre ses distances avec l’Accord de Paris, qui, faut-il le rappeler, ne comporte aucune disposition contraignante, va  être largement commentée mais elle ne doit pas être surestimée. Au contraire, sa stratégie économique, du fait du lourd endettement du pays, fait peser une menace qui ne doit pas être sous-estimée.            

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