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Alain Boublil Blog

 

Le diesel et le CO2

Il aura donc fallu le scandale Volkswagen pour qu’ on prenne enfin conscience en France, de l’absurdité de la politique, menée depuis plus de dix ans, consistant à accorder des avantages réglementaires et fiscaux substantiels au diesel. Historiquement, du fait des caractéristiques originelles de cette technologie adaptée aux transports lourds et fréquents, l’Etat avait consenti une réduction des taxes sur ce carburant pour compenser le coût plus élevé des véhicules. Il fallait rouler beaucoup pour l'amortir grâce aux économies sur la consommation et sur le prix du carburant. On visait, en caricaturant à peine l’idée initiale, les VRP et les taxis. Et on ajoutait un mode de calcul des puissances fiscales avantageux, d’où un prix plus faible de la carte grise et, chaque année, de la vignette.  

Au fil du temps, les progrès accomplis dans la motorisation auraient dû rendre inutiles ces aides mais elles connurent un regain de popularité avec l’arrivée des préoccupations relatives à l’environnement. Cela en déclencha de nouvelles, aussi coûteuses pour les finances publiques que dangereuses pour la santé. Le point culminant de cette politique absurde fut atteint en 2007 avec le Grenelle de l’environnement. Il n’est donc pas surprenant que les constructeurs français aient investi des sommes importantes pour produire des véhicules ainsi équipés puisqu’ils devaient répondre à ucenouveau contexte fiscal et politique. Leur silence, face aux insinuations les rendant responsables de la préférence pour le diesel, tient, en réalité, de leur incapacité à s’entendre pour exprimer un point de vue commun et de bon sens, et ne saurait être interprété comme un aveu.   Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’ils sont absents d’un débat important les concernant. La chute spectaculaire de la mortalité routière depuis trente ans est, à l’évidence, davantage due à l’amélioration de la sécurité technique des véhicules qu’à la multiplication des radars. Qui, au sein de cette industrie, s’est exprimé sur ce point ?

Dans l’esprit du public, et peut-être de certains politiques, une confusion s’eétait opérée entre les différentes catégories d’émissions rejetées par les véhicules. Ceux roulant au diesel consomment moins de carburant (l’écart, au fil du temps se réduisant) et rejettent donc moins de CO2. Ce qu’on a d’ailleurs découvert, avec le scandale Volkswagen, c’est qu’ils étaient aussi, semble-t-il, plus facile à truquer. Mais le CO2 n’est pas le seul dommage causé à l’environnement. Il y a, bien sûr et surtout, les particules, qui affectent la qualité de l’air. L’augmentation des émissions de CO2 a des conséquences globales puisque c’est le montant total sur toute la planète, qui conduit au réchauffement. Les émissions de particules ont elles des conséquences locales et immédiates. Les choix effectués alors auraient du tenir compte de cette réalité qui est aujourd’hui largement admise.

Les Etats-Unis souffrent peu des émissions de particules, malgré les nombreuses centrales à charbon car la proportion de voitures circulant au diesel est infime. Ils ont centré leur politique sur le basculement, dans le mix électrique vers le gaz naturel et les renouvelables, et pour la circulation automobile, vers l’encouragement en faveur des véhicules consommant moins d’essence. La Chine, au contraire, souffre à la fois d’une très mauvaise qualité de l’air dans les grands centres urbains et d’émissions massives de CO2. Le pays s’est donc lancé dans une double politique : réduction des émissions de CO2 et  purification de l’air.

Et la France ? Nous sommes dans une situation très particulière. Grâce à la production nucléaire, nous sommes de très faibles émetteurs de CO2, mais du fait des encouragements en faveur du diesel, notre qualité de l’air est médiocre, et même déplorable à Paris, et ce depuis longtemps. La priorité aurait donc dû être mise sur la qualité de l’air et non sur la réduction des émissions de CO2. Le Grenelle de l’environnement a choisi précisément de faire le contraire, sans d’ailleurs que ses décisions soient contestées. Des moyens considérables ont été affectées au développement des énergies renouvelables, prélevés sur les consommateurs d’électricité via la CSPE, pour réduire des émissions déjà très faibles par rapport à la moyenne européenne, et des sommes tout aussi importantes, avec le bonus malus écologique, ont été dégagés en faveur des véhicules roulant au diesel. Le régime fiscal des indemnités kilométriques qui permet aux salariés et aux entreprises de calculer leurs frais professionnels a été modifié pour accentuer cet avantage et l’Etat est même allé jusqu’à exclure de la déductibilité de la TVA les achats d’essence. On mesure enfin aujourd’hui cette erreur. Tout l’enjeu du débat porte sur les moyens de rectifier le tir.

Il faut  distinguer les actions portant sur les nouveaux modèles de celles visant à accélérer le renouvellement du parc automobile. La première n’aura que peu d’effets à court terme sur les niveaux d’émission mais sera décisive à long terme. La seconde, au contraire peut avoir des effets rapides sur la qualité de l’air, surtout dans les grandes agglomérations.

La baisse importante du prix du pétrole offre une occasion unique de procéder aux ajustements fiscaux qui supprimeront à terme toute incitation artificielle à acquérir un véhicule utilisant du diesel. Pour la même raison, l’établissement le plus vite possible, et les décisions prises à Bruxelles sous la pression de l’Allemagne de différer l’adoption de nouvelles normes ne vont pas dans le bon sens, de critères d’émission et des pénalités financières (malus) qui en découlent, doit constituer une priorité. A l’inverse, les bonus, qui pour une large part constituaient une incitation à acquérir des véhicules roulant au diesel, doivent être supprimés et les ressources économisées comme les malus collectés, affectés aux incitations en faveur du renouvellement du parc automobile, pour les particuliers comme pour les entreprises.

Jusqu’à présent, ces aides sont accordées sous conditions de ressources. Il faut savoir ce que l’on veut et ne pas poursuivre des objectifs contradictoires. Il y a bien d’autres moyens de faire de la redistribution sociale. En l’espèce la priorité, et il y a urgence, c’est la qualité de l’air. Ce sont les véhicules les plus anciens et ayant les plus fortes cylindrées qui doivent être éliminés. Par définition, leurs propriétaires ont eu (et ont donc des ressources) ou ont des niveaux de revenus qui ne les rendent pas d’ordinaire éligibles aux aides publiques. Il faut abandonner cette approche, supprimer toute contrainte de ressources et donner des primes significatives, calculées en fonction du niveau d’émission du véhicule qui sera envoyé à la casse.

Le retour à la neutralité fiscale essence-diesel, le maintien de malus élevés pour les véhicules dépassant certains niveaux d’émission et la concentration des aides sur le renouvellement des voitures comme des  véhicules professionnels les plus polluants peuvent produire rapidement des effets significatifs sur la qualité de l’air, tout en accompagnant le mouvement général de réduction des émissions de CO2 qui ira de pair.

Les conséquences pour les constructeurs nationaux sont parfaitement gérables d’abord parce que le mouvement sera progressif et que la reconversion des unités qui produisent des moteurs au diesel n’est pas insurmontable. Mais surtout, ils seront les premiers bénéficiaires  de la politique d’accélération du renouvellement. Enfin, autre aspect généralement oublié, cela permettra de rééquilibrer notre industrie du raffinage qui a été la première victime de cette préférence absurde pour le diesel, avec des fermetures de sites et une montée vertigineuse des importations. Le raffinage équilibré il ya vingt ans, génère un déficit commercial de plus de quinze milliards aujourd’hui. Cette tendance, comme celle relative à l’aggravation de la qualité de l’air peut être inversée. Mais il ne faut plus tergiverser.

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