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Le blog d'Alain Boublil

 

Les écologistes et le chômage

Le débat très vif qui entoure le projet de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim, laquelle ne répond à aucun motif de sécurité puisque son exploitation est autorisée jusqu’en 2022, tient aussi aux 2 200 suppressions d’emploi qui vont en résulter. C’est bien plus qu’à Florange par exemple et cela conduit à s’interroger sur les conséquences des choix des écologistes sur l’emploi. Cette décision était un engagement de François Hollande pour obtenir justement leur soutien. Une demande analogue avait été formulée de l’autre côté du Rhin, par le länder du Bade-Wurtemberg, qui comporte de nombreux élus verts. Ce n’est pas le moindre des paradoxes puisque cette centrale fournit de l’électricité, dans le cadre de contrats à long terme, aux électriciens suisses et allemands que l’Etat devra dédommager si les contrats sont résiliés.  

L’âge de la centrale, invoqué pour frapper les imaginations et justifier sa fermeture, n’est pas un motif pertinent car celle-ci fait l’objet de contrôles approfondis tous les dix ans. Les catastrophes intervenues dans le passé n’ont pas eu pour cause la vétusté. A Three Miles Island, en 1979, aux Etats-Unis, c’était la conception du modèle qui était en cause et il a été abandonné. A Tchernobyl, la centrale était récente et ce sont des erreurs humaines qui furent à l’origine du désastre. A Fukushima, l’opérateur n’avait pas protégé suffisamment le système de refroidissement contre les conséquences du raz de marée qui a provoqué la catastrophe.

Le procès instruit par les écologistes contre l’énergie nucléaire, repris par certains candidats de gauche à l’élection présidentielle pour les mêmes raisons politiciennes, ignore ses effets positifs sur le pouvoir d’achat, sur la compétitivité des entreprises, et donc sur l’emploi. Disposer d’une électricité abondante à un prix de loin le plus bas de tous les pays européens est un atout non négligeable. C’est ce qu’a compris l’Angleterre qui relance son programme, soutenue par la France, qui va ainsi financer des créations d’emplois dans ce pays. Les grands pays industrialisés nous ont aussi confié la réalisation d’Iter où une nouvelle technologie, la fusion nucléaire, pour produire demain l’électricité est expérimentée. Les investissements à Cadarache en Provence, s’élèvent à plusieurs milliards d’euros. Faut-il abandonner ce projet et supprimer les centaines d’emplois qu’il représente ?

Cette incohérence entre le discours et la réalité se retrouve dans la loi sur la transition énergétique et la réponse est toujours la même : les investissements pour réduire le recours au nucléaire et aux énergies fossiles et faire baisser la consommation d’énergie permettront de compenser, et au-delà, les dommages sur le pouvoir d’achat et l’emploi. C’est le mythe de la « croissance verte ». L’expérience montre que ce n’est pas le cas. Ce discours repose sur des analyses insuffisantes qui témoignent d’une méconnaissance sinon d’un dédain pour la réalité économique et a même donné lieu à des décisions néfastes pour la santé publique.     

Les émissions de CO2 n’ont d’impact qu’au niveau global. C’est leur accumulation dans le temps et dans l’espace qui provoque le réchauffement de la planète. La réduction des émissions de la France, lesquelles, en outre, grâce au nucléaire sont par habitant les plus faibles d’Europe, n’apporte qu’une contribution insignifiante. Pourtant notre pays a pris une position très volontariste pensant donner l’exemple. C’est ainsi que lors du Grenelle de l’environnement, l’acquisition de véhicules utilisant le diesel, lequel bénéficiait déjà d’une fiscalité favorable, a bénéficié de bonus alors que ces véhicules rejettent des particules fines qui sont une autre forme de pollution, celle-là locale, immédiate et très dangereuse. La première conséquence a été la fermeture en moins de dix ans de 30% de nos capacités de raffinage. Elles avaient été conçues pour produire de l’essence et non du gazole. Comme il n’est pas économiquement viable d’importer du pétrole pour le raffiner et le réexporter, les raffineries ont été fermées et des milliers d’emplois supprimés. Face aux conséquences de cette politique absurde, il a fallu faire marche arrière et les villes désormais imposent des restrictions de circulation pour ce type de véhicules. Les particules fines sont plus néfastes que le CO2 et l’industrie automobile va devoir s’adapter après cet aller-retour irresponsable, ce qui va se traduire par de nouvelles charges d’investissement pesant sur sa compétitivité.

L’attitude des écologistes vis-à-vis du gaz de schiste est tout aussi néfaste. Son exploitation aux Etats-Unis a permis la création de centaines de milliers d’emplois et a rendu le gaz naturel  compétitif face au charbon. Les producteurs d’électricité ont réagi en arrêtant les centrales à charbon au profit de leurs installations au gaz naturel qui émettaient quatre à cinq fois moins de gaz à effet de serre. En 2015, les émissions américaines avaient baissé de 400 millions de tonnes ce qui a permis, pour la première fois, de les stabiliser au niveau de la planète. L’épisode hivernal que nous connaissons s’accompagne d’une baisse brutale de la qualité de l’air parce que les centrales nucléaires ne sont pas en mesure de satisfaire tous nos besoins en raison de l'arrêt de plusieurs unités et les renouvelables sont peu productives l'hiver. Il a fallu à la hâte relancer les centrales utilisant les énergies fossiles. Le phénomène a été encore plus marqué en Allemagne, très dépendante du charbon. Le vent d’Est aidant, cela a contribué en France à aggraver la situation. On pourrait ajouter aux incohérences du discours écologiste la question du chauffage au bois. C’est une énergie renouvelable et c’est vrai que les arbres repoussent. Mais on s’est vite aperçu que ses émissions dans l’atmosphère étaient, de toutes les formes d’énergie, celle qui était la plus polluante.

Comment peut-on imaginer que de telles prises de positions qui ont influé sur les décisions publiques n’aient pas eu de conséquences économiques profondément néfastes sur la croissance et sur l’emploi ?  Et comment justifier l’alourdissement des taxes payées par les ménages, qui pèse donc sur leur pouvoir d’achat pour financer des énergies renouvelables, dont les composants sont souvent fabriqués à l’étranger, alors que ces sources sont incapables de fournir l’énergie quand on en a besoin, comme on vient de le vérifier ces derniers mois ?   

Les écologistes répondent à ces critiques en prétendant que les investissements pour améliorer l’isolation des bâtiments compenseront les effets négatifs de leurs propositions. Ce type d’incitation est utile, mais les retombées économiques sont surestimées comme les résultats sur les consommations d’énergie. Il y a environ 30 millions de logements en France. Si on en isole, ce qui serait déjà un exploit, 300 000 par an pour obtenir une économie de 25%, il faudra un siècle pour réduire la consommation des ménages de 25%. En outre, la diversité des situations individuelles, suivant que vous êtes propriétaire ou locataire, jeune accédant ou retraité, que vous soyez endetté ou non, rend très difficile l’instauration de systèmes d’incitation efficaces.

La France peine à retrouver un rythme de croissance satisfaisant et à faire baisser le chômage. Mais l’insistance que mettent certains dirigeants politiques pour satisfaire une infime minorité d’électeurs, à proposer des mesures qui affaiblissent notre appareil de production et qui sous-estiment leurs conséquences sur l’emploi, sur notre tissu industriel et sur nos grands services publics, est incompréhensible. Le débat actuel, et qui n’est pas clos, autour de la fermeture de la centrale de Fessenheim est, à cet égard révélateur.                     

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