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Le blog d'Alain Boublil

 

Le tour du monde du président Xi Jinping

Pendant que la moitié de la planète se passionnait pour la Coupe du monde, le président chinois Xi Jinping déployait une intense activité diplomatique. A peine revenu d'une visite d'Etat en Corée du Sud durant laquelle avait été conclu un nouvel accord d'internationalisation de la monaie chinoise, le yuan, Xi Jinping accueillait à Pékin Angela Merkel avant de recevoir, le 8 juillet, les secrétaires d'Etat John Kerry et son homoloque au Trésor, Jacob Lew, pour lancer la 6ème session du Dialogue Stratégique et Economique Sino-américain. Les responsables des deux premières puissances économiques ont ainsi passé en revue l'ensemble de leurs points d'accord et leurs principaux désaccords. La Chine est le premier créancier des Etats-Unis et Washington s'est engagé à accroître ses efforts en matière d'investissement et d'épargne et à réduire son taux d'endettement public. En outre, les deux pays se sont engagés à intensifier leurs discussions pour améliorer la stabilité du système financier mondial et faire évoluer la gouvernance des grandes institutions financières multilatérales comme la Banque mondiale et le FMI. Les conditions pour que le Sommet des pays riverains du Pacifique, qui se tiendra en novembre et auquel le président Obama participera, soient un succès semblent donc réunies. En particulier, l'engagement de la Chine pour que le cours de sa monnaie, le yuan, reflète davantage les conditions du marché a été salué par la partie américaine. Accord également sur la dénucléarisation de la Corée du Nord, mais silence pesant sur les contestations territoriales et notamment la crise sino-japonaise.

Sur le plan économique, des progrès notables ont été enregistrés dans les réflexions sur le réchauffement climatique dans la perspective de la Conférence de Paris en 2015. Les deux pays sont les plus gros émetteurs de gaz à effet de serre et ont explicitement reconnu leurs responsablités. Durant leurs rencontres, ils ont signé des accords sur la réduction des émissions des véhicules, sur des projets de captation et de stockage du carbone et sur les réseaux électriques intelligents (smart grid). Washington s'est également engagé à accélerer les projets d'exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) vers la Chine.

Quelques jours plus tard, le 13 juillet, le président chinois s''envolait  vers le Brésil mais faisait un "arrêt technique" à Rhodes où il était accueilli par le président et le premier ministre grecs. Xi Jinping rappelait alors la contribution de la Chine à la résolution de la crise de la zone euro en 2011, quand les institutions financières chinoises avaient souscrit à des émissions de dette grecque et approuvé le plan de restructuration. Le symbôle ne se limitait pas à l'économie puisque fut aussi rappelé à cette occasion que la Grèce et la Chine étaient deux des plus anciennes civilisations de la planète et que l'une comme l'autre avaient contribué aux fondements des systèmes politiques modernes. Pékin veut faire de la Grèce une étape stratègique de la Nouvelle Route de la Soie pour acheminer ses produits vers l'Europe. Et c'est dans cet esprit que le géant de l'armement maritime chinois Cosco a investi dans le port du Pyrée. Les dirigeants des deux pays ont profité de cette occasion pour afficher leur satisfaction devant cette coopération réussie.

Xi Jinping repartait le jour suivant pour rejoindre Fortaleza, dans le nord du Brésil et participer au Sommet des BRICS, ces cinq pays émergents définis par cet acronyme par les économistes de Goldman Sachs, juste avant le grande crise de 2007-2008. Accueilli par Djilma Rousseff et avec, autour de lui, Vladimir Poutine, le premier mistre sud-africain Jacob Zuma, et le nouveau chef du gouvernement indien, Narindra Modi, le président chinois, apparaîtra, une fois de plus, comme le représentant d'une "grande puissance globale". L'objet du Sommet est, notamment, de créer une nouvelle banque d'investissement, contrôlée par les BRICS, en concurrence directe avec la Banque Mondiale. L'ordre international résultant des accords passés au lendemain de la deuxième guerre mondiale, apparait donc bel et bien caduc, et ce, sous l'influence de la Chine.

Le président chinois poursuivra son tour du monde avec quatre visites d'Etat en Amérique latine et à Cuba. A Brasilia, seront probablement conclus de nouveaux accords économiques. La Chine est le premier client du Brésil. Et le pays, qui vaut bien mieux que ses joueurs de football, et sa présidente sortent affaiblis par la défaite de leur équipe. Nul doute que la visite d'Etat et l'annonce de grands projets de coopération, notamment dans le ferroviaire et quelques commandes symboliques d'avion, flatteront l'orgueil blessé de ce grand pays et de ses dirigeants. En Argentine, qui traverse une crise bien plus grave avec la menace d'un défaut de paiement à la suite du jugement d'une cour américaine, le scénario sera analogue: Pékin proposera son aide au développement des gisements de gaz de schiste et apportera sa contribution au redressement financier du pays. On se souvient que Buenos-Ayres fut l'une des premières places où fut conclu un accord de swap entre la monnaie locale et le yuan. C'était en janvier 2009, quand le gouvernement chinois entamait sa longue marche vers l'internationalisation de sa monnaie, alors dans l'indifférence générale. Le président chinois se rendra ensuite au Vénézuela, troisième pays d'Amérique latine en crise, bien que premier producteur de pétrole du continent, puiis à Cuba, autre escale symbolique.

L'étonnant tour du monde de Xi Jinping est peut-être la manifestation la plus spectaculaire de ce "nouvel état du monde" apparu au tournant du dernier siècle. Aux dirigeants européens d'en prendre toute la mesure.