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Le blog d'Alain Boublil

 

Heures supplémentaires : l'erreur coûteuse de Nicolas Sarkozy

Mesure emblématique de Nicolas Sarkozy, l’exonération de charges sociales et d’impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires fut en 2007 une mesure aussi injuste qu’inefficace. À partir de 2008, avec le déclenchement de la crise économique et financière, elle est devenue une erreur coûteuse. Surtout, elle témoignait d’une méconnaissance profonde du mode de fonctionnement des entreprises. Ce n’est pas très étonnant : ni Nicolas Sarkozy, ni François Fillon n’ont, durant leur vie professionnelle, été salariés d’une entreprise.

Qui, dans la réalité, crée les conditions du recours aux heures supplémentaires ? Le salarié ? Certainement pas. Il n’a aucune prise sur le plan de charge de son activité. Si on lui propose de travailler un peu plus, avec les majorations prévues par la loi, en général il accepte. Il faut des conditions personnelles ou familiales très spécifiques pour qu’il soit contraint de refuser.

Le chef d’entreprise ? Pas davantage. Face à une augmentation de son activité, il choisira cette formule s’il juge que l’augmentation est momentanée, ou il recrutera du personnel, s’il considère qu’elle est durable. Mais ce n’est pas lui qui est à l’origine de cette augmentation. Il ne fait qu’y répondre de la meilleure façon possible.

En réalité, c’est le client qui décide. Le dirigeant, comme le salarié, ne fait que satisfaire, à un moment donné, sa demande. Face à celle-ci, le chef d’entreprise, en fonction de son analyse de la situation, choisira la meilleure manière d’y répondre. Il est donc profondément malsain de biaiser par une aide le choix de recourir à des heures supplémentaires plutôt qu’à un recrutement. Et c’est doublement injuste pour les salariés : suivant que vous travaillerez dans une entreprise qui a un moment donné connait une hausse d’activité, ou dans une autre, vous bénéficierez de cet avantage ou pas.

Et suivant que vous êtes dans une entreprise qui s’est organisée pour avoir recours aux heures supplémentaires, c’est-à-dire qui recrutera le moins possible, ou dans une entreprise qui, au contraire, a fait le pari du recrutement, vous serez plus ou moins bien traité. Et comme il s’agit de pertes de recettes pour la collectivité, c’est la double peine, car il faudra bien trouver des recettes, forcément auprès des salariés, pour compenser ces largesses qui ont coûté en cinq ans la bagatelle de 20 milliards d’euros.

Injuste dans son principe, la mesure devient totalement contreproductive en présence d’une crise aussi violente que celle qui est intervenue à partir de 2008. Certes, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas prévoir la crise des subprimes. Encore aurait-il pu, face à la violence de la récession amorcée au deuxième semestre 2008, rectifier le tir. Il n’en a rien été.

Inappropriée en régime de croisière, la défiscalisation devient absurde quand la récession menace. Car, ce qu’il faut préserver alors, c’est l’outil de travail, salariés inclus, confrontés à une brutale chute d’activité, et non pas subventionner aux frais de la collectivité, des avantages au profit des quelques ilots de prospérité épargnés par la crise, ou pires, qui se sont subtilement organisée pour profiter d’un système qui ne leur était pas destiné.

À la fin de l’année 2008, quand le gouvernement Fillon prend enfin conscience de la gravité de la situation, il aurait dû sans tarder remplacer cette mesure par un système d’aide au chômage partiel qui aurait donné aux entreprises une bouffée d’oxygène face à la baisse de leurs carnets de commandes. Elles auraient pu ainsi protéger leur outil de production et l’emploi, et se préparer pour une reprise, qui allait d’ailleurs intervenir en 2010.

C’est d’ailleurs très exactement ce qu’a fait l’industrie allemande, si souvent donnée en exemple, confrontée à une chute d’activité encore plus brutale. Ce n’est pas un hasard si l’on constate que, deux ans plus tard, elle semble bien plus en mesure de repartir du bon pied que l’industrie française.

Mais le pire n’est pas là. On a observé que dans de nombreuses grandes entreprises, on a modifié l’organisation du travail pour profiter du dispositif TEPA ce qui a, ainsi, engendré de juteux effets d’aubaine et d’optimisation. Est-ce que vraiment, dans la situation où étaient les finances publiques de la France en 2010 et 2011, il n’aurait pas été justifié de mettre un terme à un dispositif inadapté à la conjoncture et qui avait été détourné de son objet initial ?

Est-ce qu’enfin aujourd’hui, l’opposition ne se grandirait pas en reconnaissant son erreur, au lieu de défendre un héritage dans sa disposition la plus contestable ?   

Reste la question de la sortie du système. Il est clair que les détournements observés dans le passé n’ont pas été le fait des très petites entreprises, notamment dans le bâtiment où les fluctuations de l’activité sont plus fortes qu’ailleurs. Pour le reste, conformément à ce qui a été annoncé durant la campagne présidentielle, à l’issue de laquelle les Français se sont prononcés clairement, la suppression de l’exonération de charges sociales ne peut intervenir qu’à compter de la promulgation de la loi.

En revanche, l’intégration des heures supplémentaires dans le calcul de l’imposition des revenus de l’année 2012 comme pour tout autre revenu peut intervenir à partir de n’importe quelle date, le 1er janvier ou le 1er juillet à la discrétion du Parlement. Aucune rétroactivité ne peut être invoquée puisque, par définition, c’est à la fin de l’année en cours que sont décidés les barèmes et l’assiette de l’impôt que les contribuables, personnes physiques et morales, auront à acquitter l’année suivante, au titre de cet exercice.