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Le blog d'Alain Boublil

 

Pétrole : la baisse s’amplifie

Après avoir oscillé autour de 110 $ depuis un an et demi, le cours du baril de Brent, c’est-à-dire du pétrole brut échangé en Europe, s’est replié jusqu’à 98 $ la semaine dernière, soit une baisse de plus de 10%.. Et le mouvement ne semble pas devoir s’interrompre puisque les analystes de Bank of America laissent entendre qu’un prix d’équilibre pourrait être trouvé autour de 85 $. Cette baisse peut paraître d’autant plus surprenante qu’elle intervient dans un contexte général de crise politique qui affecte précisément les Etats pétroliers. En d’autres temps, ces incertitudes politiques auraient immanquablement provoqué une hausse des cours.

C’est d’ailleurs ce qui s’est produit un bref instant quand la crise ukrainienne s’est déclenchée avec un pic, au mois juin pour le Brent à 115 $. Mais très rapidement le mouvement baissier a repris. L’aggravation de la crise en Syrie et en Irak pèse sur la production. La déstabilisation politique en Lybie affecte ses exportations. Les difficultés que rencontre le gouvernement nigérian à sécuriser sa production et ses ventes à ses clients a provoqué une baisse de 10% des livraisons du pays. A cela s’ajoute l’épuisement rapide des gisements de la mer du Nord. Tout cela aurait donc du conduire, à retrouver un niveau du Brent élevé, comme par exemple autour des 140 dollars atteint il y a six ans, avant le déclenchement de la crise financière. A l'époque, tous ces grands pays exportateurs ne connaissaient aucune difficulté. Les « experts » avançaient alors, avec beaucoup de sérieux la théorie du « peak oil » et le mouvement écologiste s’en était emparé et pronostiquait l’épuisement des ressources et la fin prochaine du pétrole.

Malgré les tensions internationales, rien de tel n’est intervenu, bien au contraire. Certes la demande des pays développés s’est ralentie sous l’effet d’une croissance plus faible que par le passé et de progrès observés en matière d’efficacité énergétique et les pays émergents n’ont pas pris complètement le relais. Mais le fait nouveau, c’est que le déficit d’exportations du Moyen-Orient et d’une partie de l’Afrique a été largement compensé par l’entrée en exploitation de nouveaux gisements dans d’autres parties de l’Afrique et surtout aux Etats-Unis et au Canada sous l’effet de la révolution du « pétrole de schiste ». Ces deux pays ont accru leur production au total de 1,2 millions de barils par jour en 2013 et la tendance perdure en 2014.

Pendant longtemps, l’Arabie saoudite a agi comme régulateur du marché, freinant la hausse en cas de crise brutale en augmentant sa production, ou, au contraire, la réduisant pour soutenir les cours. Cette fois, rien de tel. Il semble que le principe suivant lequel un cours élevé du pétrole était dans leur intérêt, comme dans celui des Etats-Unis, soit remis en cause. Pour le Royaume, la montée de la violence dans la région constitue une menace et les groupes ou les Etats qui alimentent cette montée sont largement financés par des ressources qui proviennent, légalement ou non, du pétrole. Il peut donc être justifié de réduire le débit, sinon couper le robinet, de la manne pétrolière.

Pour les Etats-Unis, les raisons sont plus complexes. Il y a d’abord le calcul des majors pétrolières : elles sont peu présentes sur les nouveaux gisements dont les coûts de production sont élevés. La baisse des cours affecterait leurs concurrents. Surtout, le retour des tensions est-ouest, manifeste avec la crise en Ukraine et le subit rapprochement entre Pékin et Moscou, fait resurgir la tentation d’affaiblir un adversaire, la Russie, dont la principale ressource financière est le prélèvement opéré sur les exportations de pétrole. D’où ce paradoxe: au lieu de faire monter les cours, la tension actuelle les fait baisser, avec en outre l’aide de l’Arabie saoudite qui a accru sa production et dont les choix sont rarement indifférents aux préoccupations de Washington. Et comme cette tension risque de durer, le niveau des cours s’en ressentira.

Pour les pays lourdement importateurs, comme la Chine, c’est une bonne nouvelle : cela va conduire, à une baisse des coûts de production. Pour la France, la situation est différente. Devons-nous répercuter cette baisse au niveau des consommateurs, qu’il s’agisse des carburants ou du fuel domestique, et ainsi favoriser le pouvoir d’achat, donc la croissance ? On rappelle que le dernier cycle de croissance forte que la France ait connu se situe entre 1998 et 2001, précisément après une chute du prix du pétrole, les cours étant descendus jusqu’à 13 $ en 1998 pour ne remonter que lentement jusqu’à 28 $ au début de 2003, c'est vrai avec un dollar bien plus cher qu'aujourd'hui.   

La réponse n’est pourtant pas évidente car on ne peut pas vouloir une forte réduction des consommations d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre et laisser les prix baisser. Toutes les incitations à isoler l’habitat et à rouler dans des véhicules équipés des dernières technologies pour réduire la consommation, voire la supprimer grâce à l’emploi de moteurs électriques, perdraient leur intérêt. Or elles constituent l’une des composantes essentielles du projet de loi actuellement en discussion à l’Assemblée nationale. Il n’y a pas de « croissance verte » envisageable dans un contexte de baisse marquée du prix du pétrole, et il ne va bientôt plus être possible de fermer les yeux sur cette contradiction. Le gouvernement est donc confronté à un dilemme : le pouvoir d’achat ou la baisse des émissions de CO2.

Comment s’en sortir ? C’est plus simple qu’il n’y parait. Il suffit de compenser la baisse des prix par une imposition supplémentaire dont le produit sera recyclé en faveur du pouvoir d’achat par une diminution d’impôt. Si les cours remontent, l’imposition provisoire sur les carburants serait ramenée au niveau précédent. La taxe actuelle rapportera 13,5 milliards d’euros à l’Etat, en 2014, soit une baisse de 3,5% par rapport à 2013, si on ne fait rien, avec un prix moyen du pétrole depuis le début de l’année de 108 $. Une baisse de 20% n’est pas exclue. L’Etat, en la gelant, pourrait récupérer près d’un milliard, d’ici la fin de l’année et le double en 2015, ce qui lui offrirait la possibilité, soit de réduire ses autres prélèvements d’autant, soit d’accorder des aides supplémentaires aux catégories sociales qui ont le plus besoin d’un soutien de leur pouvoir d’achat. Un mécanisme analogue avait été mis en place en 2001 (la TIPP « flottante »). Malheureusement, il était intervenu à contretemps car la hausse des cours était engagée, notamment à la suite des attentats du 11 septembre, et il avait rapidement été abandonné. Là au contraire, c’est le bon moment. Et en plus, c’était une promesse électorale de …François Hollande.

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