Vous n’êtes pas encore inscrit au service newsletter ?

Inscription

Se connecter

Mot de passe oublié? Réinitialiser!

×

AB 2000 Site d'analyse

Le blog d'Alain Boublil

 

France: la croissance en panne?

La publication d’une estimation de croissance nulle au premier trimestre et d’une rechute de l’emploi salarié dans les secteurs marchands remet-elle en cause la possibilité, pour la France de retrouver une croissance suffisante pour enrayer la hausse du chômage cette année ?

La baisse des effectifs correspond exactement à la baisse des emplois intérimaires. Comme la hausse du quatrième trimestre était due précisément à l’intérim, il faut en conclure que les anticipations de reprise qui  avaient conduit les chefs d’entreprise à embaucher ne s’étant pas matérialisées, ils en ont tiré les conséquences. Pour obtenir un effet durable sur l’emploi, une croissance plus solide est nécessaire. Elle n’était manifestement pas au rendez vous en ce début d’année, malgré les transferts fiscaux importants dont les entreprises ont bénéficié.

Le coup d’arrêt de la croissance est donc en ligne avec les chiffres de l’emploi, même si, pour des variations aussi faibles et du fait que les données subissent de multiples corrections (saison, jours ouvrables), elles n’ont probablement pas la même fiabilité que les données annuelles. En particulier, le caractère exceptionnellement doux de l’hiver a provoqué une baisse de la consommation d’électricité (-9%)  atténuée partiellement sur la production (-5%) par la hausse des exportations. Pour les énergies fossiles, la baisse a été de même ampleur mais elle a été compensée par une hausse des stocks.

Il reste que les deux principaux moteurs de la croissance, la consommation hors énergie, et l’investissement ont calé. Pour la consommation des ménages, elle a reculé de 600 millions par rapport au trimestre précédent. Ce chiffre doit être rapproché de la hausse de l’impôt sur le revenu qui, sur le même trimestre, a rapporté 3,8 milliards de plus que l’an passé. A l’inverse, ce qui n’a pas suffisamment été noté, la hausse de la TVA n’a que très partiellement  été répercutée sur les ménages jusqu’à présent. Sur les trois premiers mois de l’année, les prix ont été stables et les recettes de TVA n’ont augmenté que de 700 millions d’euros par rapport au premier trimestre de l’an dernier. Rien ne dit que la répercussion n’interviendra pas dans les mois qui viennent, notamment dans les services comme la restauration.

Au total, le « choc fiscal » a fait payer un lourd tribut à la croissance en ce début d’année. C’est probablement ce qui  a incité le gouvernement à infléchir sa politique et à accorder des réductions significatives qui, si elles sont votées dans le collectif budgétaire de juin prochain, prendront effet à la rentrée.

Le retournement sera plus lent et plus difficile pour l’investissement. Pour les ménages, ni la baisse des taux d’intérêt, ni la stabilisation des prix des logements n’ont conduit à une reprise de la demande. Les mises en chantier continuent de reculer. Les investisseurs institutionnels sont confrontés à une réglementation toujours dissuasive. Seules la construction et la réhabilitation de logements sociaux progressent mais insuffisamment pour compenser la baisse observée dans les autres segments du marché. Enfin, et malgré toutes les déclarations relatives à la transition énergétique, il semble bien que les incitations et les financements en place  n’aient toujours pas convaincu les intéressés à se lancer dans des travaux.

La baisse des investissements des entreprises est encore plus préoccupante, malgré les transferts fiscaux en leur faveur. On se trouve  face à un paradoxe : au moment où le taux d’épargne des ménages reste élevé et largement supérieur à ce qui est nécessaire pour couvrir les déficits publics, cette épargne ne sert pas à financer des investissements productifs et s’oriente vers la thésaurisation, dans l’attente de jours meilleurs. 

En même temps, le système bancaire est peu enclin à financer les entreprises et en particulier les PME. Celles-ci se trouvent donc frappées d’une « double peine » : elles ont besoin de financements courants, notamment du fait de délais de paiements deux à trois fois plus longs en France que dans l’Europe du Nord et les institutions financières qui disposent pourtant, grâce à l’épargne des ménages, des ressources nécessaires, réduisent leurs concours car, du fait des règles édictées par l’accord «  Bâle III », ceux-ci nécessiteraient des fonds propres supplémentaires. A cet égard, la perspective des « stress tests » auxquels le BCE va procéder cette année, n’arrange rien.

Le haut niveau d’épargne n’est donc pas aujourd’hui en France générateur d’investissement et de croissance, comme l’enseigne la théorie économique. Et il pèse sur la consommation. D’où un double effet récessif. Les transferts fiscaux indifférenciés suivant la taille des entreprises constituent une réponse imparfaite. Les grandes entreprises ont peu de difficultés pour trouver des concours bancaires ou pour s’adresser au marché. Les transferts dont ils bénéficient s’apparentent à des effets d’aubaine. A l’inverse, le niveau des transferts dont profitent les PME sont insuffisants pour corriger les effets du désengagement des banques.

La BCE réfléchit à une réponse au niveau européen. En autorisant la titrisation des créances des banques sur les PME et en lançant un programme de rachat de ces titres, elle espère inciter les banques à prêter davantage. Mais cela repose sur l’hypothèse suivant laquelle effectivement le produit de la cession des encours sera affecté par les banques à des prêts aux entreprises qui en ont besoin. Cela prendra aussi du temps tout en rappelant de bien mauvais souvenirs : ce sont bien les excès de la titrisation qui ont été à l’origine de la crise des « subprimes ». Comment être sûr que de telles pratiques ne se reproduiront pas ?        

L’Etat est donc confronté à une double difficulté : l’insuffisance de la demande, consécutive au choc fiscal, hypothèque la croissance. Et la tuyauterie supposée canaliser les moyens affectés  à la politique de l’offre, condition de son efficacité, fonctionne mal. C’est à cela que s’attaque aujourd’hui le gouvernement en atténuant l’impact des hausses d’impôt sur les classes sociales qui ont une propension élevée à consommer. Mais il devra compléter cette mesure indispensable avec une modification de son dispositif à l’égard du financement des PME s’il veut gagner son pari sur le retour de la croissance et sur la baisse du chômage.