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Alain Boublil Blog

 

Economie française : le double déficit

La satisfaction avec laquelle ont été accueillis les derniers chiffres relatifs à l’économie française est loin d’être justifiée. La croissance au rythme trimestriel de 0,5% constitue certes une amélioration après la longue période de stagnation qu’a connue la France comme le retour des créations d’emplois. Mais celles-ci n’atteignent toujours pas le niveau requis pour qu’enfin le chômage baisse significativement. La hausse continuelle observée depuis près de 10 ans a été stoppée mais le retournement de tendance qui permettrait une diminution du nombre de l’ensemble des demandeurs d’emploi n’est toujours pas là. Or cette baisse est la condition incontournable pour permettre le réel retour de la confiance qui est indispensable pour que la France rattrape le temps perdu depuis dix ans.

L’examen des résultats des deux derniers trimestres montre qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Durant le premier trimestre, c’est le gonflement des stocks qui avait permis de compenser la contribution négative du commerce extérieur. Une bonne part de ce phénomène était attribuée à l’aéronautique. Airbus avait accumulé des avions en attente d’être livrés aux clients à la suite de difficultés dans les chaines d’approvisionnement, notamment en ce qui concerne les nouveaux moteurs. Le deuxième trimestre traduit l’effet symétrique : la baisse des stocks engendre une reprise des exportations qui permet de réduire la contribution négative du commerce extérieur sur la croissance. La consommation des ménages augmente très faiblement (0,3% après 0,1% au 1er trimestre), ce qui infirme le raisonnement avancé par les commentateurs suivant lequel ce serait l’incapacité de nos entreprises à répondre à la demande des consommateurs qui serait à l’origine de notre déficit commercial. Le seul domaine vraiment dynamique est l’investissement privé. Les ménages profitent des taux d’intérêt très bas pour acquérir un logement. On en a la confirmation dans les statistiques de mises en chantier qui retrouvent le niveau d’avant la crise avec plus de 400 000 par an. L'investissement des entreprises est également sur une tendance forte, supérieure à 4% en rythme annuel. Mais rien ne prouve pour l’instant qu’il s’agisse d’un accroissement de leurs capacités de production et une part très importante concerne la construction de bureaux ou la rénovation de surfaces commerciales. Dans les deux cas, du fait du recours croissant à des travailleurs détachés, l’impact sur l’emploi n’est pas aussi positif que par le passé.

Les chiffres du 1er semestre traduisent une amélioration par rapport à la situation passée. Pour autant, ils ne permettent pas d’affirmer que la France a renoué avec la croissance et surtout que la politique économique mise en place à partir de 2013 avec la priorité en faveur du redressement des marges des entreprises, lequel est incontestable, a produit les effets escomptés. Cette politique, assumée par le gouvernement d’Edouard Philippe, est en outre confrontée avec la persistance du double déficit que connait l’économie française, celui des finances publiques et celui de nos échanges extérieurs qui est révélateur de nos faiblesses structurelles.

L’objectif initial, contenu dans la loi de finances pour 2017, de ramener cette année les déficits publics à 2,7% du PIB n’a aucune chance d’être atteint. Il sera même difficile de tenir les 3% imposés par les règles européennes. Les comptes au 1er semestre de l’Etat qui est le principal responsable du déficit, ne sont pas rassurants. Les dépenses continuent de progresser à un rythme incompatible avec cet objectif, notamment en ce qui concerne les dépenses de personnel et d’intervention. Le seul poste en baisse, la charge de la dette, avec une réduction de 2,1% pourrait y contribuer bien davantage si la direction du Trésor, ces deux dernières années n’avait pas pratiqué une politique incompréhensible d’émissions à des taux supérieurs à ceux du marché, ce qui a eu pour effet d’alourdir la charge des exercices suivants. Interrompue au début de l’année, cette pratique a été reprise au mois de juin et surtout lors de la dernière émission, le jeudi 3 août avec un emprunt jusqu’en 2025 portant intérêt de …6% ! La charge de la dette pour chacune des huit prochaines années sera ainsi accrue de près de 100 millions, soit l’équivalent des économies attendues avec la réduction de 5 euros de l’APL. Du côté des recettes, l’impôt sur le revenu a rapporté environ un milliard de moins que l’an dernier mais la TVA et les autres prélèvements sur les ménages cinq milliards de plus. Les promesses de baisses d’impôts pour 2018 dans ce contexte semblent difficilement compatibles avec l’objectif de contenir le déficit sous les 3%. La principale conséquence de cette situation n’est pourtant pas financière. La France, surtout avec le maintien de taux très bas, contrairement aux prévisions de Bercy qui les voyait remonter vers 1,25% d’ici la fin de l’année, ne présente pas de risque en termes de solvabilité. L’épargne financière des ménages est largement suffisante pour couvrir les besoins de financement public. Le risque est politique. C’est la crédibilité de la France au sein de la zone euro qui est en jeu et son poids dans les différentes discussions qui interviendront après les élections allemandes à l’automne.

Le second déficit est celui de nos échanges extérieurs. Il a atteint 34 milliards d’euros au premier semestre, soit bien plus qu’en 2013 (30 milliards) et qu’en 2014 (31 milliards), lorsque le prix du pétrole dépassait 100 dollars par baril. La dégradation de nos échanges de produits industriels s’est accélérée durant ces trois dernières années et la politique qui visait à rétablir la compétitivité de nos entreprises au travers d’allègements fiscaux et d’une réduction de leurs charges sociales n’a donc pas produit le résultat escompté. L’accroissement des marges a très peu servi à développer les capacités de production et a surtout été consacré au désendettement, à la rémunération des actionnaires et à des investissements à l’étranger. Le gouvernement, comme ses prédécesseurs continue de faire porter sur les salariés la responsabilité de la perte de parts de marché de nos entreprises, qu’il s’agisse du niveau des rémunérations ou des droits sociaux dont ils bénéficient. La réforme du code du travail qui doit s’opérer par le biais des ordonnances s’inscrit dans cette logique. Cela permet d’occulter la responsabilité des entreprises dans leur comportement vis-à-vis de leurs fournisseurs, et notamment celui de la grande distribution, celle de leurs dirigeants quand ils commettent des erreurs stratègiques et celle des banques quand il s’agit de financer une PME. L’examen détaillé de notre commerce extérieur montre aussi qu’il existe des domaines où nous gagnons des parts de marché et d’autres, comme l’automobile, où nous en perdons. Il n’y a donc pas de cause unique, comme la politique menée le suppose mais des stratégies d’entreprises très diverses, avec des délocalisations massives pour les unes et une priorité en faveur du maintien de la valeur ajoutée et de l’emploi en France pour les autres.     

La crédibilité de l’action gouvernementale va donc être confrontée à la persistance de ce double déficit dont la réduction figurait pourtant parmi ses priorités. La politique de l’offre en place depuis quatre ans n’a pas permis de freiner la montée des importations et de stimuler suffisamment nos exportations. Elle a entrainé une’augmentation des impôts sur les ménages et de certains tarifs publics qui a pesé sur le pouvoir d’achat, sur la croissance et sur l’emploi. Cette voie a trouvé ses limites en peinant à satisfaire l’objectif de réduction des déficits publics.  En outre, la remise en cause de certains avantages sociaux suscitera forcément des réactions dans l’opinion. C’est tout cet ensemble, une impopularité croissante et des résultats peu convaincants, qui sera la toile de fond de la rentrée au mois de septembre.

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